Après un Grand Prix des Pays-Bas relativement ennuyant lors du weekend de la Fête du travail, les attentes n’étaient pas beaucoup plus grandes pour le Grand Prix d’Italie. Oui, le circuit de Monza est historique, légendaire et très rapide. Mais les opportunités de dépassement sont généralement rares puisqu’avec la vitesse atteinte dans la majorité des virages, il est très risqué de suivre de trop près la voiture devant soi. Malgré tout, avec la course de qualifications Sprint prévue le samedi, on pouvait espérer quelques surprises.
Malheureusement, ce sprint de 18 tours a été bouclé rapidement, sans grand changement aux résultats de la qualification classique du vendredi après-midi, si ce n’est la rétrogradation de Bottas en fond de grille, en raison de l’utilisation d’un 4e moteur pour la saison. La grille de départ pour la course du dimanche voyait donc Verstappen partir en première place et Hamilton en 4e place, avec les deux McLaren entre les deux. Perez, en 8e position sur la grille, ne pouvait pas espérer jouer les trouble-fête, en tout cas pas en début de course.
C’était sans compter sur Ricciardo, qui a connu un départ canon ne laissant aucune chance à Verstappen pour la première chicane. Avec un moteur Mercedes à bord, sa vitesse était juste assez suffisante pour tenir Verstappen à l’écart d’une tentative de dépassement, même avec le DRS activé. Impossible pour la Red Bull de reprendre la tête sans compter sur un arrêt aux puits ultra-efficace, comme l’écurie en a l’habitude depuis quelques années. Malheureusement, ça ne s’est pas passé comme prévu et un arrêt de plus 11 secondes a privé Verstappen de sa chance de prendre la tête. Pire encore, il s’est retrouvé un peu en arrière de Hamilton à sa sortie des puits, ce dernier s’étant arrêté plus tard à la faveur de pneus à gomme dure.
Ce qui s’est passé dans la tête de Verstappen à ce moment, personne ne pourra jamais le savoir. A-t-il rapidement calculé qu’en étant meneur au classement (par seulement 5 points, doit-on le rappeler), il serait «gagnant» en sortant les deux voitures? A-t-il au contraire vraiment pensé qu’il avait la vitesse et l’espace nécessaires pour passer devant Hamilton dans la première chicane? Ou a-t-il tout simplement été victime d’une erreur de jugement ou de pilotage? Ou encore, un joyeux mélange de tout ça? J’ai comme l’impression que c’est la dernière option qu’il faut privilégier. Tout s’est passé en quelques secondes seulement, à la surprise d’Hamilton, qui ne s’attendait sûrement pas à profiter d’un pare-soleil en forme de Red Bull.
D’ailleurs, parlant de pare-soleil, il faut encore une fois saluer le travail du «Halo», ce dispositif de sécurité qui avait tant déplu aux puristes lors de son introduction. Force est d’admettre que cet arceau servant à protéger la tête et le visage des pilotes a épargné une blessure importante à Lewis Hamilton en Italie. Qui plus est, il a aussi sauvé la vie de Romain Grosjean l’année dernière et probablement celle d’une pilote de la W Series il y a quelques semaines en Belgique. Alors, qu’il soit beau ou pas, le Halo est là pour rester, à notre grand bonheur.
Tout de suite après la course, Mercedes et Toto Wolff qualifiaient l’incident de faute technique alors que Red Bull et Horner avaient des commentaires plutôt neutres, sachant très bien que cette fois, ils étaient les bénéficiaires des avantages d’une double élimination. Clairement, personne n’était intéressé à lancer un autre drame comme seule la F1 a le secret. C’est dans les heures suivant la course que les commissaires ont annoncé une pénalité de trois positions sur la grille de départ du prochain Grand Prix pour Max Verstappen. Ce faisant, ils ont probablement voulu lancer le message que les manoeuvres à la Prost-Senna, Schumacher-Hill ou Schumacher-Villeneuve ne seraient pas tolérées pour la suite de la saison. Est-ce que le message est assez fort pour calmer les ardeurs des deux pilotes pour les courses à venir? On le saura en suivant le reste de la saison, qui demeure palpitante.
Bien sûr, tout ça a profité à Ricciardo, qui n’avait plus alors comme seul poursuivant que son propre coéquipier Lando Norris. Norris a évidemment tenté de convaincre son équipe qu’il était plus rapide que Ricciardo, afin de mettre la main sur sa première victoire en F1. Mais l’équipe a bien réagi en demandant à Ricciardo de montrer ce qu’il avait dans le ventre, ce qu’il a tout de suite prouvé. Pour McLaren, c’est donc un premier doublé en une décennie et un immense soulagement pour une écurie prestigieuse qui aura connu des années de misère il n’y a pas si longtemps. Et tout le monde sur le podium est passé par la tradition un peu bizarre du «Shoeey», consistant à boire le champagne de la victoire dans les souliers de Ricciardo. Seul Bottas, qui est monté sur le podium après être parti en fond de grille, a sagement décliné l’invitation.
Nos pilotes canadiens ont relativement bien fait, Stroll terminant 7e et Latifi 11e dans une Williams maintenant capable de rivaliser avec Alpine, Aston Martin et Alfa Romeo. Lance Stroll a été quasiment invisible pendant toute la course mais termine premier des écuries de milieu de grille. Sa capacité à enchaîner les tours «ordinaires» sans problème est quand même à souligner, venant encore une fois renforcer l’idée qu’il serait un excellent pilote d’endurance.
Dans deux semaines, on se retrouve à Sochi en Russie. D’ici là, la guerre psychologique entre les deux protagonistes principaux se poursuivra sûrement. Et McLaren, après des célébrations bien méritées, devra se remettre au travail pour assurer sa troisième place au championnat des constructeurs, que Ferrari n’a sûrement pas l’intention de laisser filer si facilement