Montréal va-t-elle nous faire honte ?

Premièrement, je tiens à m’excuser de m’être inspiré en partie du titre que j’ai vu dans une chronique parue sur le site des journaux dont la marque de commerce se termine par le nom des deux villes les plus importantes au Québec.

Avant d’aller plus loin, voici un petit retour chronologique sur les événements survenus en début juin l’année dernière lors de la présentation du Grand Prix du Canada. Des événements jugés inacceptables selon plusieurs :

Vendredi 7 juin 2024

  • Fermeture prématurée du circuit par la STM : La Société de transport de Montréal (STM) ferme le Circuit Gilles-Villeneuve sans concertation avec les organisateurs avant les essais libres, bloquant des milliers de fans à l’extérieur.
  • Évacuation soudaine du circuit ordonnée vers midi, causée par une mauvaise communication entre organisateurs, SPVM et STM.
  • Afflux massif à la station de métro Jean-Drapeau, aggravé par des messages sonores contradictoires dans les stations Jean-Drapeau et Berri-UQAM, entraînant confusion et congestion.
  • Points d’accès bloqués, empêchant spectateurs et écuries d’entrer ou de sortir efficacement, retardant des réunions de pilotes.
  • Zones pour spectateurs transformées en terrains boueux, rendant l’expérience inconfortable.
  • Inondations dans les garages (paddocks), les loges VIP et les cabines d’annonceurs.
  • Perturbations des opérations des équipes et des diffuseurs, avec critiques envers la Société du parc Jean-Drapeau pour l’état des infrastructures.
  • À 21h, le Service de sécurité incendie de Montréal (SIM) ferme quatre terrasses (ex. : Café Ferreira, Chez Alexandre) pour non-conformité des chapiteaux lors de l’opération Sentinelle. Intervention perçue comme un « climat de terreur » par les restaurateurs.

Samedi 8 juin 2024

  • Les terrasses de la rue Peel rouvrent sans chapiteaux pour se conformer aux normes, mais restent désertes en raison de la pluie persistante, amplifiant les pertes financières des restaurateurs.

Dimanche 9 juin 2024

  • Avant la fin de la course, une intrusion de spectateurs sur la piste, due à une sécurité défaillante, pose des risques graves et humilie la ville de Montréal. La mauvaise coordination entre le personnel de sécurité et les organisateurs est pointée du doigt.

Après le Grand Prix (réactions et mesures)

  • Stefano Domenicali (PDG de la Formule 1) qualifie les problèmes d’ inacceptables » dans une lettre à la mairesse Valérie Plante, exigeant des améliorations.
  • Certains médias dénoncent les cafouillages logistiques.
  • La ministre du Tourisme, Caroline Proulx, se dit « très gênée » par l’image projetée, promettant une analyse post-mortem.
  • Valérie Plante, « ébranlée » par l’incident des terrasses, critique la gestion du SIM.
  • Suspension de deux employés-cadres du SIM, dont un chef de section, et ouverture d’une enquête administrative sur l’intervention du 7 juin.

Une bonne nouvelle pour 2026

Pendant la rédaction de cette chronique, la date de l’édition du Grand Prix du Canada de l’année prochaine a été confirmée. L’événement sera présenté le 24 mai, le même jour que la présentation du Indy 500. C’est donc dire que la F1 rompt avec la tradition qui, depuis quelques années, regroupait à la même date le Grand Prix de Monaco, le Indy 500 et le Coca-Cola 600 en NASCAR.

La bonne nouvelle là-dedans, c’est que Montréal est certaine de présenter le Grand Prix du Canada en 2026. En étant plus tôt l’année prochaine, la F1 se donne une marge de manœuvre pour ajuster le calendrier de l’année suivante en cas de fiasco du côté de Montréal. Normalement, à cette date, le calendrier de 2027 ne devrait pas encore être sorti.

L’impact sur le climat

Maintenant que 2026 est assuré, la question à se poser suite à la liste « catastrophique » précédemment exposée : est-ce que les mesures prises pour l’édition 2025 seront suffisantes pour effacer l’ardoise de 2024 ? Certains spécialistes de l’environnement souhaitent que le Grand Prix disparaisse à tout jamais car, pour eux, l’événement fait partie des coupables des changements climatiques qui mèneront à la disparition de l’humanité (je fais ici un peu d’ironie, mais dans certains cas extrêmes, je suis peut-être proche de la vérité).

Un petit rappel intéressant avant d’aller plus loin : le Québec contribue à environ 11,6 % des émissions totales du Canada en GES, qui elles-mêmes représentent environ 1,5 % des émissions mondiales.

Cela signifie que les émissions du Québec équivalent à environ 0,17 % des émissions mondiales. Est-ce qu’un Grand Prix de Formule 1 de trois jours va abaisser les statistiques du Québec et du Canada en émission de CO2 ? Bon, je sais, certains vont dire : « Oui, mais il y a tous les transports reliés au grand cirque de la F1 plus tous les gens qui utilisent des combustibles fossiles pour se rendre à l’événement, ça compte aussi. » D’accord, mais même avec ça, les chiffres descendraient-ils vraiment pour que cela ait un impact significatif ?

Comme je suis un grand amateur de statistiques de toutes sortes, je me suis dit : pourquoi ne pas faire quelques recherches ? Voici le fruit de mon labeur (je n’ai aucune prétention scientifique, contrairement à d’autres qui se prétendent experts alors qu’ils ne le sont pas vraiment) :

Estimation totale des émissions de CO2 lors de la présentation du Grand Prix du Canada

En combinant ces facteurs, une estimation raisonnable des émissions pour le week-end du Grand Prix du Canada serait :

  • Voitures de course : 15 à 20 tonnes de CO2
  • Logistique : 7 000 à 10 000 tonnes de CO2
  • Déplacements du personnel : 3 000 à 4 000 tonnes de CO2
  • Déplacements des spectateurs : 1 500 à 10 000 tonnes de CO2 (selon la proportion de visiteurs internationaux)
  • Opérations sur le site : 1 000 à 2 000 tonnes de CO2

Total estimé : 12 515 à 26 020 tonnes de CO2 pour le week-end du Grand Prix du Canada.

Ensuite, j’ai effectué une recherche à savoir quelle est, sur une année entière, l’émission totale de CO2 du Québec : selon les données officielles du gouvernement du Québec et d’Environnement Canada, les émissions totales de gaz à effet de serre (GES) du Québec en 2021 étaient d’environ 79,8 millions de tonnes d’équivalent CO2. Pour 2025, en supposant une légère variation due aux politiques climatiques ou à la croissance économique, nous pouvons estimer les émissions entre 78 et 82 millions de tonnes.

Avec ces chiffres, nous sommes donc maintenant en mesure de calculer le pourcentage sur un an que représente le Grand Prix du Canada sur l’ensemble des émissions de CO2 au Québec. Le calcul sera effectué en tenant compte des estimations les plus élevées. Pour le calcul du pourcentage, j’ai divisé les émissions du Grand Prix par les émissions totales du Québec. Ensuite, j’ai multiplié le résultat par 100.

(26 020 / 82 000 000) × 100 = 0,0317 %

Les émissions du Grand Prix du Canada représentent environ 0,032 % des émissions annuelles de CO2 de la belle province. C’est-à-dire environ 32 centièmes d’un pourcent. Est-ce que quelqu’un avant moi (j’imagine que oui) a déjà fait ce calcul ? Est-ce que la diminution de 0,032 % des GES émis lors du Grand Prix peut justifier les pertes économiques que la disparition de l’événement engendrerait ? Est-ce que Montréal et le Québec ont les moyens de perdre le Grand Prix pour une émission de GES de 0,032 % ?

L’aspect financier

Maintenant que les chiffres expriment de façon assez claire que l’impact environnemental de l’événement est minuscule (n’en déplaise à certaines personnes, les chiffres parlent), regardons au niveau comptable ce qu’il en est. Le Grand Prix du Canada génère des retombées économiques estimées entre 42,4 et 63,2 millions $ CAD par an (2015-2019), principalement grâce au tourisme international. Cependant, les subventions publiques, atteignant 25,3 à 27,8 millions $ CAD annuellement, incluant 18,6 millions $ CAD pour les droits de course et l’entretien des infrastructures, entraînent un déficit fiscal net moyen de 5,3 à 15,8 millions $ CAD. Malgré une visibilité mondiale et la création de 900 emplois temporaires, la rentabilité de l’événement peut être remise en question, surtout face à la hausse prévue des subventions à 26 millions $ CAD d’ici 2031. Par exemple, aux États-Unis (Austin, Miami et Las Vegas), les Grands Prix ne reçoivent aucune subvention publique, les promoteurs assumant tous les coûts. Cela suggère que Montréal pourrait négocier de meilleures conditions avec la F1, vu son importance en Amérique du Nord.

Voici un aperçu de quelques Grands Prix qui reçoivent de l’aide gouvernementale :

Grand PrixPaysSubventions annuelles (approx., CAD)Source principale de financement
Abou Dhabi (Yas Marina)Émirats arabes unis54 M$ CAD (40 M$ USD)Gouvernement d’Abou Dhabi
Australie (Melbourne)Australie54 M$ CAD (60 M$ AUD)Gouvernement de Victoria
Arabie saoudite (Jeddah)Arabie saoudite47-54 M$ CAD (35-40 M$ USD)Fonds souverain saoudien
Bahreïn (Sakhir)Bahreïn47 M$ CAD (35 M$ USD)Gouvernement bahreïni
Canada (Montréal)Canada21,7 M$ CAD (moy. 2025-2029)Gouv. fédéral, provincial, municipal

Pas de place à l’erreur cette année

Maintenant que vous avez lu le résumé des événements nuisibles de l’année dernière, que vous avez vu les impacts environnementaux basés sur des statistiques (et non pas sur une base idéologique) et que vous connaissez une partie importante de l’aspect monétaire du Grand Prix du Canada : vous pouvez en tirer vos propres conclusions, selon vos valeurs et l’importance que prend cet événement dans le paysage canadien, mais surtout québécois.

Maintenant, revenons sur le cafouillage de 2024. Premièrement, on doit féliciter les promoteurs de l’événement qui ont apporté les correctifs nécessaires pour cette année. Les différentes entrevues accordées dans les médias dans les derniers jours laissent présager que les devoirs ont été faits. Voici une liste des ajustements apportés pour 2025 :

  • Refonte des opérations par le Groupe Octane, incluant une meilleure coordination avec SPVM et STM.
  • Modernisation des infrastructures du circuit pour améliorer le drainage et éviter les infiltrations d’eau et terrains boueux, avec tests rigoureux.
  • Renforcement des protocoles de sécurité pour empêcher les intrusions sur la piste.
  • Nouvelle approche du SIM : inspections préventives et interventions discrètes pour les terrasses.
  • Lancement de l’application « F1 GP Canada » pour des mises à jour en temps réel sur mobilité, sécurité et météo.

La partie qui m’inquiète de mon côté est celle dont la responsabilité appartient à la ville de Montréal. Est-ce que cette dernière tiendra ses engagements et est-ce qu’elle saura faire preuve de sagesse pendant les jours qui viennent en évitant de faire « scier » les commerçants ainsi que les visiteurs au centre-ville ? Déjà que la ville est la capitale nord-américaine du cône orange. Les morceaux des pots cassés de 2024 doivent être recollés rapidement et toute dérapade additionnelle qui pourrait survenir cette année pourrait s’avérer nuisible à long terme pour la survie de la F1 à Montréal.

En conclusion

J’avoue bien candidement que le titre de cette chronique était un peu « flashy », le but étant d’attirer votre attention. Le meilleur texte au monde ne sera jamais lu si son titre n’est pas accrocheur. Je sais que certains me lanceront des tomates juste en lisant le titre et en déduisant de façon grotesque son contenu sans l’avoir lu. Cependant, il était temps de remettre certaines pendules à l’heure.

En réalité, j’aime Montréal uniquement la semaine du Grand Prix. Le reste du temps, c’est une ville que je déteste pour de multiples raisons qui m’appartiennent. Cette ville n’est plus l’ombre de ce qu’elle a déjà été. Je n’y vais même plus pour prendre l’avion. J’aime bien aller dans le coin du quartier 10-30 qui est, selon moi, pas mal plus représentatif de ce que devrait être la métropole économique du Québec.

Certains seraient heureux de voir le Grand Prix disparaître car cela les rapprocherait de leur ville idéologique où les piétons et les cyclistes régneraient en maîtres. Au diable l’économie et les gens qui ne veulent pas vivre comme eux ; dans le fond, ce genre d’individus savent encore mieux que vous ce qui est bon pour vous !

« Est-ce vraiment pour des raisons environnementales ou plutôt pour des raisons économiques que certains détestent le Grand Prix ? Derrière cela se cache peut-être une haine profonde de ce que représente la Formule 1. »

Que les dieux bénissent les rois de la course et longue vie au Grand Prix du Canada !

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