Un autre été, pour aller prendre d’autres belles photos, frappe à nos portes. On continue d’écrire et de vous raconter de belles histoires et ainsi combler votre quotidien. Les pilotes acceptent volontiers d’embarquer dans le jeu, et c’est tout le monde qui en bénéficie. Pour être bien honnête avec vous tous, je ne pensais pas que ça allait se rendre aussi loin. Même d’aimer ça à ce point-là, c’est au-delà de mes espérances. Je dirais même à la limite de mes compétences, parce que le français n’a jamais été une de mes forces. Tant mieux si l’aventure se poursuit et tant mieux si je me suis découvert une autre activité pour garder les courses sur terre battue dans mon horaire. Quand j’arrive aux différents autodromes, je suis toujours impressionné de voir à quel point les gens adorent les courses et comment les pilotes aiment pousser la limite à son maximum. Les discussions partent dans tous les sens, et les gens sont allumés quand ils se mettent à parler des courses. Aucune classe n’est épargnée ! C’est évident que les spectateurs se déplacent pour voir les modifiés, mais, comme il y a beaucoup d’autres courses et de classes qui meublent une soirée, je me dois de pousser le crayon dans toutes les directions. J’ai eu le plaisir d’avoir une conversation avec le pilote Modlite Antonin Lafleur, qui m’a raconté le début de son aventure en course automobile et le parcours qu’il a suivi depuis.
La visite de l’Autodrome Granby pour la première fois en 2007-2008 a simplement confirmé ce qu’il savait peut-être déjà depuis longtemps : qu’il voulait conduire une voiture de course. « Depuis que je suis tout jeune, je conduis des quads, des motocross et des motoneiges. Tout ce qui avait un moteur, c’était dans mes cordes, comme on peut dire. En 2007-2008, mon père a commencé à suivre Alain Bergeron en Sprint Car. La première fois que je suis allé à l’Autodrome Granby, j’ai tout de suite su que c’est ça que je voulais faire : d’la course automobile sur terre battue. »

Avec le background qu’il avait dans d’autres sports motorisés, cela a certainement aidé et facilité son apprentissage pour conduire une voiture de course. Du moins, il ne partait pas complètement de zéro. Son entourage lui a manifestement murmuré dans le creux de l’oreille de ne pas brûler les étapes trop rapidement dans son souhait éventuel d’être derrière un volant, parce que c’est seulement en 2021 qu’il a fait l’acquisition de sa première voiture de course : « Vers les années 2015-2016, mon père a fait ses débuts en Lightning Sprint, ce qui m’a donné encore plus la piqûre de vouloir tourner en 2021. Je fais l’année complète en tant que mécano avec l’équipe Forcier Racing dans la catégorie Modlite. Fin de l’année 2021, mon frère Jeremy achète une voiture Lightning Sprint, et ça me donne extrêmement le goût, à moi aussi, d’avoir ma propre voiture. Ça adonne bien, la voiture de Réjean Lemieux est à vendre. Donc, j’ai fait l’acquisition de ma première voiture de course en 2021 et, depuis ce temps-là, on passe nos étés aux courses. »
Un paquet de facteurs aurait tellement simplifié son choix d’aller dans la direction d’un Lightning Sprint plutôt qu’un Modlite. Ces deux classes de soutien font partie du paysage de la terre battue, alors le choix allait être noble, peu importe le chemin qu’il décidait d’emprunter. Le sentiment de vouloir avoir du nouveau, de nouvelles sensations, et peut-être d’éloigner une petite guerre fraternelle amicale qui se dessinait à l’horizon, a éclairci le choix d’Antonin d’y aller en Modlite : « J’ai choisi les Modlites parce que, depuis 2007, je baignais dans le monde des Sprints avec mon père et Alain, et je voulais faire changement. La catégorie Modlite était en pleine expansion dans les années où j’ai commencé, et je trouvais que c’était une super belle catégorie. En plus, j’avais passé un an avec les Forcier en étant mécano. Donc, je connaissais déjà un peu les voitures, et pour être bien honnête, ma mère n’était pas super d’accord que je course dans la même catégorie que mon frère. Avec la grosse envie de gagner, elle avait peur que mon frère et moi, on se chicane, disons. » Les deux frères s’épanouissent dans leur catégorie respective, et c’est ben tant mieux comme ça. Qui sait, nous assisterons peut-être un jour à une confrontation entre les deux. Ça pourrait donner lieu à des flammèches et sortir le meilleur des deux pilotes. Une histoire supplémentaire qui pourrait s’écrire éventuellement.
Comme le paternel a fait ses premiers tours de piste à bord d’un Lightning Sprint, il allait de soi que le fiston suivrait ses traces pour commencer sa carrière. C’était la suite logique des choses, mais Antonin en a décidé autrement. La déception chez le père aurait pu envahir la maison et monopoliser les discussions, mais c’est plutôt l’excitation d’un nouveau défi qui attendait Antonin et le fait d’essayer de comprendre comment devenir un gagnant qui l’a submergé : « Non ! Mon père était pas mal du même avis que ma mère, soit que ses garçons ne coursent pas dans la même classe. Il trouvait que c’était un super beau défi d’essayer quelque chose de nouveau. Il n’était aucunement déçu, et même, je pense qu’il était fier de voir que je voulais essayer quelque chose de nouveau et que je m’impliquais à 100 % dans les réglages de la voiture et que j’essayais de comprendre pour être le plus performant possible. » C’était un choix visiblement réfléchi, et force est d’admettre que ça lui profite, parce qu’il a connu de bonnes performances, et la mécanique de sa propre voiture ne semble plus avoir de secret pour lui. Comme il l’a mentionné, la catégorie connaît ses plus beaux moments. Le fait d’avoir eu plusieurs gagnants différents la saison dernière en rajoute une couche supplémentaire sur la compétition qui peut exister à l’interne.
Ce n’est plus un secret de polichinelle pour personne que la famille est une part entière dans le succès du pilote. Cependant, est-ce qu’il existe une pression additionnelle de devoir réussir à tout prix et suivre les conseils des autres ? Antonin se met peut-être volontairement cette pression-là, mais il se considère hyper chanceux de pouvoir compter sur son frère, qui peut lui donner de très bonnes recommandations pour sa propre course : « Pour être honnête, un peu oui ! C’est sûr que quand mon frère fait sa finale de Sprint avant moi et qu’il gagne ou termine sur le podium, ça me met une petite pression de faire comme lui ou même mieux. Mais ça reste que je suis très chanceux de pouvoir compter sur mon frère, parce qu’il me donne de très bons conseils sur les lignes de course ou comment les pistes évoluent. Oui, il y a une certaine pression, mais je suis content de pouvoir compter sur mon frère quand même. » Malgré le fait qu’ils ne sont pas en compétition directe sur la piste, c’est beau de voir la camaraderie entre les deux. Il y a très certainement quelques jurons qui doivent s’échapper de leur bouche, mais s’ils grandissent en se chamaillant à l’occasion, il faut les laisser faire.

Les courses accaparent beaucoup de temps et d’énergie dans la vie d’un pilote de course. Je n’ai pas besoin d’une loupe pour m’apercevoir que les activités familiales sont souvent sacrifiées au profit d’un week-end de course. Le problème qui peut survenir est que les tensions ou les chicanes peuvent devenir plus fréquentes. Ou, comme le dit l’adage, ce qui se passe aux courses, reste aux courses. Pour Antonin, le tout a changé de manière positive, et le lien fraternel entre deux frères est tout simplement devenu plus solide : « Ça a changé un peu notre relation, mais en positif. Depuis que nous coursons tous les deux, on dirait qu’on se comprend mieux, vu qu’on vit la même chose. D’une certaine façon, notre complicité a atteint un niveau plus haut, je dirais. » Ça doit demander un effort titanesque de ne pas mélanger les deux mondes et de garder un certain équilibre. Chose certaine, ça forge le caractère, parce que les courses amènent son lot de bonnes et moins bonnes expériences. On n’a pas vraiment le choix que d’en sortir grandi, parce que sinon, on n’est tout simplement pas dans la bonne chaise.
Pour être autant investi dans le monde de la course automobile, on doit avoir les reins très solides. Il faut forcément aimer le danger et les sensations fortes pour s’investir à 100 %. Il y a certainement un élément déclencheur qui fait en sorte que l’on a choisi la course automobile. Pour Antonin, le fait de toujours avoir eu des « bébelles » qui font « vroum-vroum » y est pour quelque chose : « Comme je disais plus tôt, j’ai toujours été dans les moteurs. J’ai fait longtemps du motocross et du VTT, plusieurs blessures et commotions. Donc, je voulais quelque chose de plus sécuritaire. Donc, les courses automobiles étaient une belle option, et comme mon père suivait Alain Bergeron, qui était mon idole, je voulais courser sur la terre comme lui. » Je ne dis pas que c’est irréalisable, mais si on part de zéro complètement, les marches risquent d’être beaucoup plus dures à monter pour se rendre au sommet.
J’ai commencé à prendre des photos au snocross à Saint-Jean-de-Matha en 2014. Ceux et celles qui font de la course durant la saison hivernale se dégourdissent les jambes en faisant du motocross ou du VTT pendant l’été. Ce sont des sports différents, mais je suis étonné de voir que les pilotes s’adaptent très rapidement aux différentes machines de course. Comme me le mentionnait Antonin, c’est un univers différent, mais ça demeure de la course : « Oui, c’est différent du VTT et du motocross, mais les années que j’ai faites en VTT et motocross m’ont beaucoup aidé en Modlite. Ce n’est pas le même sport, mais ça reste de la course. » Je comprends que de la mécanique reste de la mécanique, peu importe le sport motorisé que tu pratiques. Je m’attendais à une multitude de choses à modifier dans son approche, mais, après la première soirée, il était déjà confortable avec la voiture : « La plus grosse adaptation est de savoir gérer sa pédale à gaz, parce qu’on le sait, un Modlite, c’est court et ça a beaucoup de moteur. Donc, très facile d’échapper la voiture. Je crois que ç’a été ça, ma plus grosse adaptation. Mais je te dirais que je l’ai appris très vite. Après une soirée de course, j’étais déjà très à l’aise dans la voiture. » On voit que l’expérience qu’il a acquise au fil du temps lui a été plus que bénéfique dans son apprentissage. Est-ce que ça a accéléré son développement ? Possible ! On voit clairement que ça a facilité les choses quand est venu le temps d’embarquer dans la voiture et qu’il a tenu le volant d’un Modlite pour la première fois.
Le moment fatidique où l’excitation est à son comble ! Les pilotes sont sur la fausse grille et prennent un instant pour se focusser sur la course qui s’en vient. Ils sont seuls au monde, et plus rien ne peut les déranger. C’est le moment parfait pour faire ses prières et se dire que tout va bien aller. On ferme les yeux et on se remémore une phrase qui nous a marqué : « Effectivement, ça arrivait souvent quand mon père allait aux courses avec Alain. Il lui disait toujours: au fond pis à gauche, avant qu’il embarque, et ça m’a marqué. Donc, je me ferme toujours les yeux et je vois mon père dire cette phrase à Alain. Ça me motive et ça me rentre dans mon beat de course. » La famille et les courses sont indissociables l’une de l’autre. On a une épaule pour s’accoter quand ça va mal et une personne à qui faire un câlin quand, au contraire, les choses vont super bien. Le souvenir que ces moments-là procurent enrichit tellement l’héritage de la course automobile qu’il ne faut aucunement les dénigrer.

Avec son passé de blessures au niveau des commotions cérébrales, je me serais attendu à ce que la crainte demeure présente lors de l’approche de la fin de semaine de course. D’autant plus qu’il nous a expliqué qu’il est facile d’échapper la voiture et de l’envoyer dans le mur. Il devient logique de penser que le pilote a une peur à vaincre pour que sa course se déroule bien. Antonin se sent hautement en sécurité, et il n’y a aucune inquiétude à avoir : « Non, parce que les équipements de sécurité sont parfaits. J’ai un super bon siège, des très bonnes ceintures, et on a une cage. Je me sens beaucoup plus en sécurité dans mon Modlite que sur un VTT ou un motocross. » Quand on le regarde rouler et entrer dans les virages sur 3 roues, les mots peur et crainte sont complètement effacés, et la pédale est au plancher.
La saison 2025 frappe à nos portes, et il est maintenant temps de savoir les objectifs du Modlite 66L et de toute son équipe : « De gagner le plus de courses, si possible, de s’amuser et de ramener le char sur les 4 roues à chaque soir. » Pour devenir le meilleur, il faut courser contre les meilleurs. C’est ahurissant de voir tous les déplacements que cela peut occasionner pendant une saison complète. Pour Antonin, il faut ce qu’il faut : « J’ai l’intention de faire quelques courses en Ontario et aux USA. C’est vraiment le fun de pouvoir courser contre les Américains. On voit un autre type de circuit et surtout un autre type de pilotage, et c’est vraiment le fun, parce qu’on apprend beaucoup quand on va aux USA. » Le fait d’aller de l’autre côté de la frontière va très certainement contribuer à son développement.
Un grand nombre de voitures à chaque programme permet à la série de connaître un bon essor et d’être plus qu’une classe de soutien. Elle offre un excellent spectacle, et le nombre de vainqueurs différents l’an dernier me permet de penser qu’elle est en très bonne santé. Antonin en fait, bien sûr, partie et continue de faire son chemin pour devenir le meilleur de sa catégorie. La compétition est féroce et je le comprends absolument d’aller faire des tours de piste supplémentaires à l’extérieur du Québec pour parfaire son apprentissage. Il sera assurément à surveiller cet été et il aura le titre de champion Modlite 2025 dans sa mire.
Bonne saison, 66L !