Le Grand Prix du Canada: on se revoit en 2022

Au moment d’écrire ces lignes, la nouvelle n’est pas encore officialisée mais la décision est fort probablement déjà prise. On reverra la F1 à Montréal en juin 2022 seulement. Les discussions en cours servent à minimiser les pertes financières, à analyser les risques contractuels et à rédiger l’explication la moins dommageable politiquement. Il sera intéressant de lire cette explication, en espérant qu’elle sera complète et transparente.

Le Grand Prix du Canada était prévu du 11 au 13 juin 2021. Il est évident qu’avec l’évolution de la pandémie au Québec et au Canada, et surtout selon la progression de la vaccination, la seule option pour la course de Montréal était le huis-clos. La bulle F1 contient environ 1400 personnes, incluant les pilotes, les mécaniciens, le personnel des écuries, les équipes télé, l’administration, la gestion de course, etc. Cette bulle existe depuis maintenant presqu’un an, a visité plusieurs pays et continents pour la saison 2020 et a assez bien réussi à contrôler le virus, malgré quelques éclosions mineures. Les protocoles de protection sanitaire sont rodés et sont probablement très bien cotés par la santé publique de la majorité des pays.

Par contre, cette bulle F1 ne peut en elle-même organiser et soutenir une fin de semaine de course. Elle doit être épaulée par une équipe locale aussi importante, sinon plus. Ça prend des équipes médicales, des signaleurs, des traiteurs, des équipes d’entretien, des grutiers, des chauffeurs de navette, etc. Et de nombreux autres bénévoles autour du circuit pour assurer le bon fonctionnement de l’événement, même s’il se tient à huis clos. Dans le contexte actuel, prendre le risque de faire rencontrer la bulle F1 et ce groupe d’intervenants locaux pendant 4 ou 5 jours n’est probablement pas la meilleure idée.

Vous aurez aussi compris que puisqu’une course aura lieu à Baku la semaine précédente, toute la bulle F1 devrait obtenir une permission spéciale du gouvernement fédéral pour ne pas avoir à respecter la quarantaine obligatoire pour tous les voyageurs. Ce serait un précédent difficile à faire avaler à la population, pour qui les passe-droit n’ont pas été nombreux depuis plus d’un an. Il est clair que les gouvernements ont toujours ça en tête quand vient le temps de prendre des décisions de ce genre. Si, dans un pays comme le Canada, les hockeyeurs de la LNH n’ont pas pu obtenir ces assouplissements, il serait difficile de les offrir aux 1400 personnes de la F1.

Il y a aussi toute la question des coûts inhérents à la tenue de l’événement. Le contrat entre les promoteurs de la course et la F1 prévoit une somme de 18 M$ par année. En plus de verser cette somme pour avoir le droit d’être dans le calendrier, le promoteur doit également organiser la course, pour un coût évalué à 6 M$ (pour une course à huis clos). En temps normal, la vente des billets permet de générer les revenus nécessaires à payer cette somme. Mais sans spectateurs, cette somme doit tout de même être payée. Évidemment, c’est aux gouvernements que revient l’odieux de payer cette somme. La F1, aussi riche qu’elle soit, ne s’abaissera pas à payer pour l’organisation d’une de ses courses. Ce serait un précédent dangereux.

Tout comme la population rechignerait probablement devant des assouplissements sanitaires pour la bulle F1, une dépense de 6 M$ pour une course dont on ne pourrait pas profiter sur place serait également très mal vue par une grande partie des contribuables.

Mais alors, pourquoi ne pas déplacer la course à l’automne, avant ou après le Grand Prix des États-Unis? À première vue, cette solution semble être une avenue intéressante. Il y a fort à parier que la situation sanitaire se sera suffisamment améliorée à l’automne pour espérer tenir un Grand Prix avec au moins quelques dizaines de milliers de spectateurs. Le problème, c’est le calendrier de la F1. La saison 2021 comprend un grand total de 23 courses, du jamais vu en F1. Entre le Grand Prix de Russie le 26 septembre et le Grand Prix du Brésil le 7 novembre, la F1 n’aura qu’une seule fin de semaine de congé en 7 semaines. Le seul moment où le Grand Prix du Canada pourrait s’insérer dans cette séquence complètement folle est le 17 octobre. On aurait alors 7 courses en 7 semaines. Il est absolument impossible de penser à un tel scénario. IMPOSSIBLE.

Mais si la course est annulée en 2021, est-il possible que le contrat soit brisé et que nous ne revoyions plus jamais la F1 à Montréal? Ce serait vraiment surprenant. En 2020, la course a été annulée pour force majeure, pour les deux signataires du contrat. Le document prévoyait des cas de force majeure et l’annulation de 2020 n’a pas causé de problèmes contractuels. Pour 2021, par contre, la situation est différente. La F1 est prête à tenir l’événement au Canada, ce sont les gouvernements locaux qui refusent de plier aux demandes de la F1. Il y a donc fort à parier que le contrat contienne des clauses de pénalité qui pourraient coûter quelques millions de dollars.

Mais je ne crois pas que le retour de l’événement soit en danger pour 2022 et jusqu’en 2029. On l’oublie trop souvent mais la manche canadienne est devenue avec les années un morceau très important du calendrier. Spa, Monza et Silverstone constituent bien sûr le coeur d’un calendrier F1. La tradition rattachée à ces circuits est immense. Mais le Grand Prix de Montréal a une réputation très enviable auprès des amateurs et des pilotes et le circuit a accueilli plus de Grand Prix que la très grande majorité des circuits autres que les trois mentionnés précédemment. La F1 peut difficilement se passer d’un arrêt au Canada, même si plusieurs villes ou pays cognent à la porte. Faisons notre deuil de l’édition 2021. Nous reverrons les F1 à Montréal en 2022. J’en suis profondément convaincu.

Chroniqueur / Photographe
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