On s’imagine souvent que les records ne pourront jamais être battus et finalement, un pilote réussit l’impensable. Pour certains, ce pilote devient tout simplement le meilleur de tous les temps.
Plusieurs personnes me demandent souvent ce que je pense des performances de Lewis Hamilton, qui vient de dépasser le grand Michael Schumacher au chapitre du nombre de victoires remportées.
À mon sens, il est le meilleur de son époque et il le mérite amplement, car il a un talent incroyable. Mais comment peut-on penser comparer les époques?
Pour moi, le plus important, c’est la rivalité. À ce chapitre, depuis le départ de Nico Rosberg, Lewis Hamilton est bien seul en piste. Bottas est très rapide sur un tour, mais n’a pas les atouts que possède Hamilton.
Hamilton est très rapide et adopte un style qui permet de conserver l’état des pneus à leur plein rendement. C’est l’enjeu de la conduite d’une Formule 1 moderne et sur cet aspect, Lewis Hamilton est inégalable.
Quand Michael Schumacher est devenu le «recordman» du nombre de victoires en carrière, il y est arrivé par son talent, mais aussi par son travail acharné. À l’époque, les essais privés étaient permis et dès que Ferrari avait des problèmes avec sa voiture, Schumacher se retrouvait rapidement sur le circuit de Fiorano durant des journées entières afin de trouver des solutions et améliorer sa voiture. Malgré la politique interne chez Ferrari d’avantager le pilote allemand, Schumacher devait quand même livrer la marchandise pour battre les Damon Hill, Jacques Villeneuve, Mika Hakkinen, David Coulthard et bien d’autres.
Selon moi, l’époque du pilote Ayrton Senna était l’une des plus belles. Les luttes qu’il a menées avec Alain Prost étaient extraordinaires. Oui, 1988 aura été une saison de domination à l’image de ce que Mercedes nous avait habitué au fil des sept précédentes saisons mais en 1988 le championnat a été bouclé à la toute dernière course de la saison, alors que Senna l’avait emporté sur Prost.
Quant à la suite des choses, le défi de gagner était loin d’être facile, car les Williams, Ferrari et Benetton étaient tous présents pour compliquer les choses de McLaren et Senna.
Un autre aspect qui joue un rôle important dans cette quête, c’est la fiabilité des Formules 1 modernes, qui est à des années lumière de ce que l’on avait en piste au cours des années 80. À cette époque, il y avait toujours un suspense à savoir si la voiture allait parvenir à gagner la ligne d’arrivée ou pas.
Le pilote avait d’ailleurs plusieurs responsabilités. En piste, il était seul, sans avoir toutes les informations de télémétrie. Ses fesses constituaient souvent son seul capteur. La seule gestion de la boîte de vitesses était aussi extrêmement délicate.
Jusqu’à l’arrivée des boîtes semi-automatiques, un pilote devait absolument savoir manier la technique du talon-pointe puisque cette technique peut avoir un impact majeur sur la fiabilité mécanique du moteur. Au freinage, le talon-pointe consiste à donner un coup d’accélérateur quand la boîte est au point mort, ou que l’embrayage est enfoncé pour faire monter le régime moteur au niveau qu’il aura quand le rapport inférieur sera enclenché.
Au cours des années 60, presque toutes les équipes disposaient du moteur Ford Cosworth. Un Jim Clark, qui réussissait à se démarquer bien au-dessus des autres, était exceptionnel.
Or, les statistiques ne disent pas tout. Dans les années 50, il existait une douzaine de Grands Prix et les pilotes avaient une chance sur quatre d’y laisser leur peau. Oui, Lewis Hamilton est un phénomène, car il est un pilote d’exception dans une équipe et une voiture d’exception. Personnellement, pour le bien-être de la Formule 1, je souhaite que ce record ne soit pas battu, car plus la compétition sera féroce entre les pilotes, plus nous parlerons de ce qui ce passe en piste plutôt que dans les colonnes de chiffres.