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Et si la majorité était dans l’erreur?

Crédit photo : Formula1.com

La controverse autour de la pénalité à Sebastian Vettel à Montréal fait désormais partie de la grande histoire de ce Grand Prix du Canada qui nous a donné tant de moments mémorables à travers les années, autant pour les bonnes que pour les mauvaises raisons.

On peut évidemment déplorer que cette pénalité ait privé les amateurs d’une fin de course entre les deux principaux protagonistes, bien que l’action n’ait tout de même pas manqué ailleurs sur la piste pendant les 70 tours de la course montréalaise. On peut aussi faire connaître notre insatisfaction par rapport à la trop grande place que prend maintenant l’application des règles dans les résultats des qualifications et des courses. Et nous aurions raison de rouspéter.

Mais le fait est que la pénalité à Vettel découle de règles que toutes les écuries connaissent, appliquées par des commissaires dont la nature et le mandat ont été acceptés par toutes les équipes et que la FIA avant le début de la saison 2019.

Certains collègues de 360nitro.tv ont fait valoir leur point de vue, je me permets aussi de le faire. Vous le comprenez maintenant, je maintiens, malgré la majorité qui pense le contraire, que la pénalité à Vettel devait être appliquée comme elle l’a été. Et laissez-moi vous expliquer mon point de vue sur le sujet, en espérant que vous aurez au moins l’ouverture d’esprit d’accueillir certains arguments sans rouspéter. 

Ceci étant dit, je déplore tout comme vous que cette course ait été décidée par les règlements et non pas par une bataille en piste (relisez cette dernière phrase et rappelez-vous que je l’ai écrite en lisant les prochains paragraphes). Et rappelez-vous aussi que je ne suis pas plus amateur de Vettel que de Hamilton. Mon pilote a toujours été Alonso. Maintenant qu’il n’est plus là, je me cherche encore un nouveau héros.

Maintenant, voyons la situation de plus près…

Le règlement de la FIA stipule, à son article 27.3, que les pilotes doivent rester sur la piste en tout temps. Les lignes blanches font partie de la piste, les vibreurs n’en font pas partie. C’est donc dire qu’au moins une partie de la voiture doit toucher à la ligne blanche pour être considérée être sur la piste. Lorsqu’un pilote quitte la piste, pour une raison ou pour une autre, il doit revenir sur celle-ci de façon sécuritaire et sans en tirer un avantage.

On peut affirmer, sans se tromper, que Vettel a quitté la piste après avoir manqué le virage 3 et qu’il est revenu sur la piste après le virage 4. L’a-t-il fait de façon sécuritaire? A-t-il obtenu un avantage en le faisant?

Il ne l’a visiblement pas fait de façon sécuritaire, tout le monde l’admet. D’ailleurs, Hamilton a été obligé de freiner, la télémétrie le démontre clairement. Bien sûr, Vettel n’a pas perdu le contrôle de façon intentionnelle, de même qu’il n’est pas revenu sur la piste de la façon qu’il l’a fait de façon intentionnelle. Tout ça est une conséquence d’une perte de contrôle au virage 3.

Mais justement, qui a perdu le contrôle au virage 3? C’est Vettel, lui-même, sans l’aide de personne d’autre. Hamilton mettait de la pression derrière mais il n’y a eu aucun contact entre les deux voitures et Hamilton était quelques mètres derrière Vettel lorsque ce dernier a perdu l’arrière de sa voiture. Vettel a fait une erreur de pilotage, qui a eu comme conséquence une perte de contrôle et une sortie de piste.

Si Vettel avait repris le contrôle de sa monoplace rapidement après être sorti de piste, il aurait été obligé, selon le règlement, de laisser le passage à Hamilton avant de retourner sur la piste. Mais il n’a pas repris le contrôle de sa voiture avant d’arriver au centre de la trajectoire après le virage 4.

Donc, s’il avait perdu le contrôle pendant une petite demi-seconde, il aurait été obligé de passer en deuxième place. Mais il a plutôt perdu le contrôle pendant une seconde ou deux. Il n’est pas logique qu’une perte de contrôle plus longue lui donne un avantage par rapport à une plus courte perte de contrôle. C’est à ce moment qu’il a obtenu un avantage en faisant ce qu’il a fait, même si ce n’était pas intentionnel (la dernière partie de la phrase est importante, selon moi).

Vettel a fait une erreur, Hamilton n’a pas fait d’erreur. Pourquoi est-ce que l’avantage doit aller à celui qui a fait l’erreur?

Certains me diront que les commissaires ont privé les amateurs d’une belle fin de course. Et je suis absolument d’accord, il aurait été très agréable qu’il en soit autrement. Mais est-ce que les arbitres au baseball doivent changer leur façon de rendre leurs décisions en 8e manche après avoir appliqué les règlements pour les 7 premières manches? Non (et j’ai été arbitre au baseball, je sais de quoi je parle). Que ce soit Vettel ou Kubica, que ce soit Monaco ou la Chine, que ce soit une Williams ou une Red Bull, les règles sont les mêmes pour tous.

La saison dernière, Verstappen a été pénalisé de 5 secondes pour avoir fait la même chose à Raikkonen, dans des circonstances très similaires sur le circuit de Suzuka, la seule différence étant la présence du mur à Montréal. La même décision avait été prise, dans les mêmes circonstances.

Est-ce que les règles doivent être changées? Absolument. Je ne suis pas un fan des courses décidées au deuxième étage. Mais la F1 de 2019 n’est plus la F1 des années 70. La sécurité est mille fois plus importante et les sommes en jeu sont aussi mille fois plus imposantes. Dans un tel contexte, les règles ne peuvent pas disparaître, elles peuvent être améliorées.

Les amateurs veulent un bon spectacle, les pilotes veulent gagner, personne n’aime se faire dire quoi faire, personne n’aime se faire réprimander et les arbitres et commissaires sportifs ne sont jamais assez compétents; voilà des réalités de notre monde. Mettez tout ça ensemble et il est évident que cette décision serait impopulaire. Mais ça n’empêche pas qu’elle était basée sur des règles et sur une certaine logique.

En terminant, je refuse qu’on blâme Emanuele Pirro, le pilote-commissaire délégué pour le Grand Prix du Canada. On a dit de lui, et ça inclut certains anciens pilotes de F1, qu’il n’avait pas les compétences pour faire ce travail. Cet homme a eu une longue et fructueuse carrière en course automobile. Il a gagné cinq fois les 24 heures du Mans, on peut compter sur les doigts d’une main ceux qui peuvent en dire autant. Pirro était à sa place et a pris une décision avec ses collègues qui était basée sur les règlements en place.

Maintenant, je souhaite qu’on travaille à améliorer ces règlements. Je veux que les pilotes puissent batailler en piste sans la crainte constante d’une pénalité venue d’en haut. Je veux une F1 plus libre. Mais je veux aussi une F1 qui respecte les règles qu’elle s’est elle-même données.

Et maintenant, qu’on se prépare pour le Grand Prix de France. Vettel a 7 points en moins et Hamilton en a 7 en plus. On gage combien que ça ne changera absolument rien en fin de saison?

Chroniqueur / Photographe
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3 comments on Et si la majorité était dans l’erreur?

  1. Christian Gingras dit :

    David Tremayne a écrit un très bon texte sur Formula1.com. Les points 1 et 2 sont particulièrement intéressants et rejoignent parfaitement ma pensée. Je ne peux pas copier le lien ici mais le titre de la chronique est: DT’s 10 Hot Takes from Canada. À lire.

  2. Ludger Lahaie dit :

    Completement d’accord avec toi.

  3. Eric Descarries dit :

    Vraiment une analyse qui vaut la peine d’être lue et prise en considération. De véritables bons arguments! Merci!

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