Zolder 1982… En mémoire de Gilles Villeneuve

Crédit photo : Musée Gilles-Villeneuve

Le début de la saison 1982 était tout sauf heureux chez Ferrari. Après 4 courses, la Scuderia n’avait marqué qu’un petit point, grâce à la 6e place de Pironi au Brésil. Mais la guerre incessante entre les équipes FISA (Fédération Internationale du Sport Automobile) et celles FOCA (Formula One Constructors Association) a amené le boycott de la part de ces dernières pour le Grand Prix de Saint-Marin. J’en ferai un texte dédié prochainement.

Cela signifie donc que les écuries Williams, Brabham, March, Ligier et McLaren, entre autres, ne se sont pas présentées à Imola, ce qui ne laisse que 14 voitures pour la course. Ferrari et Renault étaient les seules équipes qui avaient des chances réelles de gagner ce Grand Prix. À la suite des abandons d’Alain Prost et René Arnoux, la voie est libre pour un doublé Ferrari.

Les deux voitures caracolent en tête, s’échangeant la tête à plusieurs reprises, plus d’une minute devant Michele Alboreto, dont la Tyrrell se tient confortablement en 3e position. Gilles Villeneuve et Didier Pironi se font montrer un panneau marqué ‘’SLOW’’ avec une poignée de tours à faire. À l’interne chez Ferrari, cela signifie ralentir pour sauver la mécanique, qui n’a pas été des plus fiables cette année-là, et garder les positions telles qu’elles sont au début du dernier tour. Gilles est en tête à ce moment.

Mais Didier n’entend pas en rester ainsi, il plonge à l’intérieur du crochet avant l’épingle Tosa et prend la première position. Gilles n’est pas en mesure de reprendre sa position et le doublé Ferrari est confirmé dans cet ordre. L’ambiance est au plus bas sur le podium, Pironi sourit au champagne tandis que Gilles est dans sa bulle. Il jette aucun regard à la foule, il ne célèbre pas le succès d’équipe. Il commence même à considérer son éventuel départ de chez Ferrari.

La suite

L’arrivée en Belgique est difficile pour Gilles, il a encore la trahison d’Imola sur le cœur. Lors des qualifications du samedi 8 mai, il ne reste que 10 minutes à la séance et Pironi devance Villeneuve par un dixième de seconde. Il n’en fallait pas moins pour inciter Gilles à battre le temps de son coéquipier. Il met son dernier train de pneus de qualifs et sort en piste. Sur son deuxième tour, il arrive à la chicane à la moitié du tour. Non loin devant, la March de Jochen Mass roule lentement et est en route vers les puits.

Il aperçoit Gilles dans ses rétroviseurs, et décide de se tasser à la droite de la piste à la sortie du virage Butte pour laisser la ligne de course à la Ferrari. C’est un virage qui s’approche par une montée immédiatement suivie par une descente, à une vitesse frôlant les 250 km/h. Gilles descend la petite côte et prend le point de corde. Malheureusement, il prend la même trajectoire que Mass et la roue avant gauche frappe le côté arrière droit de la March. La Ferrari est catapultée dans les airs à une vitesse folle avant de retomber le museau sur le gazon. La voiture effectue ensuite une série de tonneaux dans tous les sens et les ancrages du siège cassent, propulsant le corps déjà inerte de Gilles dans la zone de dégagement parsemée de grillages, comme la tendance de l’époque le veut.

Le premier médecin arrive sur le site de l’accident en 35 secondes et quelques pilotes, dont le vainqueur de la course du lendemain, John Watson. Il a le visage bleu et ne respire plus, malgré son battement cardiaque régulier. Il est transporté à l’hôpital de Leuven, où il est maintenu en vie artificiellement jusqu’à ce que des spécialistes de par le monde ne déclarent qu’il n’est plus viable, notamment en raison d’une fracture au cou qui lui est fatale. L’heure confirmée du décès est 21:12, heure de Belgique.

La légende

La perte de ce héros d’un peuple a causé une peine d’un niveau rarement atteint lors de la mort d’un athlète. Gilles n’était peut-être pas le plus victorieux, ni le plus chanceux, mais tous et chacun savaient ce dont il était capable et qu’il se donnait à 100% en toute circonstance. Son coup de volant sous la pluie était dur à battre, comme en fait foi la séance libre du vendredi à Watkins Glen en 1979, alors qu’il a mis 10 secondes à tout le reste du plateau sur une piste détrempée.

On retiendra aussi sa première victoire acquise sur ses terres, au circuit qui portera son nom, en 1978. Par un froid de canard du début du mois d’octobre, il profite des ennuis du meneur Jean-Pierre Jarier pour prendre les commandes et recevoir le drapeau à damier en premier. Sur le podium, on se souviendra de son accroc au protocole, alors qu’il demande à asperger une grosse Labatt.

Sa combativité restera inégalée, comme il l’a montré lors du Grand Prix des Pays-Bas, à Zandvoort en 1979. Après avoir passé la Williams d’Alan Jones par l’extérieur, il perd la première position en partant en tête à queue devant l’Australien. Quelques tours plus tard, son pneu arrière gauche éclate au bout de la ligne droite des puits. Dans le gazon, il se tourne la tête et regarde le pneu délaminé. S’ensuit alors un des tours les plus typiques de l’histoire de la F1. Sur deux roues, il revient aux puits malgré le coin arrière gauche qui se détruisait à vue d’œil et une roue avant droite qui ne touchait jamais le sol. Plusieurs disaient que c’était de la folie pure, d’autres que cela relevait du génie, mais il s’est rendu jusqu’à son box dans les puits. Cependant, la voiture était dans un état tel qu’elle n’en était point réparable. Rappelons-nous aussi son aileron avant qui s’est dressé devant lui lors du Grand Prix du Canada 1981. Un petit coup de frein bien placé et hop!, l’aileron s’est enfin détaché.

Il était également d’une grande loyauté. Au Grand Prix d’Italie 1979, son coéquipier Jody Scheckter n’avait besoin que de terminer devant Gilles pour être couronné champion. Après les ennuis de René Arnoux, les Ferrari se sont trouvées en tête, Scheckter devant Villeneuve. Gilles est sagement resté derrière, préférant le succès d’équipe à son propre bénéfice. Cela pourrait expliquer son grand désarroi, sa rage profonde, lors du Grand Prix de Saint-Marin 1982. Il n’aura malheureusement pas la chance de devenir champion du monde à son tour.

Un des faits les plus marquants demeurera cependant le Grand Prix de France 1979 tenu à Dijon-Prenois. Le duel avec son bon ami René Arnoux restera dans les annales à jamais. Pendant plusieurs tours, les deux se donnent des coups de roue et se dépassent à qui mieux mieux, tout ça pour la deuxième place. Jean-Pierre Jabouille allait ainsi remporter la première victoire de Renault avec Gilles et Arnoux derrière lui sur le podium. Autant la conduite de Gilles pouvait être erratique par moments, autant il pouvait faire preuve de grand esprit sportif en piste.

Autant de qualités qui ont fait de lui une légende, malgré des statistiques en sa défaveur. Il y a tellement plus à dire sur Gilles, sur ses débuts en motoneige, ses années en Formule Atlantique, la saison 1977. Je couvrirai ces années dans un autre texte. Gilles Villeneuve restera à jamais un héros en Italie, au Québec, et partout ailleurs. Au fil du temps, plusieurs monuments ont été érigés à sa mémoire, en plus de l’ouverture du Musée Gilles-Villeneuve à Berthierville. Tout cela gardera sa mémoire intacte pour les générations à venir.

En mémoire de :
Joseph Gilles Henri Villeneuve – 18 janvier 1950 – 8 mai 1982

Chroniqueur
À propos de l'auteur
Archives de Mathieu Brière

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