Le Grand Prix de Saint-Marin 1994, 25 ans plus tard

Crédit photo : Bernard Cahier

Nous sommes le 29 avril 1994, c’est un bel après-midi à l’Autodromo Enzo e Dino Ferrari. La séance de qualifications du vendredi bat son plein. Les tours s’enchaînent et soudainement la séance est interrompue par un accident grave. La Jordan de Rubens Barrichello décolle sur un vibreur à la Variante Bassa et frappe le haut du mur de béton par-dessus les pneus de protection. Elle fait alors des tonneaux, les bras de Rubens sortant même du cockpit. Les restes de la Jordan se trouvent à l’envers une fois à l’arrêt. La voiture est alors remise sur ses roues, le pilote toujours à l’intérieur, par les commissaires. Rubens est inconscient. Il est transporté au centre médical de la piste et ensuite à l’hôpital. Il s’en sortira avec un nez cassé et un bras dans le plâtre, malgré l’impact de 95 g.

24 heures plus tard, il fait toujours aussi beau. Les qualifications commencent et ça roule bien. Jusqu’à la 18e minute, alors que la Simtek de Roland Ratzenberger fonce tout droit dans le mur au virage Villeneuve, qui se prend normalement à fond à plus de 300 km/h. Un accident qui n’est pas sans rappeler celui que Gilles Villeneuve a subi au même endroit en 1980, à la différence que Gilles a frappé le mur en angle. Une sortie de piste dans la chicane Acque Minerale aurait possiblement endommagé l’aileron de la Simtek un demi-tour plus tôt, causant un bris rendant la voiture incapable de tourner dans la courbe à droite. Une fracture du crâne et plusieurs autres blessures lui ont malheureusement été fatales.

L’ambiance est morose en ce 1er mai 1994, la F1 vient de perdre son premier pilote dans un week-end de Grand Prix depuis Riccardo Paletti en 1982. Ayrton Senna, alors le plus expérimenté et le plus apprécié des pilotes, n’est pas dans un état d’esprit lui permettant de courir. Il vient de voir les restes de la Simtek, il vient de perdre un collègue, il vient de voir son ami Rubens avoir un accident hyper grave, plus rien ne va autour du Brésilien. Il a perdu ses routines, sa tête est ailleurs. Mais il se résout et se rend sur la grille.

Un accident impliquant JJ Lehto et Pedro Lamy au départ cause la sortie de la voiture de sécurité. Celle-ci étant visiblement peu adaptée à garder une certaine vitesse, les pneus des F1 perdent en pression et les freins refroidissent rapidement. Après 5 tours, les voitures retournent à pleine vitesse et Senna pousse. Sous pression de la part de Michael Schumacher, il fait son meilleur tour en course dès la relance. Mais au 7e tour, il sort de piste à plus de 310 km/h et frappe le mur à l’extérieur du virage Tamburello. La roue avant droite lui frappe le casque, lui causant de multiples fractures au crâne. Il décédera officiellement 4 heures plus tard à l’hôpital Maggiore de Bologne. La F1 venait de perdre un de ses plus grands.

Que s’est-il passé après ?

Les trois accidents dont il a été question jusqu’ici ont été le point tournant pour l’arrivée de plusieurs innovations, dont certaines pourraient paraître évidentes de nos jours. Senna avait commencé à pousser pour faire renaître l’Association des pilotes, disparue en 1982. Réinstaurée lors du Grand Prix de Monaco, l’Association redonne enfin une voix aux pilotes, qui réclamaient une amélioration de la sécurité globale. Il a malheureusement fallu deux décès pour que quelque chose se fasse.

Des modifications ont été apportées d’abord au circuit d’Imola aux points névralgiques, dont l’ajout de chicanes à Tamburello et Villeneuve. Les chicanes de Acque Minerale et Variante Bassa ont été remplacées par des virages plutôt rapides mais plus sûrs. En réactions, d’autres pistes du Championnat du monde ont ajouté des chicanes temporaires pour ralentir les voitures, dont une au bas du Raidillon à Spa, ainsi qu’à Montréal et Barcelone. Ces changements n’auront été que pour 1994, sauf à Montréal où la chicane est restée pendant 2 ans.

Les voitures ont également été modifiées pour éviter que quoi que soit de semblable ne se reproduise. Les cockpits étant très ouverts jusqu’en 1994, des protections additionnelles ont été posées autour de la tête des pilotes pour 1995. Mais l’écurie Sauber a été la pionnière en la matière et en a fait des versions permanentes dès le Grand Prix d’Espagne 1994.

Les effets de la voiture de sécurité sur les freins et les pneus amènent la Formule Un à repenser son modèle et à choisir un modèle unique et suffisamment performant. La Mercedes AMG a fait son apparition en 1996 et n’a jamais quitté.

Il était cependant dommage de constater qu’il ait fallu un week-end si tragique pour faire avancer les choses. Une chose est sûre, Roland Ratzenberger et Ayrton Senna seront à jamais marqués dans l’histoire de la Formule Un comme étant les dernières victimes en piste avant l’accident de Jules Bianchi en 2014 (il mourra 9 mois et demi plus tard).

Les leçons à en tirer ont été nombreuses et il reste probablement encore un bon bout de chemin à faire, notamment sur la qualité de certaines interventions autour des voitures, mais la Formule Un est sur la bonne voie et le risque devient de plus en plus faible à chaque année. Des noms de la trempe de Max Mosley, Dr Sid Watkins et Jean Todt ont réussi à apporter beaucoup de changements pour le mieux du sport. La dernière innovation est le halo, décrié de plusieurs. Mais ne vaut-il pas mieux maintenant prévenir plutôt que guérir ?

En mémoire de :
Roland Ratzenberger – 4 juillet 1960 – 30 avril 1994
Ayrton Senna – 21 mars 1960 – 1er mai 1994

Chroniqueur
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Archives de Mathieu Brière

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