Yan Bilodeau: un pilote tranquille à découvrir

Crédit photo : Pierre Chamberland

À la fin du dernier texte, je disais que tout le monde méritait d’avoir son heure de gloire. Les pilotes sont sous les feux de la rampe constamment et la performance se doit d’être au rendez-vous. On ajoute plusieurs bris mécaniques ou malchance et le pilote peut aisément remettre en question sa saison. Si les obstacles finissent par s’éloigner de ton équipe, que tu connais plus de succès que par les années passées et que tu évolues dans une classe ultra compétitive comme les Modifiés, on pourrait passer à côté de ta belle histoire parce que David Hébert vient d’en coller cinq de suite. Je suis le genre à démissionner facilement avant même que la course commence parce que je sais pertinemment qu’Hébert en Modifié ou Jacob Nadeau en Sportsman partent avec une longueur d’avance sur les autres compétiteurs. Quand je vois que c’est une domination complète, je tourne le regard légèrement sur la compétition et je regarde les autres rouler. Un gars comme Yan Bilodeau connaît souvent d’excellents départs lors de ses courses et est plus que capable de remporter ses qualifications. Il n’a peut-être pas les moyens financiers des grosses équipes sur le circuit, mais il ne s’en laisse pas imposer. Plus je le regarde aller, plus je me dis: heille, c’est un fichu de bon pilote ça! Raison de plus pour vous raconter son histoire et vous faire découvrir qui est l’homme derrière le volant du bolide #23 en classe Modifié. 

          Ça ne fait pas aussi longtemps que vous tous que je suis  la course automobile pour avoir vu Yan rouler autrement qu’en Modifié. Avec un style de pilotage qui se démarque des autres, j’aurais tellement aimé ça le voir en action dans un ESS Sprint 360. Il ne faut certainement pas être effrayé par la vitesse des bolides et ne pas avoir froid aux yeux de frôler le mur en sortie de virage et bien souvent sur deux ou trois roues. Évidemment, quand tu commences en sport motorisé à un très jeune âge, entouré de papa et maman, laissez-moi vous dire que sa feuille de route n’a d’autres choix que d’être très impressionnante: «J’ai commencé à courir à l’âge de 3 ans en mini-z. Ensuite, j’ai couru en motocross jusqu’à l’âge de 12 ans où là j’ai commencé en midget (Lightning Sprint, mais sans aileron) au RPM. Ensuite, j’ai gradué en Lightning juste qu’à l’âge de 16 ans. Suite à ça, j’ai monté en ESS Sprint 360 jusqu’à temps que mon père tombe malade. Et de là, j’ai continué en Modifié». Je présume que d’avoir été dans le bain aussitôt dans sa carrière l’a aidé à se battre avec d’autres pilotes sur la piste et être immunisé contre la peur qui le guette à chaque tour de piste. C’est un pilote que j’ai appris à découvrir au fil du temps de par son pilotage tout en douceur. Ça fait drôle à dire, mais si je le compare à Steve Bernard qui n’y va pas dans la dentelle avec un pilotage un peu plus agressif, la comparaison a sa place.

        

J’aurais aimé ça voir son père courser, mais ma passion pour la photographie sportive s’est développée sur le tard. Semble-t-il que c’était tout un pilote et ses adversaires se devaient de l’avoir à l’œil. Non seulement le choix du numéro était facile à faire, mais disons que beaucoup de travail l’attend pour pouvoir espérer un jour égaler son père en termes de performance: «Tout simplement pour ravoir le numéro à mon père. La pomme n’a pas tombé loin de l’arbre, mais j’ai encore des croûtes à manger pour lui arriver à la cheville». Il disait ça avec un petit sourire en coin, mais je trouve que ses propos sont d’une grande sagesse. Il poursuit la passion familiale. Malgré le fait que la marche est très grande pour oser dire qu’il va chausser les souliers de son père un jour, il y va à fond la caisse.

         Comme tous les pilotes, le parcours de Yan Bilodeau en course automobile a commencé très jeune. Il a fait plusieurs classes avant de trouver sa niche en classe Modifié. Chacun d’entre nous a sa préférence et toutes les raisons sont valables. Personnellement, j’aime bien les Pro Stocks parce que ça joue du coude et j’aime bien ça quand ça brasse un peu et les Modifiés pour la vitesse et la compétition féroce entre les pilotes. En fait, j’ai compris ce que le mot «vitesse» voulait réellement dire quand j’ai vu, pour la première fois, les bolides ESS en action. Pas besoin de vous dire quelle classe il a préféré: «Sprint pour la vitesse et l’adrénaline, le style de conduite». Les pilotes sont simplement dans une classe à part. Ils frisent le mur en utilisant la ligne extérieure sans aucun complexe. Ils sont un peu fous de rouler à des vitesses pareilles, mais disons qu’ils mettent leurs capacités à contrôler leur bolide sur la piste à rude épreuve.

Pour Yan, le fait qu’il faut être constamment allumé représente le défi numéro un pour conduire un Sprint: «Faut toujours avoir en tête du dirty air. Ce qui veut dire que tu ne peux pas suivre une autre voiture de proche car tu n’as plus d’appui au sol. Il n’y a pas un tour de semblable dans le sens qui faut toujours tu sois sur tes gardes et que tu saches où sont les autres car c’est du open wheel». Je ne suis pas dans le secret des dieux pour connaître absolument tout sur le «Dirt Racing». Il me faut alors poser les questions qui peuvent paraître stupides pour certains, mais qui, pour moi, me permettent d’éclairer mes lanternes. Qu’est-ce que cela veut dire du open wheel: «Bah les Modifiés, on a des bumpers de côté et les roues sont pas à découvert. Un sprint, les roues ne sont pas dans un body. Donc, s’il y a contact, les roues se touchent et up on part dans le décor». Je m’incline devant les aptitudes qu’il possède pour maîtriser ces énormes bolides qui changent de direction sans avertissement.

         Plusieurs classes, plusieurs pistes et plusieurs changements! C’est ce qui a composé le parcours de Yan Bilodeau en course sur terre battue. Le fait d’assimiler autant d’informations doit certainement lui demander beaucoup de temps en dehors des courses pour justement arriver fin prêt pour la prochaine fin de semaine. C’est surtout quand il a passé du Sprint au Modifié qu’il a fallu y apporter des correctifs parce qu’il commençait une toute nouvelle aventure: «De Mini Sprint à gros Sprint, ça reste similaire pour la conduite. Seulement, tu t’adaptes à la vitesse. Pour ce qui est des Modifiés, y’a fallu je recommence de zéro car y’a rien de pareil, le comportement de la voiture est totalement différent». Même si tu baignes dans la course automobile depuis des années, tu dois constamment faire tes devoirs et apprendre sur la nouvelle voiture que tu vas avoir entre les mains.

         Je n’ai aucun doute dans mon esprit que Yan a fait les siens pour bien comprendre dans quoi il s’embarquait. Chantal roule sa bosse depuis bon nombres d’années en ayant été couronné recrue de l’année en 2018 en modifié et Dany n’a plus besoin de présentation. Le support d’une famille est primordial et les souvenirs que l’on peut en soutirés sont d’une valeur inestimable. Leur implication dans la passion qu’à Yan pour la course automobile lui ont permis de récupérer la voiture de son père pour ses premiers tour de piste en modifié: «Bah mon père a essayé de m’aider le mieux qu’il a pu dans la situation qu’il était. Pour ma mère, elle a été un support et présente depuis les débuts et encore aujourd’hui. Ils m’ont aussi permis de reprendre la voiture que mon père conduisait. Ce qui a été un bon plus dans mes débuts en modifié». Toute l’histoire s’est écrite sous nos yeux au fil des années et les liens semblent tissés serrés comme aucune autre famille. La présence de Dany va suivre Yan pour le restant de ses jours et quand il va être sur la piste, il vas le «traîner» et courser avec lui quoiqu’il advienne.

         La famille est un élément à ne pas négliger dans l’équation pour le succès d’un pilote en course automobile. Je demande souvent si la relation que vous entretenez avec vos famille change étant donné que vous êtes toujours ensemble. Pour Yan, il est important de ne pas mettre les histoires de famille sur la piste: «Il est évident que c’est une partie d’entraide et d’échange ensemble hors piste. En piste, reste le fait que toutes voitures sont des compétiteurs avec qui nous cherchons à aller chercher la meilleure position dans le respect et la convivialité». Cela doit demander un effort exagéré pour tenir éloigner de la course la dispute que l’on a eu le vendredi soir ou le désaccord sur la stratégie de course à apporter. Le focus doit être à 100% sur la piste quand le drapeau vert est agité. Il n’y pas de place à l’erreur!

         Il devient évident que pour être autant hypnotisé envers la course automobile, il faut que quelque chose nous retienne. Certainement qu’il y a une grande part au plaisir à exercer la passion qui nous anime, mais ça vas au delà de ça. Je ne penses pas que Yan va sur les pistes de course pour simplement faire des tours, rentrer la voiture dans le trailer et ramener tout ça à la maison sans rien dire. Le simple fait d’être assis derrière le volant de son bolide est amplement suffisant pour lui et son équipe d’être présent à chaque week-end: «L’adrénaline, la compétition, le feeling de conduire, le dépassement de soi, de pousser la machine à son max». Je ne penses pas que c’est généralisé, mais disons que si tu t’assoies dans ta voiture et que tu ne ressens rien quand tu complètes tes tours, tu n’es sûrement pas assis dans la bonne chaise. 

        

C’est quelque chose que je me sens privilégié de faire que de prendre des photos dans le moment le plus vulnérable du pilote. Quand il est seul au monde dans son univers les yeux fermés: «Pour ma part j’essaie de visualiser la course ou de juste faire le vide». De ce que je peux en comprendre, il faut être dans de bonnes dispositions au départ de la course. Je ne dis pas que ce petit moment intime, privé avec toi-même est un passage obligé, mais disons que tu parts avec une prise contre toi si tu embarques sur la pisteavec tes tracas de la vie quotidienne sur la conscience.

         Je voyais passer sur mon fil d’actualité récemment un bodybuilder qui racontait son emploi du temps. Tout son horaire était fixée au quart de tour. Rien n’était laisser au hasard. Par contre, il tenait absolument à dire qu’il était ultra important d’avoir une vie sociale autour. Je présumes que ça apporte autant de bénéfice que ses séries lui permettant de lever 300 livres sur le bench press. Pourquoi cela serait différent pour le sport motorisé ? Les dangers sont là et c’est très demandant physiquement et mentalement. Je sais que c’est un mode de vie, qu’il est difficile d’éloigner les courses des discussions, mais j’ai tout de même tenter ma chance. Pour Yan, c’est le contraire qui se passe: «Pour moi, c’est les courses qui me font décrocher de la job». J’adore la réponse! C’est un peu pour ça aussi que j’aime vous partager les histoires qui me sont racontées. La diversité des réponses! Je passerais à côté de quelque chose si je ne m’étais pas mis à l’écriture.

         Pendant mon parcours scolaire au secondaire, on m’a donné plusieurs surnoms. J’ai l’impression que plus les années passaient plus ça faisait partit de mon identité. Quand Yan a commencé son parcours en course automobile, il a dû montrer de quoi il était capable. Au travers les années, il a su démontré qu’il était un pilote respecté de tous, à prendre au sérieux et qu’il n’avait plus besoin de prouver qu’il savait tenir le volant d’une voiture de course entre les mains. Les gens autour de lui ou encore ceux des courses finissent par trouver un surnom pour définir qui est Yan Bilodeau. Pourquoi «The Ghost» ? Ça lui vient de où ce surnom là: «Je suis pas la personne la plus extravertie. J’aime mieux faire mes petites choses tranquillement et avancer. Je suis pas la personne qui aime être en avant des caméras etc… Je suis pas la personne de qui on parle le plus. C’est un surnom qui est venu des personnes autour de moi. Au début, c’était en blague et ça en est devenu un surnom». Comme je le disais d’entrée de jeu, c’est un pilote que j’ai appris à découvrir au fil du temps. J’ai détourné la tête pour le regarder aller sur la piste. Je penses qu’il n’est pas nécessaire d’être sous les feu de la rampes tout le temps pour exceller. Il l’a fait dans ses limites à lui. Il ne cherche pas la visibilité et quand on le découvre… BOOM!

         Pour triompher dans un sport très compétitif comme les courses de stock-car, il faut y être investit à plein temps. Les réparations de l’auto suite à une soirée mouvementée se font souvent jusqu’aux petites heures du matin. La journée de repos du dimanche est bien souvent sacrifiée pour faire en sorte que l’auto sois prête pour la fin de semaine suivante. Certainement un mode de vie sur lequel bâtir pour sa vie de tous les jours. Pour Yan, ça été une excellente leçon de vie qui lui a permis aujourd’hui de fonder sa propre entreprise: «J’ai appris à me débrouiller, le sens de la réflexion. Ça m’a aussi apporté le métier que je fait aujourd’hui. Sans ça, probablement que j’aurais pas mon entreprise. Aussi des amitiés. Et aussi bien des anecdotes à raconter plus tard». Je dois m’incliner face à ta détermination et ton courage pour être rendu où ce que tu es aujourd’hui.

         Un pilote tranquille, les deux bras croisés sur son coffre à outils à penser sûrement aux réglages de la fin de semaine, mais une personne attachante qui fait bon d’aller jaser de course. Pas la personne avec le plus de budget, mais qui sait se frayer un chemin parmi les meilleurs. Un style de pilotage que j’adore. Un pilote à découvrir! Bonne saison !!!

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