David « Bulldog » Bissonnette intronisé au Temple de la Renommée du Sport de Glengarry (Ont).
Je n’oublierai jamais le jour où, alors que j’en étais à mes premières armes à écrire de courts articles sur les courses au Cornwall Motor Speedway pour un petit hebdomadaire bilingue de l’Est ontarien, je me fais apostropher dans les puits par David Bissonnette qui me dit : « Hey you, come here! ». Et il me tend une copie du journal en question puis se tourne vers sa conjointe de l’époque en lui disant « You can speak french, you tell him what he wrote wrong about me in that article ». J’avais malencontreusement nommé un autre pilote comme champion défendant Pro-Stock de la saison précédente. Bien sûr que dès la semaine suivante j’avais fait publier une correction dans ce même journal gratuit. Et je me suis fait dire de ne pas oublier que c’était Bissonnette et nul autre qui avait gagné la triple couronne Pro-Stock en 1996. Telle fut ma toute première rencontre avec un pilote plein de talent qui devint un ami par la suite.
Là où tout a débuté
Comment David Bissonnette issu d’une modeste famille du Comté de Glengarry est-il parvenu à se démarquer dans le monde de la course automobile au point d’être intronisé au Glengarry Sports all of Fame (Maxville Ontario) le 20 août 2025 ?
En 1989, des amis et lui s’étaient fait une petite piste de course amateur dans une concession au sud de Dunvegan dans le champ d’un cultivateur. « Ça faisait quelques courses que je remportais et cela est parvenu aux oreilles d’un certain Omer Séguin de Moose Creek. Monsieur Séguin, qui possédait une voiture de course de classe Duke-Stock (Semi-Pro aujourd’hui) est venu nous observer, puis il m’a dit « Come race the real deal ! » Je ne pouvais pas refuser cette offre alléchante : réaliser mon rêve de conduire une vraie auto de course sur une vraie piste ! »

Un talent inné !
Avec quels résultats ? Laissons Dave Bissonnette nous raconter la suite. « J’ai remporté mes trois premières courses en Duke-Stock (Frogtown Speedway NY, Cornwall Motor Speedway et Edelweiss Speedway QC). Déjà je me voyais en liste pour le titre de recrue de l’année dans cette classe lorsque Ron Morin –le propriétaire de l’époque du Cornwall Speedway- est venu me voir me disant « Tu es bien trop fort pour la classe Duke-Stock. Il te faut monter immédiatement en Pro-Stock. » » La compétition étant bien plus forte en classe Pro-Stock, ça pris quelque temps au pilote de la voiture numéro 47 à se démarquer de ses compétiteurs. « A cette époque, il y avait au moins une douzaine de coureurs qui pouvaient espérer gagner à chaque soir » ajoute celui qui vient d’avoir sa place au Glengarry Sports Hall of Fame. « La classe Pro-Stock était tellement forte qu’il me fallait travailler fort afin de me qualifier pour la finale. »
Saison de rêve
La saison 1996 fut un point tournant dans la carrière de pilote de Bissonnette, qui avait alors 30 ans : il remporta 30 victoires ce qui lui valut les championnats Pro Stocks à Frogtown Speedway NY (aujourd’hui connu sous le nom de Mohawk International Raceway), Cornwall Motor Speedway et Edelweiss QC : rien de moins qu’une triple couronne !
S’attribue-t-il qu’à lui-même et à son talent inné de pilote tous les succès qu’il a connus durant ses 3 décennies sur les pistes de terre battue ? Écoutons sa réponse « Le pilote n’est rien. Je ne faisais que conduire la voiture. Les gars de l’équipe sont devenus ma famille. C’est grâce à eux que nous pouvions gagner aussi régulièrement, ils ont tous cru en moi et qui m’ont soutenu. Je me sens coupable de ne pas pouvoir tous les nommer ici mais ils ont tous eu de l’importance dans mes succès. L’un d’entre eux, Don de D&A Tractors Sales, a permis à l’équipe d’atteindre un niveau supérieur, mais cela n’enlève pas l’importance de chacun des membres de l’équipe et des commanditaires. Je veux leur dire à tous que le Bulldog est un bon gars, qu’il les apprécie tous et qu’il ne va jamais les oublier. »
Son plus grand rival
Bissonnette, surnommé « Le Bulldog » depuis ses débuts en raison du dessin d’un bulldog peint sur le capot de son désormais célèbre bolide Pro-Stock #47, affirme que son plus grand rival au fil des ans était l’Américain Rob Yetman. « Oui, localement, j’ai affronté d’excellents pilotes comme Joey Ladouceur, Clayton Benedict et les frères Peters, mais mon plus grand rival a toujours été Yetman sur sa Pro-Stock n° 7. »
Jamais manqué une saison au complet
La course automobile est un sport coûteux et David Bissonnette le sait : « Nous n’avons jamais eu la gloire de courir avec un gros budget, comme beaucoup d’autres. Nous avons toujours été une équipe à petit budget. Nous avons fait avec ce que nous avions. » Même si certaines années, l’équipe Pro-Stock n° 47 n’a pas pu faire une saison complète, Bissonnette ne passe jamais une année complète sans au moins une présence en piste. Il tient à remercier Ron Morin et l’équipe de course #16 qui lui ont permis de piloter la voiture à Cornwall Motor Speedway au début du 21e siècle.
Moments inoubliables
C’est au volant de cette auto jaune que « le Bulldog » a vécu son accident de course le plus dramatique. Laissons-le nous raconter ce moment terrifiant : « C’était à la fin d’une course de 50 tours ; j’étais dans le top 5 lorsque nous avons franchi la ligne d’arrivée. Devant moi, juste dépassé le signaleur, des voitures ont fait un tête-à-queue. Je n’avais nulle part où aller et nous sommes tous entrés en collision. Mon réservoir d’essence a éclaté sous l’impact et l’essence a immédiatement pris feu. Ça a cogné si fort que j’en ai eu le souffle coupé. J’essayais de sortir de la voiture, mais je n’y arrivais pas, car toute la tôle était brûlante autour de moi. J’ai finalement réussi à sortir du brasier à temps, tout seul. »
En tant que journaliste, l’auteur de cet article a vécu l’événement en direct : je n’oublierai jamais ces longues secondes. L’équipe d’urgence a rapidement éteint les flammes, mais personne ne savait où était Dave. Sa conjointe, non loin de moi, en larmes, observait la scène, impuissante. Soudain, de derrière les panneaux des commanditaires qui sont au centre de la piste, Bissonnette est sorti en toussant à cause de toute la fumée qu’il avait inhalée, mais il allait bien. Tous les fans de la course ont applaudi le pilote local.
« Mon deuxième “meilleur incident de course” a eu lieu à Frogtown, New York, lorsque j’ai fait un tonneau dans la ligne droite arrière, je suis tombé sur mes quatre roues, je suis rentré aux puits où l’équipe a changé un pneu crevé, puis on m’a retourné en piste et ai terminé dans le top 10 », se souvient Bissonnette, les yeux pétillants.

Un dernier tour de piste
C’est finalement à la fin de la saison 2019, avec plus d’une vingtaine de championnats à son actif, tellement de victoires qu’il a cessé de les compter et ses deux Aigles de Bronze (2013 et 2016), que le Bulldog a accroché son volant de course automobile sur terre battue pour de bon. « On était dans le cercle des vainqueurs au Cornwall Motor Speedway après ma dernière victoire lorsqu’un de mes amis photographe et reporter amateur m’a fait la réflexion suivante « Dave, tu sais que tu n’as plus rien à prouver à personne, tu es un champion incontesté. Mieux vaut tirer ta révérence quand tu es encore au sommet de ton sport que de persister et tomber dans l’oubli. » J’ai pris compte de cette sage réflexion et c’est ainsi que ma décision de prendre ma retraite du sport automobile a été prise. »
Il ne tombera pas dans l’oubli
Au printemps 2025, il reçut un appel qui lui a presque fait verser des larmes : une gentille dame du Glengarry du Sports all of Fame lui annonça que le 20 août de cette année, il serait intronisé à ce temple de la renommée sportive locale. « Votre portfolio est impeccable Monsieur Bissonnette. Vous auriez dû recevoir votre place ici depuis plusieurs années déjà. »

« Je ne me suis jamais senti aussi heureux. C’est le sentiment le plus extraordinaire au monde » déclare David « Bulldog » Bissonnette. « Mon plus grand rêve que je n’aurais jamais pu penser. Toute ma sueur et mes larmes que j’ai versées pour la course automobile seront à jamais inscrites dans ce temple. »

En conclusion, Dave Bulldog Bissonnette, qui au départ s’amusait à faire la course de 4 roues dans un champ au fond de la campagne, encourage ceux qui ont des rêves à suivre la devise qu’il a toujours arborée sur le derrière de sa voiture devise course « Don’t dream your life. Live your Dream ! (Ne passez pas votre vie à rêver. Vivez vos rêves.).
Ce qu’ils ont à dire sur Dave « le Bulldog » Bissonnette
« De tous les pilotes que j’ai affrontés, Dave est parmi les meilleurs pour la maîtrise de la voiture. Il pouvait conduire une voiture sur le rebord de la piste et y parvenir tour après tour. Dave et moi avons eu de nombreuses batailles au fil des ans, et j’ai remporté plusieurs victoires, mais s’il s’agissait de pousser des voitures équivalentes jusqu’à la limite, Dave avait incontestablement l’avantage. » – Joey Ladouceur, multiple champion Pro-Stock.
« Félicitations Dave pour tous tes exploits ! Il y a environ 28 ans, Dean, son fils Joey (4 ans) et moi-même sommes allés suivre les pilotes de Cornwall au Rolling Wheels de New York. Nous avons toujours aimé « le Bulldog » et son style de course. Pendant l’échauffement, Joey, mon petit-fils, et moi étions sur le bord de la piste, tout juste derrière la clôture. Dave nous a vus et a fait rugir son moteur à plusieurs reprises, et Joey a adoré. Il y a eu beaucoup de moments en course, bons et mauvais, mais toujours divertissants. Merci pour les souvenirs ! » – Marscha R., fan de courses sur terre battue
« Je dois dire que je suis fière de lui et de sa carrière de pilote. Je pense qu’il est l’un des meilleurs pilotes, voire le meilleur. Il a toujours fait de son mieux pour ses fans. C’était un homme formidable et un excellent pilote. « – Kathy W., membre de l’équipe de course n° 47 pendant des années.
« Remporter le championnat Mr. DIRTcar Pro-Stock en 2013 a été le moment le plus mémorable de sa carrière de pilote. C’est vraiment dommage que Dave ait raté le championnat Mr. DIRTcar Pro-Stock 2014 par seulement 10 points, sinon il aurait remporté trois Aigles de Bronze en carrière. » –Marc Roy, fan de courses et commanditaire.