Mes dimanches soir étaient consacrés au «House of Dirt» de Saint-Guillaume. Je crois que je n’en ai pas manqué un depuis que j’y ai déposé les pieds pour la première fois. Je trouve très dommage que la piste ait été laissée à l’abandon parce que Joël Brûlé a fait des pieds et des mains pour que le Stadiaume de Saint-Guillaume soit le rendez-vous incontournable du dimanche. Il avait réussi à ce que la piste soit sur la coche pour tous les pilotes en y apportant des modifications majeures et on entrevoyait d’autres belles courses. Malheureusement, le destin en a décidé autrement. Je me devais de trouver une alternative pour meubler mon dimanche. Je me suis déplacé au Cornwall Motor Speedway pour la première fois le 10 juillet 2022.
Un nouvel environnement, de nouveaux pilotes, une nouvelle piste et bien sûr de nouvelles photos. Un des pilotes que j’ai appris à connaître avec le temps est Tristan Ladouceur. Le bolide #92T fait sa marque chez les Sportsmans et quand le temps et le budget le permettent, on a la chance de pouvoir le voir au Québec. Je voulais aller voir ailleurs pour, ne serait-ce que changer le mal de place, mais aussi pour élargir mes horizons.
Tristan a connu une saison plus que respectable en y allant de plusieurs bonnes performances. Évidemment, la mécanique est le cœur même de la réussite en course automobile. Tu as beau avoir les meilleures intentions du monde et la meilleure équipe autour de toi, si elle te fait faux bond, c’est terminé! Ça été tout le contraire pour Tristan en 2024 parce qu’il a eu comme pire résultat une 6e position:
«On a gagné le championnat à Mohawk avec 2 victoires. On a fini 3e à Cornwall à cause d’une couple de bris mécaniques qui ne nous ont pas permis de se batailler au championnat. On a eu une saison super constante spécialement à Mohawk où notre pire résultat était une 6e place en finale. On a aussi passé à 1 tour d’une victoire la première soirée du Fall National à Brockville. On a fait moins de sorties à d’autres pistes,ayant choisi de courser 2x par semaine».
Il va de soi que les ennuis mécaniques font partie du jeu et que ça peut arriver aux meilleurs de la discipline. Cela dit, Tristan a eu une bonne étoile au-dessus de sa tête tout au long de la saison.

Le tout a été couronné avec le banquet de fin saison du Mohawk International Raceway où il a pu recevoir son trophée de champion sportsman. Je n’étais pas dans ses souliers, mais il devait être hyper fier d’avoir accompli autant durant la saison et d’être sur le podium devant parents et amis: «C’est un super bon feeling. Ça vraiment été une « breakout season » pour moi et mon équipe».
Ça été une sorte de consécration pour Tristan et toute son équipe. Un léger travail de recherche que je me devais de faire pour analyser ou comprendre ce que «breakout season» voulait dire. En gros, un athlète ou une équipe qui n’était pas nécessairement connu et à l’avant-scène atteint soudainement un niveau de performance et de succès significativement plus élevé que lors des saisons précédentes.
En raison du temps de route et du travail le lundi, je ne peux me déplacer à chaque dimanche pour aller voir les courses, mais disons qu’à travers les comptes-rendus que je pouvais lire, il devenait évident que le #92T allait être un pilote à surveiller, plus les courses avançaient. Mis à part les ténors de la série, je persiste à dire que les pilotes les plus dangereux sont ceux qui déplacent le moins d’air. Ils sont plus tranquilles, mais quand ils se réveillent, il faut les avoir à l’œil.
Il va sans dire que pour se retrouver où il se retrouve présentement, Tristan a dû commencer à quelque part. Visiblement, le karting est une excellente école pour apprendre les rudiments de la course automobile. On y peaufine son pilotage dans le but éventuellement de devenir le meilleur de la profession et ainsi graduer dans une classe supérieure. Pour Tristan, ça été un processus de longue haleine, mais quand on voit le résultat de la saison 2024, je ne crois pas qu’il le regrette: «Ça commencé à quatre ans dans un go kart. Puis, après 10 ans, j’ai fait le saut en Sportsman». J’imagine que les opportunités sont infinies par la suite, alors pourquoi avoir choisi spécifiquement de courser en Sportsman ?
Non seulement la question d’argent règle bien souvent le problème, mais disons que le défi de se surpasser a fait pencher la balance: «La classe Sportsman est la plus compétitive et celle la plus en santé qui était dans notre budget». Il me mentionnait, avec un petit sourire en coin, que la plus grosse adaptation de passer d’un kart à un sportsman est que le «bump and run» ne fonctionne pas. Manifestement, toutes les avenues sont bonnes pour arriver à ses fins. Peu importe le chemin emprunté, la volonté et la détermination de tous et chacun est admirable.
Force est d’admettre qu’il a dû changer sa façon de conduire pour bien amorcer sa carrière: «J’ai vraiment pris beaucoup de temps sur Iracing et cela m’a préparé à conduire une voiture au début». Si on met tout ça ensemble et que le pilote fait la part des choses, qui peut prétendre prévoir ce qui vas se passer?
Je me répète peut-être un brin, mais comme la famille joue un rôle plus que primordial dans l’entourage du pilote, je ne vois pas comment ce dernier peut réussir dans la course automobile sans cette famille. Enfin, je pense que c’est possible, mais disons que d’avoir une famille autant élargie comme celle de Tristan doit considérablement faciliter sa tâche une fois rendu sur la piste: «Je suis la 3e génération dans ma famille. Mon grand-père Laurent, mon père et mon oncle et maintenant moi. Mon cousin Trey (Sportsman) et mon cousin Liam a débuté en Crate Sprint».
Juste par leur présence, Tristan doit se sentir hautement en confiance derrière son volant quand vient le temps d’amorcer une qualification ou une finale: «C’est certain que leur expérience m’aide. C’est super le fun après une qualification d’être capable de leur parler et de savoir qu’ils vont comprendre ce que j’ai besoin de faire à ma conduite ou l’auto». Je le réaffirme en disant que les souvenirs des personnes, ayant beaucoup de bagage derrière eux, peuvent redonner aux plus jeunes, c’est quelque chose dont on ne peut mesurer la portée. Je ne suis pas dans les bottines d’un pilote, mais quand tu embarques pour la première fois de ta vie sur la piste dans la grosse classe, il y a de quoi être apeuré par tout ce qui t’entoure. D’où l’importance d’avoir quelqu’un qui en a vu d’autres pour t’apprendre les rudiments du métier.

Les Ladouceur sont une famille connue dans le monde de la course automobile. Tristan est un jeune pilote qui est en train de se faire un nom dans la catégorie. Des soirées difficiles, il va y en avoir autant que de belles sorties sans bris mécanique. Le fait d’être aussi bien entouré l’aide beaucoup à bien sentir la voiture quand il a le volant entre les mains:
«Mon grand-père est toujours présent et regarde chacune de mes sorties sur la piste et peut m’expliquer exactement ce que les autres pilotes font différemment de moi pour que je les mette en considération. Mon père est le gars de «setup» dans mon équipe. Il dépense beaucoup de temps pour savoir quand faire les bons ajustements quand la voiture va moins bien».
Tristan nous parlait que de «jouer à la poussette» n’est plus forcément la bonne chose à faire pour se frayer un chemin parmi les premiers du peloton. Cela dit, d’avoir autant de vécu autour de lui peut assurément le calmer et ainsi lui éviter de faire des conneries. Je ne suis pas dans le secret des dieux, mais il deviendra indiscutablement un des pilotes à surveiller à chacune de ses sorties. Si sa tête est en symbiose avec son esprit, il sera très dur à battre dans les années à venir.
Il n’en demeure pas moins que le pilote est le seul qui peut décider de la ligne à prendre une fois rendu sur la piste. Il bénéficie des meilleurs conseils provenant des meilleurs, mais si Tristan pense que c’est une très mauvaise idée d’aller virer au large, c’est bien de valeur, mais c’est NON! Je ne dis pas qu’il faut les mettre aux oubliettes, mais simplement d’y aller avec son feeling: «C’est toujours une possibilité, mais j’aime toujours avoir un «back up plan» si jamais ce que j’essaye ne fonctionne pas».
Je peux facilement lire entre les lignes que Tristan a une très bonne tête sur les épaules. Il se garde une porte de sortie advenant le cas où sa propre tactique ne fonctionnerait pas. En même temps, je me questionnais à savoir si leur relation dans la vie de tous les jours a changé étant donné qu’ils sont constamment ensemble aux courses: «Je dirais que non, mais, c’est vraiment la seule façon que j’ai connu notre relation». Même si tout semble au beau fixe, Tristan est toujours attiré autant envers la course automobile. Les nouveaux défis et les nouvelles expériences que représentent une nouvelle année gardent, chez Tristan, le plaisir de courser bien vivant.

La venue d’un très jeune pilote au sein d’une catégorie maîtresse de la terre battue a de quoi susciter certaines réactions chez les autres. Comme la compétition est très féroce en Sportsman, des commentaires déplacés voire même désobligeants à l’égard du petit nouveau peut prendre des proportions démesurées. Tristan est bien épaulé et il est capable de tasser du revers de la main ce qui pourrait l’affecter et nuire à son développement: «C’est sûr qu’il y en a qui ne peuvent pas perdre à un « jeune ». Je nommerai pas de nom parce que des fois, c’est mieux de les laisser penser et faire ce qu’ils veulent».
Je me mets dans la peau d’un vétéran qui course depuis des années et qui voit un jeune pilote débarquer et ignorer ce qu’on lui dit. Ça prend du culot pour oser se comporter de la sorte. Je ne peux prédire quelle tangente une telle attitude aurait pu prendre, mais, à mon avis, Tristan ne peut que s’acheter le respect des autres pilotes.Ça démontre une belle maturité pour quelqu’un de son âge et une assurance hors du commun. S’il continue à prendre du galon et à être un acteur de premier plan chez les Sportsmans, il est voué à un bel avenir.
Je pose la question à chaque fois parce que les réponses qui me sont données sont différentes d’un pilote à l’autre. Comme je veux vous connaître un peu plus, je m’immisce dans votre quotidien et je crois que les gens qui me lisent veulent vous découvrir sous une autre facette. Donc, histoire de faire relâcher la pression pendant une micro seconde, vous fermez les yeux et vous faites le vide. Tristan se veut être l’exception à la règle parce que contrairement aux autres où c’est le calme avant la tempête, il va à la tempête directement: «Honnêtement Pierre, je ne pourrais pas te le dire. Quand j’attends dans la voiture, je suis toujours en train de bouger avec mes bras, mes jambes ou ma tête. C’est ma façon de rester concentré sur ce qui s’en vient».
En fait, la machine est toujours à «on» et les lumières s’éteignent uniquement quand le damier est agité pour signaler la fin de la course. Le maximum d’informations qu’il doit emmagasiner pendant toute une soirée doit être hallucinant.
Si son petit hamster n’arrête jamais de tourner, je présume que le temps d’arrêt pour éloigner les courses des discussions n’est même pas envisageable. Mais, j’ai tout de même tenter ma chance: «Honnêtement, ça n’arrête jamais. On a une petite équipe. Donc, il y a toujours quelque chose à faire». Pour demeurer dans le peloton de tête, il faut constamment être dans le garage à peaufiner la voiture et faire en sorte qu’elle soit sur la coche quand la saison va commencer. En étant une petite équipe, il faut mettre les bouchées doubles pour espérer avoir une saison gagnante.
Comme la saison 2025 frappe à nos portes, il est maintenant temps de savoir quels sont les plans pour Tristan Ladouceur et toute son équipe. On avait le plaisir de le voir à quelques reprises sur les pistes du Québec, mais comme l’argent est le nerf de la guerre, tout n’est pas complètement couler dans le béton: «On n’a vraiment pas une idée en tête. Si notre budget nous le permettait, on aimerait faire une série pour sortir mon nom plus, mais on a vraiment pas rien de décider». Ce dernier, qui vient d’avoir un moteur tout neuf pour la prochaine saison, va assurément aller défendre son titre de champion Sportsman au Mohawk International Raceway. Du moins, j’espère que les sous vont lui permettre d’aller au bout de ses rêves et ainsi faire profiter les spectateurs de toute l’étendue de son talent.
Bonne saison!