À chaque fin de semaine de course, une fois la soirée terminée, j’essaie toujours de me mettre en mode «prochaine course»; c’est-à-dire que je crée des liens avec des pilotes que je ne vois pas souvent et je fais tout mon possible pour les prendre en photo le samedi suivant. Même chose pour les endroits où je me place pour prendre mes photos. Ça ne veut pas dire que si ç’a fonctionné dans la courbe numéro 1 un soir que ça va nécessairement réussir le samedi suivant où même le lendemain. De là l’importance, à mon avis, d’essayer régulièrement de nouvelles places et ainsi offrir aux gens de nouvelles perspectives pour comprendre comment je vois les courses à travers ma lentille. Cela dit, en ayant été qualifié d’artiste par un collègue, ce profil me colle parfaitement à la peau et le style de photos que je fais appuie et confirme ce statut-là. Un bout de tôle arrière coupé ou encore un cadrage pas à niveau ne me dérange aucunement. La loi des tiers en photographie ne s’applique pas du tout à moi. Ça ne me prend assurément pas grand-chose pour me faire aimer une photo. Tous les goûts sont dans la nature et c’est ben correct comme ça.
Je comprends évidemment les pilotes et leurs équipes de vouloir choisir une piste plutôt qu’une autre comme terre d’assise pour leur saison. Une bourse alléchante lors d’un week-end spécial va chambouler quelque peu l’horaire de certaines équipes, mais les dépenses reliées aux déplacements pour s’y rendre ne changent pas pour autant. Certainement une des raisons pourquoi je vois de nouveaux visages en cours de saison. Le nombre de photos prises va augmenter de façon exponentielle, mais comme la passion qui nous habite est plus forte que tout, j’imagine que c’est normal.
Un des pilotes que j’ai appris à connaître au cours de la présente saison est le pilote du bolide 38S en Sportsman, Sean Imbeault. C’est d’une évidence claire qu’il est dans un très bon état d’esprit lorsqu’il est aux courses. Il a toujours le sourire à chaque fois que je le croise. Comme tous les autres, le sérieux revient vite quand c’est le temps d’embarquer sur la piste pour que la concentration soit à son maximum. Une belle découverte pour moi en 2024. Son aventure en course sur terre battue a commencé directement en sportsman. Et d’après ce que j’ai pu en déduire pendant notre petite conversation, ça ne l’a pas empêché de tirer son épingle du jeu. Il ne manque carrément pas de confiance en lui. C’est une belle 24e chronique qui vous attend et je me sens choyé encore une fois de pouvoir vous la raconter.
Généralement, dans tout ce que l’on entreprend, on se forge une certaine base pour apprendre le métier et pouvoir monter les échelons par la suite. On pourrait penser qu’il est dans le bain depuis fort longtemps, mais j’ai été surpris d’apprendre qu’il en est seulement à sa troisième année en course automobile: «Cette année est ma 3e année. Ç’a commencé quand ma sœur est montée en Sportsman une année avant moi. Elle était en Slingshot. Avant ça, mon père m’a dit; si tu veux courser, tu vas commencer par «whrencher» sur les autos avant. Donc, la première année à ma sœur, je travaillais sur son auto ainsi que celle à Steve. L’année d’après, mon père m’a acheté une voiture et c’est là que j’ai commencé à courser». Pour quelqu’un, qui est aux abords de la piste à prendre des photos, il est facile pour moi de penser qu’il a plusieurs années derrière la cravate comme pilote. Il conduit sa voiture comme s’il avait plusieurs années d’expérience. Sa façon d’entrer dans les virages et de se comporter en ligne droite, ne laisse rien paraître d’être un pilote recru. Sa manière de lire les lignes de course est digne d’un pilote expérimenté. C’est drôlement impressionnant! On peut dire que ça roule plus que bien son affaire: «Oui pas mal! avec moins d’expérience dans les «tops» driver en Sportsman malgré mon âge. Top 10 mettons ahaha». Si vous êtes dans l’impossibilité de prédire qui va gagner la plus grosse course de l’année parce que ça été une saison pleine de rebondissements avec plusieurs vainqueurs différents, il est une belle carte cachée qui pourrait surprendre et vous en donner pour votre argent.
Depuis le texte numéro un, je fais la constatation qu’il ne semble pas y avoir de chemin tracé d’avance quant au cheminement. Le passage, sans dire obligé par les petites classes comme les Singshots ou encore les STR, est propre à chacun. C’est bien tant mieux comme ça parce que les belles histoires n’existeraient pas. Je crois que celle de Sean va dans cette direction-là. Non seulement il a commencé son aventure comme pilote directement en classe Sportsman, mais il a su s’adapter très rapidement. Comme s’il avait fait ça toute sa vie. Évidemment, je me suis empressé de lui demander s’il y avait un truc miracle pour que l’adaptation se fasse aussi facilement. Le fait d’avoir eu des gens en qui il a pu avoir pleinement confiance autour de lui a été l’élément clé pour que tout se mette en place: «Premièrement, j’étais très bien entouré. Michael Richard, mon crew chief, qui est avec moi depuis mes débuts. Un excellent pilote sportsman m’a donné beaucoup de conseils et m’a préparé une excellente voiture à tous les soirs. Steve Turcotte aussi qui me donne des conseils et un gros coup de main au garage quand j’en ai besoin. Donc, j’ai toujours été bien entouré dès mes débuts. Ç’a beaucoup aidé à mon apprentissage». Quand tu mets toutes les chances de ton bord, il ne peut qu’arriver du positif.
La classe Sportsman est très compétitive où la moindre petite erreur peut avoir des conséquences désastreuses. Quand le championnat se joue à quelques points seulement, cette dite erreur peut venir vous hanter pendant longtemps. Je n’ose pas imaginer toute l’information qu’il a dû assimiler en peu de temps, autant sur les pilotes que sur les voitures, pour devenir compétitif. L’expérience de la vie de tous les jours a fait en sorte que son adaptation n’a pas été trop difficile: «Oui et non! Ma première année a été plus difficile. C’est sûr, le temps de m’adapter aux pistes et aux conditions de piste qui changent de course en course. Mais j’ai tout de même été capable de récolter une 2e place cette année- là à Granby. Mais dans la vie, je m’adapte quand même assez rapidement sur les choses que je fais. Donc, ça n’a pas été trop long que j’ai pogné la twist». Il faut s’incliner devant son assurance à bien vouloir faire les choses et à devenir le meilleur de sa profession.
Plus notre conversation avançait, plus le doute se dissipait dans mon esprit à savoir si c’est un passionné ou non. Je présume, à quelque part, qu’il doit trouver une certaine satisfaction quand il embarque sur la piste, mais le simple fait d’aimer les voitures est suffisant pour être autant aimanté envers la course automobile: «Depuis que je suis jeune, j’adore les autos, les autos de course. Donc, quand mon père m’a demandé si je voulais commencer à courser, je n’ai pas hésité 1 seconde et j’adore vraiment ça». La famille est toujours très présente, dans presque toutes les équipes de course. Sans dire que l’on n’est pas vraiment obligé d’aimer ça ou encore de suivre, les liens d’amitié entre les membres de la famille doivent, par contre, devenir de plus en plus forts. L’occasion ne s’est pas présentée à moi pour conduire une voiture de course, mais il n’en demeure pas moins que j’ai développé cette même addiction que Sean pour la course automobile. Je ne mettrais pas ma main au feu pour dire que c’est toujours la joie de travailler avec sa famille, mais Sean me sécurisait à l’idée, qu’au contraire, ça les unissait encore plus: «J’aime bien ça travailler sur les voitures avec mon père et ma sœur. Ça permet de rester unis et pouvoir s’entraider entre frère et sœur. Mon père est beaucoup impliqué dans les courses aussi. Sans lui, on ne pourrait y aller. Il s’occupe de tous les pneus de l’équipe à 3 chars. Il en a pas mal. Il y a aussi beaucoup de membres de ma famille qui viennent voir les courses. Ça permet de les voir plus souvent».
J’aurais aimé nous voir, moi et mon frère, sur la même piste et dans la même classe. Je ne suis pas certain, du moins certains soirs, que la camaraderie aurait été au beau fixe. On aurait joué au jeu de la poussette, c’est garanti! Je ne suis pas assis derrière le volant pour vous dire quelle est la sensation que de se trouver sur la même piste que sa sœur et de courser contre elle. Quel est l’esprit de compétition ? Il existe ? Pour Sean, c’est seulement une occasion supplémentaire de devenir meilleur sur et en dehors de la piste avec Aryane: «Non, il n’y a pas d’esprit de compétition. C’est sûr qu’il y a l’orgueil du grand frère qui veut finir en avant d’elle. Mais non, les deux on est là l’un pour l’autre, que ce soit pour des conseils ou de l’aide sur la voiture. On s’entraide et j’aime vraiment mieux ça comme ça». Je voulais le taquiner évidemment en lui demandant s’il ne faisait pas un petit pari amical entre eux de temps à temps, mais à lui de me répondre à la blague: «hahaha, non pentoute». Comme j’essaie que le coté professionnel et personnel ne s’entremêlent pas, la question légitime que je suis en droit de me poser est de savoir si leur relation change dans la vie de tous les jours versus les courses ? Comme ils partagent la même passion, ça fait juste solidifier leur lien fraternel: «Non! J’ai quand même été proche de ma sœur depuis toujours. Donc, ça fait juste aider à tisser plus de liens en étant les 2 aux courses».
La question peut paraître redondante, mais les réponses qui diffèrent me force à la reposer à chaque occasion. Les pilotes font souvent cette micro pause, de fermer les yeux dans leur «cockpit» juste avant d’aller en piste pour leur finale. Ces deux secondes, que dure cet instant, sont très personnelles et personne ne peut leur enlever. Pour le pilote du bolide #38S, c’est simplement de ramener la voiture au fil d’arrivée: «J’espère ça va bien aller. Au moins que le char revienne en un morceau». Le sport automobile comporte son lot de risques. Ce degré de danger qui guette les pilotes à chaque sortie sur la piste ne semble pas affecter Sean. Du moins, de ce qu’il me racontait, il n’essaie juste de ne pas y penser et que le stress qui l’habite fait partie «d’la game».
Imbeault donne l’impression d’être un vétéran qui fait des courses depuis dix ans, alors qu’il en est seulement à sa troisième année. Il se débrouille très bien derrière le volant de son bolide. Il sait très bien se frayer un chemin jusqu’en avant du peloton, dans le trafic, à montrer aux jeunes de quoi il est capable. D’ailleurs, je voulais avoir sa vision des choses sur le fait de rouler avec des pilotes plus jeunes qui n’ont pas nécessairement d’expérience. Disons qu’il a une idée très bien arrêtée sur le sujet: «Ça m’importe peu. Ça me challenge encore plus à performer dans les courses et en apprendre plus sur les voitures pour avoir le meilleur set up possible, en sachant que la majorité des jeunes pilotes ont plus d’expérience que moi». Au fil de notre discussion, j’ai découvert un pilote très au courant de ses propres limites. Un pilote très terre à terre qui n’a pas besoin qu’on le pousse pour aller s’asseoir dans sa voiture. Il met son casque, embarque dans son sportsman et c’est le temps d’aller courser. Je n’ai pas du tout l’impression qu’il est aveuglé par le succès qu’il faut qu’il connaisse pour avancer. Il est simplement Sean Imbeault.
Je me doute encore une fois de la réponse, mais tout d’un coup que ça serait différent cette fois-ci. Le fait d’être constamment dans le feu de l’action peut certainement laisser des traces sur le bien-être, autant sur le physique que sur le mental du pilote. Raison de plus pour avoir un exutoire pour laisser évacuer la pression et tenter de trouver un équilibre pour être bien dans sa peau. Pour Imbeault, rien de mieux que des retrouvailles avec des amis pendant un week-end de congé: «Oui bien sûr! Quand j’étais jeune, j’aimais bien jouer au golf. Lorsque je ne course pas la fin de semaine, j’aime bien aller jouer au golf avec mes amis». Quand on est autant investi dans un sport comme la course automobile, je me serais attendu à ce qu’il trouve ça difficile de décrocher, mais ça été une réponse sans équivoque: non! Il renchérit en me disant que chaque chose à son temps. Visiblement, il n’aime pas précipiter les choses et préfère rester dans le moment présent et en profiter au maximum.
La saison 2024 ne passera certainement pas à l’histoire en raison des nombreuses annulations. Je ne mettrais peut-être pas ça sur le dos de la chance, mais l’Autodrome Granby pourrait remercier je ne sais qui pour sa saison exceptionnelle. Cela dit, ça ne veut pas dire que les pilotes ont abandonné les courses pour l’autodrome Drummond et le RPM Speedway. D’ailleurs, je regardais le classement des pilotes chez les sportsmans et rien n’est encore joué pour le championnat. Sean est à seulement deux petits points de Donovan Lussier. L’écart est très serré entre les six premiers. La compétition est très féroce et personne ne peut prédire qui va l’emporter. Le pilote du bolide #38S a connu une excellente course le samedi lors du Rebel Week-end à Granby avec une quatrième position. Il est sur son erre d’aller. Il peut certainement venir brouiller les cartes lors des deux dernières courses de l’année au RPM à l’occasion du Clash au Short Track. Il ne vise rien de moins que le championnat à la fin du mois: «C’est sûr que ça serait d’aller chercher le championnat à Saint-Marcel. Cette année, on est à 2 points du meneur. Ça va se jouer dans les 2 dernières courses de l’année là-bas».
Une autre histoire de complétée. C’est un pilote qui semble être très terre-à-terre qui s’est confié à moi vis-à-vis ses objectifs de course et qui sait ce qu’il a à faire sur la piste pour «performer». Je crois qu’il aime moyennement se retrouver sous les feux de la rampe. Mais si l’équipe en tire le maximum d’avantage au lieu de ses propres intérêts personnels, c’est dans une belle atmosphère qu’il ramènera l’auto dans les puits. Je suis persuadé qu’il va continuer de nous surprendre la saison prochaine avec plein de belles performances et pourquoi pas plein de belles victoires. Un pilote à découvrir!