Après 9 épreuves disputées depuis février dernier, l’échantillon est assez important pour tirer quelques observations de ce début de saison puisque le quart des courses au calendrier a maintenant été présenté.
Voici donc quelques constatations que j’ai fait au fil des semaines :
1- L’effet de « wow » des nouveaux bolides : L’arrivée en 2022 de la génération actuelle des voitures CUP a eu en partie l’effet escompté. On sent toujours un certain équilibre entre les équipes de pointe et les équipes de milieu de peloton. Cependant, on sent que la balance penche tranquillement d’un côté.
Malgré tout, 7 pilotes différents (excluant Kyle Larson et William Byron avec chacun deux victoires) ont visité le cercle des vainqueurs. Six équipes différentes ont décroché la victoire, parmi elles, la « Hendrick Motosport » l’a fait 4 fois avec les doublés de Larson et Byron.
2- Kyle Busch vs Tyler Reddick : Est-ce que le jeu en valait la chandelle pour Richard Childress Racing d’amener Kyle Busch dans son équipe tout en laissant aller Tyler Reddick ?
Déjà, l’année dernière, Reddick commençait à démontrer tout son potentiel. Quelques semaines avant l’annonce de la signature de Busch, Reddick avait signalé son départ à la fin de la présente saison pour l’équipe 23XI Racing. Avec l’arrivée de Busch dans la voiture 8 dès 2023, cela a précipité le départ de Reddick.
Rowdy reste et est toujours un pilote de premier plan. Cependant, on est en droit de se poser la question si pour RCR investir dans Reddick avait été une meilleure décision à long terme. Pour l’instant, si on regarde de façon bête le classement, aucun des deux pilotes ne s’est vraiment démarqué. Busch a jusqu’à maintenant 1 victoire, 2 tops 5 et 4 tops 10 tandis que Reddick a lui aussi 1 gain en plus de 4 tops 5 et 4 tops 10.
3- Où est la relève, qui sera la prochaine grande étoile à laquelle les amateurs peuvent s’identifier ? : Je l’avoue, on peut penser ici que je dévie légèrement du sujet de ce texte, pourtant ce n’est pas le cas. On le voit encore cette année, on cherche toujours qui sera la prochaine tête d’affiche.
Le départ des Jeff Gordon, Jimmie Johnson, Tony Stewart, Dale Jr. ont fait mal. Aucun pilote n’a vraiment pris leur place jusqu’à maintenant. Bien entendu, il y a Chase Elliott. Même encore là, il n’a pas (selon moi) le charisme et la prestance des noms mentionnés précédemment.
Où est le pilote qui va faire lever les foules lorsqu’il effectue un dépassement. Je me rappelle l’époque, pas si lointaine, lorsque Dale Jr. faisait un dépassement (même sur une voiture avec un tour de retard) de voir les gens dans les gradins se lever debout et être en pâmoison devant l’exploit de leur vedette. Sérieusement, j’ai n’ai jamais compris l’attrait qu’avaient les amateurs envers ce pilote.
La nouvelle génération de compétiteurs voit peut-être plus le rôle de pilote comme un métier que comme une passion. C’est une raison parmi tant d’autres qui peut expliquer que la prochaine grande vedette tarde à se manifester.
4- Les cotes d’écoute en baisse à la télévision : On le voit en regardant les télédiffusions que les différents circuits ont de la difficulté à remplir les gradins. J’ai en tête les deux dernières courses de Martinsville et de Bristol Dirt (une catastrophe). Mais qu’en est-il des cotes d’écoute à la télévision ? Malheureusement, ce n’est guère mieux !
Si on inclut la présentation du « Clash at the Coliseum », l’ensemble des 10 évènements présentés jusqu’à maintenant ont tous subi une baisse importante de leur auditoire. Le « Clash » a perdu 14.8% de téléspectateurs comparativement à 2022. Et ce, même si ce dernier a été la deuxième course hors championnat à avoir obtenu le plus gros auditoire de l’histoire.
Voici un tableau résumant les cotes d’écoute à la télévision pour 2023 (excluant Martinsville qui n’était pas disponible au moment d’écrire ce texte, mais selon la tendance on peut facilement déduire que là aussi il y a eu une baisse) :
Course | Circuit | Cotes d’écoute | Gain\Perte |
8 | Bristol Dirt | 3.450 millions | Perte (9) 13.9% |
7 | Richmond Raceway | 2.303 millions | Perte (8) 41.8% |
6 | Circuit of the Americas | 3.129 millions | Perte (7) 16.1% |
5 | Atlanta Motor Speedway | 3.422 millions | Perte (6) 14.5% |
4 | Phoenix Raceway | 3.389 millions | Perte (5) 15.1% |
3 | Las Vegas Motor Speedway | 3.991 millions | Perte (4) 12.2% |
2 | Auto Club Speedway | 4.315 millions | Perte (3) 5.6% |
1 | 2023 Daytona 500 | 8.181 millions | Perte (2) 7.7% |
# | Busch Light Clash at The Coliseum | 3.647 millions | Perte (1) 14.8% |
Moyenne | 3,981 millions | Perte 15.74% |
*** Tableau source: SportsNaut
Dans certains cas, les pertes sont astronomiques pour ne pas dire gigantesques. Qu’est-ce que cela peut bien cacher ? Est-ce circonstanciel au NASCAR ou bien la tangente s’applique aux sports motorisés en général ? Est-ce que la course auto appartient à une autre époque et qu’elle n’est plus de son temps ? Est-ce un phénomène typiquement nord-américain ? Est-ce qu’il y a de la relève au niveau des amateurs, est-ce que la jeune génération s’intéresse encore à la discipline ?
Il y a tant de questions à se poser et peut-être pas beaucoup de réponses à obtenir. Le sport automobile est cyclique, pourtant on a l’impression que la F1 est sur une lancée incroyable (personnellement, l’attrait et la popularité de la F1 demeurent pour moi une énigme (s’il y a une discipline, on va dire « poche », au niveau de la course auto c’est bien la F1). Pour la F1, indubitablement que la série « Drive to survive » présentée par Netflix y est pour quelque chose. Cependant, cette dernière est beaucoup plus intense et divertissante qu’une course de F1. Après cinq saisons, ça commence à tourner en rond. Un moment donné le tour du sujet commence à être fait.
Mon collègue de US-Racing Geoffroy Lettier m’a fait remarquer que les courses de Richmond et de Martinsville ont été présentées sur FX1 au lieu de FOX. Est-ce que cela peut expliquer la baisse de presque 42% des cotes d’écoute pour Richmond. En partie oui, mais il y aurait quand même eu une baisse selon moi.
La suite des choses
Le reste de la saison risque malheureusement de ressembler aux neuf premières courses disputées jusqu’à maintenant. Je l’avais déjà mentionné précédemment que NASCAR était à un tournant important de son existence. Malgré ses 75 ans bien sonnés, on peut se demander si la série de sports automobiles la plus importante des États-Unis atteindra le centenaire.
Dans un monde de plus en plus bizarre orienté sur l’acceptation des différences (difficile surtout pour ceux qui sont du mauvais côté de la force) et sur tout ce qui est vert et durable, la course automobile sous toutes ses formes (même électrique) entre directement en conflit avec les grandes tendances observées depuis quelques années. Je me répète, encore une fois, la lutte à l’auto est bien engagée et malheureusement notre discipline favorite est aussi sur la liste des démons plus qu’une certaine élite. Celle-ci veut nous dicter une façon de vivre et veut voir à tout prix disparaître la voiture.
En conclusion
NASCAR devra innover de plus en plus d’ici la fin de la décennie et devra prendre une tangente verdoyante si elle veut espérer survivre. Même encore là, est-ce qu’il y a encore beaucoup de gens qui sont intéressés à passer presque 4 heures devant la télé à regarder une course alors qu’il fait beau et chaud à l’extérieur ? Même chose, avez-vous envie d’aller vous asseoir à plus trente au gros soleil, collés comme des sardines dans des gradins en aluminium à suer votre vie ?
À part l’année dernière où il y a eu un semblant de relance, il semble que le mouvement entamé à la baisse depuis maintenant quelques années ait repris de la vigueur. Les chiffres présentés plus haut semblent d’ailleurs le confirmer.
Est-ce qu’il est trop tard ? Ça se pourrait oui, mais comme le dit le vieil adage, il ne faut pas enterrer l’ours avec l’eau du bain ! (Je le sais, ce n’est pas exactement la bonne version du proverbe, mais c’est la mienne)
Que les dieux bénissent les rois de la course !