DIRE MERCI, ET POURQUOI PAS?

Crédit photo : Rock Bouffard

Je rôde dans les puits des autodromes depuis plus de 20 ans.  J’ai débuté à l’ouverture à la Villa Speedway dans la région de Thetford Mines avec comme seule expérience, des courses vues dans ma jeunesse grâce à des oncles passionnés de stockcar sur terre battue et sur glace.  Je me souviens encore vaguement de mon premier tour de piste avec pour pilote mon oncle Réjean Simard.  C’était sur la glace.  Il m’arrive de penser à ce moment encore aujourd’hui! Je suis nostalgique, peut-être un peu en vieillissant.

La passion des voitures et de la course automobile, je ne pouvais pas y échapper.  Un arrière-grand-père qui me donnait de la monnaie quand j’arrivais à identifier la marque et le modèle d’une voiture, des Camaros et autres voitures sports alignées devant la maison des grands-parents le dimanche et des hommes qui parlaient de « chars » bien installés sur la galerie, tous admiratifs devant la filée de voitures qui brillaient toutes plus les unes que les autres.

Par la suite, des après-midis à écouter des courses à la télévision; du Nascar et de la formule 1.  Puis, plus rien; pendant plusieurs années; jusqu’à la jeune vingtaine. Les études et les emplois d’été accaparant tout mon temps et un déménagement à Matane avaient effacé toute trace du grand frisson, celui de la vitesse et du son des moteurs.  Sauf une fois, à la vue d’une voiture de course roulant seule sur ce qui semblait être un ancien site de stockcar, à Saint-Tharcisus.  C’était un mardi ou un mercredi. J’ai alors ressenti quelque chose comme de la curiosité, pendant plusieurs minutes, sans plus.  De toute façon, j’allais retourner dans mon coin de pays sous peu.

Et puis un jour, bang!  Une nouvelle du Courrier Frontenac me frappe de plein fouet. Une piste de course ouvrait ses portes.  C’était « La Villa Speedway ». Drôle de nom me suis-je dit.  Le premier programme était prévu pour le dimanche suivant.  Quelques voitures, quelques rares spectateurs, dont moi, et c’était suffisant pour que l’adrénaline retrouve ses racines.  Je me porte volontaire dès le lendemain, sans avoir la moindre idée de ce que je pourrais bien y faire, moi le gars qui avait pour seule compétence mécanique une lointaine capacité à reconnaître des marques de voitures et des modèles de carrosseries des années 70.

Depuis ce jour, je vous l’ai dit, j’arpente la ligne des puits des autodromes du Québec. Regarder le spectacle des estrades?  J’en suis pratiquement incapable même si le fait d’avoir été officiel, annonceur ou relationniste vient avec son lot de critiques et de petits problèmes.  « Ça vient avec le job », diront certains!  Quitter le monde des courses, impossible pour moi.  Je le sais, j’ai tenté la pause pendant deux ans.  J’ai failli y laisser ma santé mentale.

Pourquoi, je vous parle de tout cela?  C’est pour une raison bien simple.  Partout où je vais, je vois des gens qui gravitent autour des équipes et des organisations.  Ce sont ces personnes que nous tenons généralement pour acquis, que l’on bouscule (au sens figuré) un peu au passage et sur qui certains délestent parfois leur colère et leurs frustrations.  Elles font partie d’une machine dont chaque pièce est essentielle au bon déroulement d’un programme de courses. 

Plusieurs acceptent une compensation minime pour leur contribution en comparaison du temps réel qu’ils passent sur le terrain. Ils ne critiquent pas cette réalité. Ils ont accepté ces conditions en toute connaissance de cause.  Ceux qui croient à tort pouvoir en faire un emploi lucratif quittent rapidement le circuit.  Certains d’entre eux diront qu’il en coûte beaucoup plus cher aux équipes et que par conséquent, eux aussi ne sont pas là pour l’argent ou pour tout autre avantage.

Souvent, la reconnaissance la plus significative à leurs yeux est l’uniforme qu’elles et qu’ils portent avec fierté.  Partager le même terrain de jeux que des idoles de leur sport préféré est source d’une grande satisfaction et même si ces contacts se font souvent de loin, de très loin. Ils ne font pas de cas de ceux qui n’ont pas la délicatesse de leur adresser la parole ou encore de les remercier au passage.  Pourtant, les occasions sont si nombreuses et le geste serait si simple à poser.

Tout comme moi, vous avez certainement déjà assisté à des scènes plutôt convaincantes où des officiels sont confronter avec vigueur comme si le sort du reste du monde des courses reposait sur leurs seules épaules.  Certains auraient pu courir après?  C’est possible direz-vous.  Un monde d’homme dira-t-on aussi à l’occasion pour justifier le tout sans trop de remords. Les choses changent heureusement et les dames sont de plus en plus présentes dans les puits et les voitures.

Mon objectif n’est pas ici de laisser croire que nos amis bénévoles et officiels sont tous des anges infaillibles.  Je serais accusé à raison d’avoir un parti-pris aveugle.  Je l’admets, la provocation provient parfois d’un côté comme de l’autre.  Je tente ici d’illustrer la raison qui me motive à rédiger ce texte tout en évitant de prendre un ton accusateur ou moralisateur.  Si j’ai échoué, je m’en excuse bien bas. 

Passons au vrai but de ce texte. « Enfin » direz-vous. Depuis quelques années, je tente de développer un réflexe.  Je l’oublie parfois et je m’en confesse.  Je discute avec certains d’entre eux.  Il est intéressant d’en apprendre un peu plus sur leurs motivations à se joindre à une équipe d’officiels.  Certains sont là depuis, 5, 10 et même parfois plus de 30 ans.  Toujours en poste, avec des hauts et des bas.  Certains admettent être incapables d’assister à des courses sans y travailler.  J’ai comme une vague impression de déjà-vu à ce-moment-ci.  Ils ont tous leurs bons et moins bons souvenirs; mais les bons moments l’emportent toujours quand ils vous racontent leurs péripéties.  Ils en ont parfois vu de toutes les couleurs.  Ils parlent des exploits auxquels ils ont assisté, mais aussi des rudesses auxquelles ils ont eu droit, ajoutant du même souffle que ce n’est pas grave, que c’est comme ça dans notre monde.  J’entendais encore cette semaine le directeur de courses de l’Autodrome Drummond rappeler aux membres des équipe l’importance d’agir respectueusement avec un officiel des puits à qui on manque parfois de respect.

Personnellement, je me dois de reconnaitre être de ceux qui ont pu compter sur le support de plusieurs de ces personnes dans toutes les fonctions que j’ai occupées jusqu’à aujourd’hui autour d’une piste de courses.  Je leur en suis très reconnaissant.  Comme eux, j’adore le fait de vivre les courses d’aussi proche.  Que selon le rôle que chacun joue, cette sensation d’être aussi prêt de l’action est enivrante.   Se retrouver dans le même espace que des compétitrices et compétiteurs qui roulent à toute vitesse est gratifiant.  Ressentir une certaine complicité avec eux vaut beaucoup plus que les quelques dollars amassés pour jouer ce rôle où prime la sécurité de tous et le respect des règles propres à ce sport que l’on peut qualifier d’extrême. 

Nous sommes à la mi-saison et je me suis dit, pourquoi ne pas en profiter pour parler d’eux.  Ils sont là, parfois presque invisibles, furtifs. Que ce soit la personne qui s’occupe de l’inscription, de celle à la fausse grille ou encore de l’ambulancière, souvent ils resteront en retrait de peur de déranger les équipes. Pour eux, le peu de contacts que certains ont avec les équipes s’explique par le rythme effréné des préparatifs d’avant course.  Si vous vous demander comment leur signifier votre appréciation, soyez assurés qu’un salut de la main de la part d’un pilote circulant dans sa voiture dans les puits ou un merci au passage ajoutera de la valeur à leurs souvenirs et au plaisir de se trouver à vos côtés.  Ce plaisir sera multiplié par dix si vous le faites et que ce n’est généralement pas dans vos habitudes.  Profitons des prochains programmes pour les saluer et, pourquoi pas, pour leur dire merci!

Bonne fin de semaine de courses à tous!

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