On est le 21 juin dernier. C’est le premier weekend de courses sur la piste de Cornwall en 2021 et, par conséquent, le premier weekend où je travaille dans le merveilleux monde des courses. Je suis dans la tour des officiels, mon rôle était alors de comptabiliser les résultats. Avec toutes les nouvelles choses à apprendre, je n’ai pratiquement pas le temps de voir ce qui se passe sur la piste. Mais soudain, alors que la course de la division Novice Sportsman approche de la fin, j’entends certains de mes collègues dirent à quel point cela risque d’être quelque chose de gros si le résultat en piste se maintient. Je regarde du coin de l’œil et je vois une voiture blanche avec le numéro 92T en bleu mener la course.

On m’explique brièvement que ce pilote s’appelle Tristan Ladouceur, qu’il a 14 ans et que sa famille est une des plus populaires au Cornwall Speedway. Les deux générations précédentes ont été adulées par les fans de la piste, et on s’attend à ce que ce soit la même chose avec lui… quand les fans seront admis. Tristan a gagné la course. Trois mois plus tard, c’est le championnat qu’il remporte. Cette saison, Tristan, 15 ans, s’apprête à piloter dans la classe régulière des Sportsman. J’ai décidé d’aller à sa rencontre pour en apprendre plus sur lui.

Tristan n’avait que 9 mois lorsqu’il est allé aux courses pour la première fois.  Par la suite, il a toujours suivi.  C’est à 4 ans qu’il a couru en kart pour la première fois, à Cornwall.  Sa journée s’est terminée dans le mur.  Tristan me raconte qu’il pleurait à ce moment, non parce qu’il s’était fait mal, ni parce qu’il avait eu peur, mais parce que son kart s’était brisé et qu’il ne pouvait pas retourner sur la piste.  Ses parents, Joey et Josée, me disent que c’est à ce moment qu’ils ont réalisé qu’il y avait un autre pilote dans la famille.

Les années suivantes, Tristan s’est battu pour des championnats en kart.  Deux de ses adversaires principaux, au fil des ans, furent Jordan Wood et Ty David, deux pilotes qui l’ont suivi, eux aussi, en Sportsman au cours de la dernière année.  Cette année, Justin Cyr et Eric Loyer furent ceux qui lui ont donné la plus grosse compétition, ayant tous deux l’avance au championnat, à un certain moment, au courant de la saison mais, au final, Tristan l’a remporté.  Mathématiquement, il lui suffisait de se classer 8e ou mieux dans la course, peu importe où finissaient les autres, et le championnat était à lui.  Il a piloté intelligemment toute la course pour terminer 2e, remportant par le fait même son championnat.

Une fois le championnat terminé, Tristan est monté dans la classe régulière des Sportsman, où il a affronté des pilotes de renom tels Ryan Stabler, Gilles Godard et William Racine, notamment au Fall Showdown de Cornwall.  Tristan a trouvé ça excitant, me disant que cela lui a donné un avant-goût pour l’année prochaine.  De son côté, Gilles Godard avait ceci à dire:

«Aussitôt que Tristan est monté dans la grosse classe sportsman, j’ai vite réalisé que Tristan a du gros talent.  Il avait juste fait une course dans la grosse classe avant le Showdown et il conduisait comme un vétéran quand je me suis retrouvé côte à côte avec lui.  J’étais très impressionné de sa technique sur la piste, il gardait sa ligne très bien et très vite en plus, j’ai trouvé ça très impressionnant pour un débutant et je l’ai regardé de près au Brockville Fall Nationals, et il a été très impressionnant là aussi.  Je dirais que s’il garde les pieds sur terre et la tête à la bonne place, et continue de montrer du respect aux autres chauffeurs, il va sûrement être un des gars à battre dans pas si long.  Ça doit être dans la famille Ladouceur ces talents-là, ils sont tous bons.»

Parlant des talents de la famille Ladouceur, une partie de moi a toujours pensé que cela pourrait être négatif pour un jeune pilote comme Tristan de porter le nom Ladouceur.  Ayant suivi la course automobile depuis longtemps, j’ai vu Marco Andretti, Nelson Piquet Jr, Bruno Senna, Nicolas Prost, Greg et Léo Mansell, Giuliano Alesi, Steve Wallace, Justin Labonté ainsi que Kerry et Jeffrey Earnhardt se faire attendre comme des futurs champions, sans être capables d’atteindre le niveau auquel leurs lignées respectives nous avaient habitués.  Tristan, par contre, ne se retrouvera jamais sur cette liste car il a, dès le départ, dépassé les attentes.  Il m’avoue même ne pas avoir trouvé cela stressant de porter le nom Ladouceur et que l’expérience de sa famille lui donne même confiance.  De plus, les amis que son père Joey et son grand-père Laurent se sont faits, au fil des ans, sont tous prêts à aider Tristan aujourd’hui, ce qui est un autre avantage pour lui.

Il ajoute être au courant du palmarès familial, mais admet faire son chemin à son propre rythme.  Sa famille ne le compare ni à son père, ni à son grand-père, ni à son oncle.  Il admet aussi que chacun est différent dans sa façon de conduire et que, comme chacun vit ses expériences dans des générations différentes, ce n’est pas comparable.

L’amateur de numérologie que je suis avait remarqué que Tristan est un des rares enfants de pilotes qui ne portent pas le même numéro que leurs parents.  Tristan a 92T, Joey 23.  Je n’ai pu m’empêcher de lui demander…  La réponse est que Joey a quand même eu le numéro 92 pour la grande majorité de sa carrière, donc quand est venu le temps de choisir un numéro pour Tristan, c’est le #92T que la famille a retenu.

Je demande ensuite à Tristan comment il se sentait quand est venu le temps de conduire une «vraie» voiture pour la première fois (sa sportsman #92T en 2021).  Il me dit qu’avec les années en kart, la transition a été un peu plus facile mais que malgré ça, il a quand même été un peu nerveux dans sa première course, tout en étant confiant.  Comme quoi il a vécu toute une gamme d’émotions.  Et parlant d’émotions, il donne crédit aux courses en ligne iRacing pour l’avoir aidé à contrôler ses émotions, dû aux situations stressantes qu’il a vécues en y jouant, mentionnant aussi que cela l’aide à aiguiser ses réflexes.

Je me suis ensuite demandé si le fait de gagner courses et championnat en novice sportsman, cette année, fut une surprise, ou s’il s’y attendait.  Il admet que compte tenu de son succès en kart, il s’attendait à gagner au moins une victoire, tandis que pour le championnat, il savait simplement qu’il avait une chance… s’il demeurait constant.  Il a aussi fait preuve de maturité en admettant ne pas pouvoir être certain du championnat tant qu’il ne croisait pas le fil d’arrivée lors de la dernière course.  C’était la seule façon de penser pour ne pas tomber dans le piège de la « surconfiance », et le fait qu’il ait pris cette approche démontre à quel point il est mature pour son âge…  De mon côté, j’avais réalisé, en faisant certains calculs aux trois quarts de la course, que Tristan aurait le championnat tant que sa voiture tiendrait le coup…  Elliot Gamache était rapide ce jour-là, et Tristan n’a pas pris de chance de s’accrocher avec lui…  Il a laissé Elliot prendre la tête…  Sa deuxième place était bien plus que la 8e qu’il avait besoin pour être champion.  Mieux valait s’en contenter que de risquer de tout perdre en se battant pour la victoire.  Il m’a vraiment impressionné en faisant ça.  Il m’a ensuite expliqué qu’il sentait une pression dans la dernière course, et qu’il ne voulait pas faire l’erreur qui allait lui coûter le championnat.  Définitivement, il avait remporté son pari.

Gagner le championnat est souvent un but pour les pilotes.  Certains travaillent pendant des années à essayer d’en remporter un seul, alors que Tristan est champion dès sa première année.  Était-ce important pour lui de gagner aussi vite?  Il avoue que l’expérience acquise cette saison était plus importante que le championnat, bien que celui-ci soit quand même un atout, et que cela lui a donné confiance pour ses participations aux événements prestigieux du Fall Showdown de Cornwall et du Fall Nationals de Brockville, où il a eu des résultats très respectables.  J’ajouterais même que Tristan a été impressionnant au Fall Showdown lorsque sa voiture fut endommagée lorsqu’elle a été accrochée par un autre pilote. C’était probablement les premières difficultés en course qu’il vivait, mais il n’a jamais lâché, est allé aux puits faire les réparations, puis est ensuite retourné en piste pour reprendre de l’expérience.

Il est maintenant temps de se tourner vers l’avenir.  Tristan a gradué des Novice Sportsman à la classe régulière des Sportsman pour la saison 2022, où il prévoit être sur la grille à toutes les courses à Cornwall en plus de certaines courses spéciales à l’extérieur.  Il se met également la barre haute en se donnant comme défi de terminer dans le top 10 des points à Cornwall.  Je tiens à préciser que si je dis que la barre est haute, ce n’est pas du tout que je doute des chances de Tristan de terminer la saison dans le top 10.  Il a prouvé, l’an dernier, que son talent est énorme.  Il commence la saison avec une expérience énorme acquise avec sa voiture et pourra débuter la saison en amenant le « momentum » de son championnat 2021. 

Si je trouve qu’il met la barre haute, c’est simplement qu’il avoue publiquement où il se met la barre.  Plusieurs pilotes auraient visé un top 10 mais se seraient contentés de dire qu’ils visaient cela pour une course, question de ne pas décevoir advenant que la malchance s’acharne sur eux.  Mais je réalise que Tristan a une authenticité et une honnêteté exemplaire qui est un vent de fraîcheur pour le monde des courses, quoi que j’aie toujours senti la même authenticité chez ses parents.  Je les ai tous connus avant de commencer à écrire mes chroniques, et je dois dire que mes conversations avec eux restent les mêmes depuis.   Souvent, certains fans se demandent si certaines vedettes sont aussi sympathiques dans la vie que ce qu’elles dégagent.  Je peux vous garantir que c’est le cas de toute la famille Ladouceur, et oui, cela inclut Tristan.

Je ferme la parenthèse pour revenir à l’action à l’affiche sur la piste en 2022. Lors de la saison 2021 en Novice Sportsman, Tristan a majoritairement affronté des pilotes avec qui il a couru, pendant 10 ans, en go-kart. La saison 2022, en Sportsman régulier, le verra affronter des pilotes de renom.  Il admet que la compétition sera féroce et il est aussi bien conscient qu’il va aussi s’améliorer en coursant contre eux, en ajoutant qu’il croit pouvoir beaucoup apprendre de certains pilotes.  Deux des pilotes qu’il affrontera en sportsman, Gilles Godard et William Racine, lui ont déjà donné des conseils.  Idem pour Joey et Lee Ladouceur dans la classe modifiée, comme on pouvait le deviner.   Mais il y a aussi Corey Wheeler qui prend le temps de le conseiller.

Quand je demande à Corey de me parler de Tristan, il me dit:

«Il n’y avait aucun doute dans mon esprit que Tristan serait un bon pilote dû à la richesse de connaissances qui l’entoure.  Tristan a toujours été respectueux et poli.  Je donne tout le crédit pour ça à sa mère!»

Comme tous les pilotes dépendent souvent de leurs commanditaires, je demande à Tristan de me parler de sa relation par rapport aux siens.  Voici ce qu’il m’a répondu:

C’est certain qu’avec l’aide de commanditaires ça nous aide beaucoup. On est une petite équipe avec un petit budget et qui recycle souvent le vieil équipement de mon père.  C’est grâce à mes grands-parents Paquette que j’ai pu commencer plus tôt à courir dans la série Sportsman lorsqu’ils ont accepté de nous aider financièrement pour obtenir l’auto.  Ils m’encouragent depuis que j’ai 4 ans et j’en suis reconnaissant.  Je dois aussi dire un gros merci à tous mes autres commanditaires qui me suivent depuis un bout de temps.  Mr.Radiator, OlsonFab, Glengarry Truck Center, Celebrate Hair Studio, Lussier Chevrolet, DRIVR PERFORMANCE,  Lamps plumbing and heating, Gilles and June, Primeau’s Marine, Boucherie du Village, Qualitek.  On est toujours ouvert d’avoir de nouveaux partenaires. Ceci nous permettrait de pouvoir participer à d’autres courses à l’extérieur.  En participant à plus d’événements dans l’année, ceci me permettra d’accélérer mon apprentissage.

Si Tristan est à l’avant-scène dans le monde des courses, un membre essentiel à son succès est présent à chaque course, mais dans l’ombre.  Il s’agit de son cousin Liam Ladouceur, 13 ans, fils de Lee, que l’on peut voir en modifié, à temps plein, sur la piste de Cornwall, mais aussi dans plusieurs autres classes occasionnellement, comme dans diverses classes de voitures sprint.

Je savais que Liam occupait un poste clé pour l’équipe de Tristan car je le voyais toujours près de son cousin à la piste, et seulement les membres très importants de l’équipe demeurent aussi prêts du pilote pendant tout le weekend, famille ou pas…  Quand j’ai demandé à Tristan de me parler de Liam, ma première surprise fut lorsqu’il commença par le travail sur semaine, allant du lavage de l’auto, de l’aide avec la mécanique, à la préparation des pneus.  A la piste, il s’occupe de préparer tous les pneus et les mesurer pour s’assurer d’avoir la bonne grandeur.  De plus, il fait aussi beaucoup d’autres petites tâches comme mettre l’essence, changer la vitesse, changer les pneus, effectuer les réglages…  Liam et Tristan ont toujours été proches, et cela se voit.  Ceci dit quand arrivent les courses, Liam aime être organisé et savoir ce qu’il a à faire.  C’est vraiment le chef d’équipe de Tristan, et que ceux qui pensent que c’est un titre honorifique se ravisent.  Il a le titre et le travail qui vient avec.  Il a l’intention de garder ce titre tant que lui ou son frère Trey, ne coursent pas.  Si jamais un des deux frères venait à courser, Liam aiderait quand même Tristan d’une manière ou d’une autre.

Bon, on en connaît assez sur les courses.  Maintenant, je veux connaître Tristan, le jeune homme.  Comment est notre champion en dehors des pistes de course?  Quelles sont ses passions?  Je savais qu’il jouait au hockey car lorsque je suis devenu son ami Facebook, au tout début de la saison 2021, une photo sur son profil m’avait frappé.  Tristan portant le chandail des Glens d’Alexandria, avec une bannière de championnat remportée à un tournoi des Aigles de St-Isidore.  Moi, qui a fièrement travaillé à tous les tournois des Aigles depuis l’automne 2018, j’avais annoncé les exploits de Tristan sans savoir qu’il s’agissait d’un pilote de course.  En faisant cette entrevue, j’ai cependant appris qu’il joue comme défenseur pour les Glens depuis l’âge de 4 ans (grosse année pour ses débuts entre le karting et le hockey), plusieurs d’entre elles ayant même été au niveau compétitif.  J’ai aussi entendu entre les branches que l’entraîneur était un certain Joey…  Ça doit être lui qui l’a encouragé à devenir fan des Oilers d’Edmonton et de Connor McDavid.  Bien qu’on me dise que c’est Tristan qui a nommé leur chien Connor.

Quand je lui demande ses autres passions, Tristan me répond:

J’ai commencé à courir sur IRacing au début de la pandémie, il y a environ 2 ans.  J’ai coursé du nascar, des sprint cars, des modifiés, et même du indycar, late models. Sur IRacing, c’est facile d’avoir plusieurs autos dans ton garage LOL.  Je cours souvent contre William Racine, Félix Roy, Donovan Lussier.  Tristan est humble de nature, il n’a pas mentionné qu’il gagne un excellent ratio de ses courses…  Mais le mot se passe dans le milieu…

Ma dernière question portait sur le futur.  Je l’ai dit souvent, les courses coûtent habituellement plus chères qu’elles rapportent.  Que souhaite faire Tristan comme carrière?

Depuis que j’ai commencé à courir avec IRacing, je devais faire les “designs” de mes autos, je passais beaucoup de temps à faire ça, j’ai développé un intérêt pour ça.  Donc peut-être genre “graphic design”.  Pour la mécanique, j’aime faire la mécanique sur mon auto mais j’aimerais plutôt faire comme mon père et l’aider à gérer le commerce (Mr.Radiator) un jour. 

BLOC-NOTES

Voilà maintenant 3 mois que je suis chroniqueur.  J’ai fait plus d’entrevues que ce dont je peux me souvenir.  Je réalise, à ma grande surprise, qu’aucune ne se fait de la même façon.  Certains veulent le faire par téléphone, certains par Facebook, certains via des logiciels que je ne connaissais pas avant et dont j’ai oublié l’existence depuis.  Quand j’ai contacté Joey, Josée et Tristan Ladouceur pour faire celle-ci, ils m’ont encore dit un ‘oui’ tout aussi expéditif que toutes les autres fois où je leur avais demandé de collaborer à mes articles par le passé.  Ils m’ont dit de simplement envoyer mon plan avec les sujets dont je serais intéressé de parler.  Je leur ai dit qu’ils pouvaient choisir les questions de leurs choix.  Quand ils m’ont renvoyé leurs réponses, ils ont répondu à TOUT.  Aucune censure.  Des réponses longues, détaillées.  J’ai dévoré chacune d’elles avec autant de passion.  J’ai toujours fait mes textes en fonction de ce que j’aimerais savoir comme lecteur.  Et je trouvais chacune de ces réponses tellement pertinentes que j’ai tout gardé.  Je vous dis bienvenue ou désolé, c’est selon.  Mais surtout, un IMMENSE MERCI encore une fois à la famille Ladouceur.  Des gens d’une très grande classe.  Mais ça, je vous l’avais déjà dit…