Il y a eu plusieurs voitures qui m’ont glissé entre les doigts au cours de ma «carrière». L’Alfa Romeo Giulia Quadrifoglio (si mon Italien est bon, on ne devrait pas prononcer le «g» dans le dernier mot) est l’une d’elles. Parue il y a déjà plus de deux ans, cette auto s’est retrouvée dans les parcs de voitures de presse quelquefois mais jamais je n’ai eu l’opportunité de la réserver avant qu’elle ne soit retirée. J’admets que ce n’est pas un véhicule qui s’adresse à tout le monde, ne serait-ce que par son prix (très) élevé mais, au moins, j’aurais toujours aimé la comparer aux BMW M3 et autres voitures du genre (et peut-être des Audi du même calibre, mais tout semble indiquer que la filiale canadienne de ce constructeur allemand ne soit pas très coopérative quand arrive le temps de partager ses autos de presse qui ne sont prêtées qu’à une poignée de gens «choisis»…).
De retour à l’Alfa, j’ai eu le plaisir de conduire la Giulia de base et le VUS Stelvio dans le passé mais pas la version Quadrifoglio. Toutefois, la semaine dernière, j’ai pu enfin mettre la main sur cette voiture que je trouve tout simplement superbe…
L’Alfa Romeo Giulia Quadrifoglio ne passe certes pas inaperçue.
Au départ, je vous avertis, une Giulia Quadrifoglio, ce n’est pas à la portée de toutes les bourses (98 080 $ dans le cas du véhicule dont il est question ici) mais il se distingue vraiment de la plupart des berlines de son calibre ne serait-ce que par son design que personne ne critique négativement.
Vue de l’avant, cette berline italienne affiche avec fierté sa calandre légendaire qui, je l’espère, ne sera jamais modifiée comme BMW l’a fait avec ses modèles de la série 3 (ses designers ont peut-être déjà critiqué la calandre verticale de l’Edsel 1958 mais se rendent-ils compte qu’ils l’ont pas seulement reproduite mais aussi doublée sur l’avant de leur auto?). Les phares ont ce style très agressif qui n’est pas sans nous rappeler les yeux d’un félin à l’affût. Le capot, avec doublure en fibre de carbone, possède deux prises d’air impressionnantes alors que sur les ailes d’avant, on voit très bien l’emblème Quadrofoglio, autrefois utilisé par le pilote Ugo Sivocci de l’équipe Alfa Romeo en 1923. Sivocci ne gagnait jamais mais, un jour, il a adopté ce sigle sur son auto et il s’est mis à gagner. Tristement, Sivocci s’est tué plus tard sur le circuit de Monza…vous l’aurez deviné, on n’avait pas encore eu le temps de peindre le sigle du trèfle à quatre feuilles sur sa voiture de course. Chez Alfa, on décida alors de passer du trèfle dans un carré à un trèfle dans un triangle puisqu’il ne restait plus que trois des quatre pilotes dans l’équipe. Incidemment, un de ces pilotes s’appelait Enzo Ferrari.
L’arrière de la Giulia Quadrifoglio affiche un design qui se distingue aussi de ses concurrentes.
Alors que sa carrosserie a un design très coulant (avec un toit en fibre de carbone), la toute récente Alfa Giulia a un arrière qui la distingue des autres autos sur le marché. La version Quadrifoglio a, de plus, un becquet avec pointes en fibre de carbone et un bouclier arrière unique avec quatre pointes d’échappement. Oui, cette belle berline Alfa Romeo a un design qui lui est unique, un design que je qualifierais de très «italien»!
Le tableau de bord reprend un thème plutôt classique mais tellement superbe.
L’intérieur est aussi très «italien». Le tableau de bord n’est pas sans nous rappeler celui des berlines du même constructeur d’il y a une quarantaine d’années. Non seulement est-il d’allure sportive très élégante mais il inclut une instrumentation que l’on dirait vraiment traditionnelle avec des cadrans ronds et des chiffres bien lisibles. Le volant est plat à sa «base» et il est assez chargé de commandes, merci. C’est même à celui-ci qu’on a greffé le bouton de contact du moteur ! Évidemment, ce tableau de bord doit inclure le système de navigation (un système TomTom facile à utiliser) mais je dois signaler que l’écran n’est pas très grand et que sa lecture pourrait être difficile à certains moments.
La console centrale n’est pas trop envahissante mais elle est occupée, comme le volant. Le levier de la boîte à double embrayage est à commande électrique et il est accompagné d’autres commandes comme celle qui permet au conducteur de passer d’un comportement routier «régulier» à un comportement plus doux, plus sportif ou «Race»!
Les places arrières, quoique luxueuses, sont un peu serrées.
Les sièges d’avant sont du type enveloppant. Ce n’est pas toujours facile de s’en extirper pour sortir de la voiture mais ils sont confortables et surtout, ils procurent un support étonnant en conduite dite «sportive». Les places arrières sont aussi remarquables mais il y est difficile de s’y glisser vu la ligne fuyante du toit. Puis, l’espace pour les jambes des passagers n’est pas très grand (comme c’est le cas pour la plupart des petites berlines européennes de même calibre). Toutefois, il faut noter que la finition cuir-suède-fibre de carbone de l’intérieur y est remarquable…encore une fois typiquement «italienne».
Le coffre est profond à l’horizontale mais pas à la verticale.
Pour les amateurs de belle musique, Alfa Romeo offre une sonorisation Harmon/Kardon à quinze haut-parleurs. Quant au coffre, malgré une ouverture un peu étroite, il propose beaucoup d’espace en profondeur horizontale mais pas en profondeur verticale ! Évidemment, son espace cargo peut s’agrandir en repliant les dossiers.
Si l’on passe au volet «mécanique» de cette Alfa Romeo, il faut admettre que sa description expliquera pourquoi la version Quadrifoglio est si différente et tellement plus élaborée que celle de la même berline, mais de base (en 2022, la Giulia sera offerte en modèles Sprint, Si, Veloce et, bien entendu, Quadrifoglio, les trois premières étant propulsées par un moteur à quatre cylindres de 2,0 litres). Au départ, soulignons que si l’Alfa de base est livrable avec la propulsion ou la traction intégrale (celle-ci étant recommandable au Québec), la Quadrifoglio n’est livrable qu’avec la propulsion.
Quand je mets la main sur une voiture à la mécanique aussi élaborée que celle de la Giulia Quadrifoglio, j’aime la faire «analyser» par mon ami et mécanicien d’expérience, Giovanni Ucci. Ce qu’il a aimé se retrouver avec une Italienne! Mais il l’a trouvé très…compliquée!
Le moteur de la Quadrifoglio est un V6 de 2,9 litres qui fait 505 chevaux et 443 li-pi de couple. Il est toujours agréable pour le conducteur de cette berline de se vanter que son V6 est basé sur une conception de Ferrari (maintenant indépendante du groupe Fiat mais conservant une sorte d’allégeance à ses origines italiennes)! Toutefois, en analyser le fonctionnement demande une certaine connaissance en mécanique ou en technologie automobile, surtout si l’on dissèque le fonctionnement du système d’admission de l’air. Ce V6 est combiné à une boîte «automatique» à double embrayage à huit rapports que le conducteur peut manipuler manuellement grâce aux palettes au volant. Cette Giulia, je le répète, est livrable avec la propulsion seulement mais son pont arrière est contrôlé par un système vectoriel du couple fonctionnant à disques. Avec les immenses roues grandement «aérées» équipées d’aussi immenses pneus Pirelle P-Zero, on peut y voir le puissant système de freinage avec de très grands disques coiffés d’étriers (peints en jaune) à multiples pistons. Mon mécano et grand ami Giovanni Ucci qui, tout jeune, travaillait sur des voitures locales en Italie, me faisait remarquer que même lors des grandes épreuves en course automobile des années trente, voire même lors des Grand Prix des années cinquante, les bolides d’Alfa Romeo possédaient déjà d’énormes freins à tambour de très grand diamètre! C’est donc une tradition chez Alfa!
Sur la route…
Que j’aurais aimé pouvoir disposer d’une piste ou d’un circuit privé pour vraiment «conduire» cette Alfa! Au départ, l’auto s’est avérée douce, docile et facile à conduire. Elle est même silencieuse à bas régime. Une vraie petite luxueuse. Mais aussitôt que l’on écrase l’accélérateur, le moteur se réveille et les échappements «s’ouvrent». Et quel son elle émet! Une véritable musique aux amateurs de belles bagnoles! L’Alfa prend rapidement de la vitesse alors que le passage des vitesses se fait tout en douceur. Il est vrai que la même auto aurait été plus amusante à conduire avec une boîte manuelle mais il faut vivre en son temps et celle à double embrayage remplit bien son rôle. Avec des pneus aussi imposants (et mordants), l’auto peut négocier des virages serrés à une bonne vitesse (même sur un pavé humide) alors que le freinage est tout simplement efficace et convaincant. Toutefois, c’est surtout la direction qui impressionne le plus par sa précision. Et elle ne demande pas d’effort supplémentaire! Évidemment, avec un toit aussi profilé, il manque un peu de visibilité mais on apprend vite à se trouver des points de repères rassurants. Et l’auto peut être conduite pendant des heures toujours avec un grand plaisir. Question performance, la Giulia Quadrifoglio peut passer du point mort à 100 km/h en quelque quatre secondes malgré ses plus de 3800 livres.
Incidemment, Alfa Romeo propose un système d’assistance à la conduite. Mais j’ai «oublié» de l’utiliser. J’ai eu trop de plaisir à vraiment conduire cette auto! Cependant, je ne crois pas que ce soit le genre de voiture que l’on apprécierait en hiver. Disons que c’est une berline de grand tourisme, une sorte de petite Ferrari que l’on ne peut apprécier qu’en situation estivale…
Question consommation, par contre, il ne faut pas s’attendre à un miracle. L’ordinateur de bord indiquait une moyenne de 11,4 l/100 km au tableau de bord à la fin de ma semaine d’essai alors que mes calculs à la pompe m’indiquaient une moyenne de 12,1 l/100 km. Il faut dire que c’est une auto de performance et qu’elle incite souvent à de la conduite plus sportive qui n’est pas nécessairement économique. Comme vous pouvez vous en douter, pour un maximum de performance et de rendement, Alfa recommande que l’on y fasse le plein qu’avec du carburant Super. En passant, le réservoir n’est pas des plus grands avec seulement 58 litres de capacité.
Lorsqu’il est question d’un véhicule aussi élaboré qu’une Alfa Romeo Giulia Quadrifoglio, il faut en accepter le prix, déjà qu’une Giulia «ordinaire» n’est pas donnée. Le prix de base de ma voiture d’essai était de 93 990 $. Ajoutez à cela l’ensemble Premium de Quadrifoglio, les jantes d’alu de 595 $, les étriers colorés de 350 $, la taxe d’accise pour le climatiseur de 100 $ et surtout le transport et la préparation de 2 595 $ et on en arrive à un total de 98 080 $
La seule question qui demeure, c’est la fiabilité du véhicule. Les Alfa Romeo n’ont pas une belle réputation dans ce domaine. Ce sont des voitures capricieuses qui exigent un entretien suivi et très minutieux. Si le principal artisan du retour de la marque en Amérique, l’ancien président de FCA Sergio Marchionne était toujours de ce monde, je suis persuadé qu’il irait «fouetter ses troupes» en Italie pour que la qualité y soit corrigée. Il ne s’agit pas ici de la qualité de l’assemblage mais celle du bon fonctionnement mécanique et électrique. Toutefois, à la défense de la marque, j’ai un ami qui possède une berline Giulia de base à traction intégrale depuis deux ans et il me dit n’avoir jamais eu de pépins avec son auto. De plus, ma voiture d’essai, qui affichait déjà plus de 10 000 km au compteur, n’a jamais nécessité de réparation malgré qu’elle fût passée aux mains de plusieurs conducteurs qui ne l’ont pas toujours «essayée» avec tendresse. La prochaine Alfa que j’espère conduire devrait être le petit VUS Tonale. Ça devrait être intéressant!
Aurons-nous un Salon de l’auto cet hiver à Montréal? La question se pose et si je me fie à l’article que mon jeune confrère Antoine Joubert a publié dans un grand journal montréalais la semaine dernière, il y aurait, selon ses recherches, quelques neuf constructeurs ayant pignon sur rue au Canada qui ne tiennent plus à dépenser des millions pour figurer aux salons de Montréal, Toronto et Vancouver. J’ose espérer que les concessionnaires vont reprendre le flambeau et qu’ils seront à ces salons sans nécessairement avoir des stands spectaculaires! Ce sont les autos et les camionnettes que l’on veut voir! Déjà que les activités automobile se sont faites rares depuis les deux dernières années dans la région métropolitaine, pas de courses, peu de rencontres de voitures anciennes ou modifiées, pas de salons…L’intérêt pour l’automobile serait-il à disparaître?