Chaque entre-saison de course amène son lot d’histoires, de rumeurs, de questionnement, de surprises, de déceptions et de critiques. Le microcosme de la course sur terre battue est ainsi fait et notre milieu a horreur du vide. On devrait pourtant avoir appris au fil du temps que tout ça n’est qu’un éternel recommencement.
Les promoteurs s’arrachent les cheveux pour mettre en place un calendrier qui fera le bonheur de tout le monde (y compris celui de leur banquier), les équipes de course sont à l’affût de toute entreprise pouvant devenir commanditaire et les amateurs, avec le dollar-loisir qui se fait de plus en plus rare, se demandent s’ils achèteront leur passe de saison.
Les calendriers vont finalement sortir, les équipes vont maugréer que les bourses n’ont pas augmenté (si bourses il y a au départ), les amateurs vont critiquer que les prix d’entrée soient trop chers et menacer de rester chez eux.
Et comme chaque année, tout ce beau monde se retrouvera quelques semaines plus tard pour les premières journées de pratique. Le tableau noir sera effacé, les odeurs de gaz monteront à la tête des amateurs qui traînent dans les puits et le seul sujet d’actualité qui restera sera celui de la météo pour le prochain week-end. Le bonheur des Justes jusqu’en septembre…
Le nuage au-dessus de nos têtes
Malheureusement toute cette agitation se frappe le nez sur la réalité implacable de l’argent, ce mal nécessaire en course automobile qui aura mis fin à tellement de carrières prometteuses. On dit à juste titre que c’est l’argent qui mène le monde et c’est particulièrement vrai en course automobile.
On peut évidemment y trouver son compte et avoir beaucoup de plaisir en choisissant de courir dans des classes plus « économiques », mais si l’on souhaite évoluer et performer dans les grandes ligues, il est obligatoire d’avoir les reins solides et un bon bassin de généreux commanditaires. Y a pas de secret et comme le dit Elon Musk, soit on coupe dans les dépenses ou soit on augmente les revenus. Idéalement on fait les deux simultanément !
Un sport assiégé de toutes parts
Pendant que les différents intervenants cherchent des solutions qui favoriseront la pérennité de la course sur terre battue, de l’autre côté, les ennemis sont nombreux : La pandémie actuelle qui n’en finit plus, les fermetures de frontière qui n’annoncent rien de bon, l’économie vacillante des entreprises qui annihile les espoirs de commandite, les municipalités qui ne savent plus comment gérer les voisins mécontents, les environnementalistes, le bruit, la poussière…n’en jetez plus, la cour est pleine ! Bon…maintenant, parlons solution !
Le W16, une fausse solution dans son application
Je ne m’en cache pas, je ne connais rien à la mécanique. Certains sont manuels, ingénieux et bricoleurs alors que d’autres sont intellectuels, concepteurs et cartésiens. À chacun ses forces. De mon côté, ce sont les sciences économiques et les mécanismes capitalistes. C’est ce qui m’amène à écrire cet article. Parce que je crois fermement que la solution à la survie à long terme de la course sur terre battue ne passe pas par des changements mécaniques. En fait c’est tout le contraire. Ces changements, bien intentionnés, ont souvent l’effet contraire.
Cela ne me dit rien lorsque l’on me parle de gros blocs, petits blocs ou W16. Zéro ! Pour les autres non-initiés comme moi, tout ça, c’est du pareil au même. Les voitures ont besoin d’un moteur alors lui ou un autre…
Évidemment, chacune de ses motorisations offre des avantages et des inconvénients. Certaines équipes ne jurent que par le petit bloc alors que d’autres font l’apologie du moteur Wegner. Jusque-là, c’est à chacun ses goûts.
Au-delà de l’aspect mécanique des pour et des contre et les querelles de dyno, il y a toujours l’aspect financier et comme nous vivons dans une économie capitalisme, le clientélisme à peine voilé envers le W16 cause plus de problèmes qu’il ne règle. On n’enfonce pas une idée dans la gorge des coureurs à coups de règlements maison. Voilà pourquoi j’affirme que cette solution est erronée et plus coûteuse et cela n’a rien à voir avec le moteur lui-même.
Quel que soit le produit, l’intérêt du client est toujours opposé à l’intérêt du vendeur. C’est la loi de l’offre et la demande. Plus il y a de compétiteurs sur un marché et plus les prix sont à la baisse. À l’inverse, installez un monopole dans les mains d’un ou deux distributeurs et les prix partiront invariablement à la hausse. Il faudrait être naïf de penser autrement et je vous invite à me prouver le contraire.
En somme, ce n’est pas le W16 le problème, loin de là, mais l’accès restreint à la compétition commerciale pour les acheteurs et les équipes. En somme, la solution se trouve ailleurs…
Le PMF au SuperSpeedway
Mon passage à titre de directeur de course ne passera sûrement pas à l’histoire. Du moins pas dans le bon sens. Le mauvais gars dans la mauvaise chaise. Pas de souci, j’accepte le verdict. Cela dit je suis tout de même fier d’une chose : avoir été clair dès le début dans la conception des règlements du SuperSpeedway avec l’objectif de faciliter les choses pour les équipes et l’on peut dire que cela a assez bien fonctionné, du moins pour cette partie…
Comme directeur, mon approche était simple : pour les modifiés et les sportsmans, collons-nous sur le livre de DIRT. Aucune interprétation discrétionnaire ni règlement maison. Ainsi je libérais mon inspecteur de toutes les querelles d’interprétation qui minent la confiance des équipes. Vous me voyez venir maintenant ? La solution qui favorise la pérennité de la course automobile sur terre battue se retrouve depuis le début dans l’élimination de l’incertitude !
Mais qu’est-ce que l’incertitude vient faire dans ça ?
Voici un exemple. Vous avez dix mille dollars dans le compte de banque. On vous propose un voyage en Afrique (ou ailleurs, c’est selon vos goûts). Mais la proposition vient deux ficelles : Le voyage vous coûtera tout le compte de banque et vous risquez de perdre votre travail à tout moment pendant le voyage. Partez-vous ?
Même exemple, mais cette fois avec une seule ficelle : Le voyage vous coûtera tout votre compte de banque, mais votre emploi est assuré pour la prochaine année. Le risque est moindre. Partez-vous ?
Dernier exemple encore avec une seule ficelle : Le compte de banque y passera au complet, mais votre travail est assuré pour les cinq prochaines années…Bon voyage!
Voilà ce que vient faire l’incertitude. Elle met un doute dans votre tête, affecte votre perception et vos décisions.
Éliminons l’incertitude et favorisons les équipes
Voici ce que je propose : que nos pistes québécoises et ontariennes procèdent à une uniformisation totale des règles mécaniques pour toutes les classes majeures qui participent à des programmes sur plusieurs circuits (Modifiés, Sportsman, ProStock, 4 Cylindres). Autrement dit, les règlements mécaniques de ces classes seront identiques à Granby, Drummond, St-Marcel et St-Guillaume, Cornwall et Brockville. Aucune règle maison, aucune particularité. Une voiture peut passer d’une piste à l’autre en ne se souciant que de ses « setups » personnels.
Une fois ce nouveau livre de règlements adopté par toutes les pistes, il entrerait en force tel quel pour une période allant de cinq ans. Seuls les cas de force majeure pourront entraîner des dérogations au livre et elles devraient s’appliquer uniformément à toutes les pistes.
Une telle dérogation ne pourrait en aucun cas être rétroactive afin que les équipes ayant toujours en leur possession un stock de pièces puissent continuer de les utiliser sans pénalité.
Afin de respecter les ententes commerciales de chacune des pistes avec leurs fournisseurs locaux, les équipes ayant acquis des pièces de ces fournisseurs pourraient les utiliser sur toutes les autres pistes, même en absence d’entente spécifique entre ce fournisseur et les autres pistes. À titre d’exemple, l’entreprise « Gaz ABC » signe une entente de commandite avec Drummond pour la vente de son essence dans les puits. L’équipe de course ayant acheté de l’essence de GAZ ABC à Drummond pourra continuer de l’utiliser à Cornwall ou RPM même en absence d’entente spécifique de GAZ ABC avec ces deux autres pistes. Le but de cette mesure ne serait pas d’empêcher chaque piste de gérer ses activités commerciales et commandites mais simplement de s’assurer que la présence potentiel d’un monopole local pénalise financièrement les équipes de courses qui devraient acheter d’autres pièces (monopole) inutilement.
De par leur nature, les classes « touring » (Lightning, ModLites, STR, Slingshots, Sprint Crate etc…) ne seraient pas touchées par cette nouvelle façon de faire et elles continueraient à gérer leurs activités telles comme elles le font présentement.
Avantages pour les équipes
Ayant la certitude des règlements pour les prochaines années, les équipes pourraient acheter des pièces en gros sans craindre de rester « collé » avec le matos dans le fond du garage l’année suivante. Mieux encore, deux équipes ou plus pourraient collaborer ensemble et acheter un lot de pièces, ce qui se traduirait en une économie substantielle pour tous. Cela permettrait aux équipes d’absorber les coûts d’achat et d’entretien sur une plus longue période de temps.
Sans incertitude, les équipes pourraient plus facilement revendre leur voiture « telle quelle » à de nouveaux participants en sachant que les nouveaux propriétaires seraient prêts (ou presque) à courir dès le premier jour. Le raisonnement est aussi vrai à l’inverse pour le nouveau participant. Pas de surprise ni dépenses inutiles.
Finalement, les équipes auraient amplement de temps de peaufiner les réglages de leur voiture et chercher à soutirer le meilleur de toutes les composantes.
Avantage pour les promoteurs
Pour les promoteurs, l’avantage de cette proposition serait facilement perceptible. Plus il y aura d’équipes en bonne santé financière et plus il y aura de voitures dans les puits et plus il y aura d’amateurs dans les estrades. Simple comme ça !