Encore Cuba et réponse à Ford vs Ferrari
Ouf! Pas facile pour un mordu de l’auto comme moi de prendre une semaine de vacances et de ne pas penser aux bagnoles. Surtout si ma destination est Cuba! Le problème est moindre si je me rends à Cayo Largo, petite île au sud de la grande île principale où il n’y a qu’une vingtaine de véhicules. Mais les conséquences sont plus importantes lorsque c’est dans la région de Varadero ou à La Havane où les «belles» anciennes pullulent! Enfin, le mot «belle» ne devrait pas toujours s’appliquer…
Une brochette de «belles» Américaines au Parque Central de La Havane. (Photo Éric Descarries)
Pour résumer en quelques mots le parc automobile de Cuba, disons qu’il y a plus de 60 000 Américaines des années quarante et cinquante survivant dans l’île (mais pas partout) dont la majorité sont des Chevrolet de 1950 à 1956, cette dernière année étant la plus populaire. Il y a aussi de nombreux taxis Geely, des Peugeot alors que si vous louez un véhicule, il y a de fortes chances que ce soit aussi une Peugeot où, mon préféré, le nouveau Suzuki Jimny que j’aurais bien aimé voir sur notre marché.
La Chevrolet 1956 fut la voiture américaine la plus vendue des années cinquante (pré-révolution) à Cuba. (Photo Éric Descarries)
Si vous voulez louer une voiture à Cuba, ce sera, soit une Peugeot ou une Geely ou encore un Suzuki Jimny de nouvelle génération. Toutefois, oubliez l’idée de faire du hors-route, il n’y a pas d’endroit approprié pour cela. Qui plus est, il y a de fortes chances que la fonction de quatre roues motrices du Suzuki soit désactivée! (Photo Éric Descarries)
Si vous allez dans les régions de La Havane et Varadero, vous y verrez également quelques voitures récentes et surtout des pick-up GMC Sierra de la dernière génération, ceux-ci appartenant à des compagnies canadiennes qui y exploitent gaz et mines. Ils y ont aussi plusieurs poids lourds International et Freightliner et des Ford F-250.
Il y a beaucoup de camionnettes GMC récentes et de poids lourds International et Freightliner tout aussi récents à Cuba mais rien n’est plus agréable que de voir un vieux camion Ford 1955 restauré sur la route. Celui-ci était un bel exemplaire mais il y a de fortes chances qu’il repose sur un châssis de camion Hino, ou Kamaz (russe) plus récent. (Photo Éric Descarries)
Mon plaisir, c’est d’y photographier des «créations» cubaines dont certaines sont des avants de grosses américaines du début des années cinquante sur un châssis de camionnette avec une carrosserie faite maison dans le but d’en faire un grand Taxi. Chauffeur de taxi personnel, une profession payante à Cuba.
Pour une fois, je suis bouche bée! Je ne saurais vous dire sur quoi est basée cette création locale, sauf qu’une partie de la cabine semble tirée d’une camionnette International des années cinquante! (Photo Éric Descarries)
Notez aussi que sous le capot de la plupart de ces Américaines des années cinquante se cache un moteur diesel à quatre cylindres ayant autrefois appartenu à un camion de livraison japonais ou européen. Les autos ainsi équipées sont reconnaissables à leur gros tuyau d’échappement (qui laisse échapper une fumée noire si la voiture est «nourrie» d’un carburant dit «clandestin») ou au son agaçant du moteur qui n’appartient certes pas aux autos en question.
Cette Jeep ressemble à une TJ récente mais si on l’examine attentivement, il s’agirait plutôt d’une réplique…de source asiatique inconnue. (Photo Éric Descarries)
Il y a plusieurs petites autos anglaises des années cinquante à Cuba dont certaines sont des Ford anglaises comme cette Consul. (Photo Éric Descarries)
Les Chevrolet sont nombreuses car elles se sont beaucoup vendues à cette époque où l’argent était plus courant. Si la Mafia y exerçait une certaine influence, ce n’était pas tant elle qui achetait des autos de luxe que les habitants cubains qui pouvaient se payer des berlines à quatre portes de base.
Les Lincoln sont plutôt rares à Cuba, contrairement aux Cadillac. Toutefois, une Lincoln-Zephyr 1947-48, c’est encore plus rare, même en Amérique! (Photo Éric Descarries)
Si, dans la région de Varadero, il y a tant de cabriolets, regardez-y à deux fois. Plusieurs ont déjà été des coupés ou des berlines auxquels on a coupé le toit, une pratique qui était faisable à cette époque où les autos étaient montées sur des châssis rigides ( ce qui n’est presque plus possible aujourd’hui vu la configuration populaire de caisses autoporteuses).
Si certains cabriolets sont des coupés ou même des berlines au toit coupé, cette (rare) Dodge Custom Royal 1956 semble originale. (Photo Éric Descarries)
Ce cabriolet Edsel 1958 est un parfait exemple de voiture dont le toit a été coupé. On le voit par la partie du toit original qui reste juste derrière le haut du pare-brise! (Photo Éric Descarries)
Enfin, si vous croyez pouvoir acheter une vieille bagnole à Cuba et l’envoyer chez vous, préparez-vous à signer un gros chèque comme on a pu le voir à la télé à l’émission de José Gaudet et Guildor Roy. Un cabriolet Chevrolet 1955-56 en «pas pire» état s’y vendait plus de 25 000 $. À ce prix-là, vous en trouverez un superbe exemplaire bien restauré en Amérique du Nord!
C’est à se demander si cette MGA n’aurait pas mérité une restauration un peu plus professionnelle…ce qui est presque impensable à Cuba! (Photo Éric Descarries)
Ford contre Ferrari…hummmm!
Le film «Ford contre Ferrari» est toujours en salle au moment d’écrire ces lignes. Plus d’un m’a demandé si je l’avais vu et ce que j’en pensais…
Juste avant de m’envoler pour Cuba, j’ai joint un groupe d’amis dont la majorité était des vrais mordus de l’auto. Le but? Voir ce film et en discuter. Toutefois, avant ce visionnement, j’avais lu des critiques et j’avais entendu certaines remarques à la radio. Toutes étaient unanimes : «must see»! Mais avec un bémol. Si l’on connaissait vraiment l’histoire, il fallait faire fi de celle-ci, c’était un film hollywoodien…
J’ai regardé le film. Soyons honnêtes! Si vous ne connaissez pas la véritable histoire, vous aurez vu un beau film mettant en vedette la véritable amitié entre deux hommes. Mais ce n’est pas la véritable histoire de Ford contre Ferrari. J’ai plus de 70 ans et j’ai vraiment suivi les évènements à cette époque.
Ce que je n’ai pas aimé dans le film, c’est la distorsion de l’histoire. Oui, Ford voulait battre Ferrari. Mais en vérité, Ford, dont le programme de l’époque s’appelait «Total Performance» voulait tout gagner, du Daytona 500 aux 500 Milles d’Indianapolis (Jim Clark 1965) à la Formule Un (plus tard) en passant par le Rallye Monte Carlo (avec Falcon dans sa catégorie en 1964) et j’en passe.
Toutefois, ce n’est pas Carroll Shelby qui a débuté le programme GT40 mais la division anglaise de performance de Ford (Ford Advanced Vehicles) qui a failli en 1964 et 1965. Shelby a mis les Cobra au monde mais son apport à la Ford de Le Mans ne viendra qu’en 1966 avec l’aide de Holman and Moody (NASCAR)…mais cela est trop long à raconter.
Dans le film, Shelby fait peur à Henry Ford II en piste (ce n’est jamais arrivé!), Leo Beebe est un «méchant» (faux!), Ken Miles a un mauvais caractère…(hummm!…vrai!)…seul Phil Remington, le bras droit de Shelby semble réel! Puis, Shel’ mesurait plus de six pieds (je l’ai rencontré au moins cinq fois dans ma vie…c’est vrai!) et non cinq pieds sept pouces comme Matt Damon, l’acteur…
Il y a plusieurs anachronismes dans le film (dont une Cobra Daytona avec des roues de 17 pouces au lieu des 15 pouces de l’époque) mais c’est vrai que Shel’ se déplaçait avec son roadster 289 bleu.
Toutefois, le pire, c’est à la fin du film lorsque Ken Miles prend place à bord de ce que nous savons être le prototype J-Car avec lequel il allait se tuer au bout de quelques tours. Dans le film, il ne s’agit que d’un kit car GT 40 qu’on a légèrement modifié pour ressembler au J-Car (quand même…Hollywood ne manque pas de ressources pour modifier, ne serait-ce que légèrement, une réplique de GT40 en J-Car !) alors que la Mark VI finale n’est qu’une réplique de GT40 avec des «stripes» latérales mal reproduites. J’ai vu suffisamment de superbes répliques de MK-IV que Hollywood aurait pu en louer une au lieu de mal maquiller un kit car! Quentin Tarantino n’a fait aucune de ces erreurs chronologiques dans son film «Once upon a time in Hollywood!»!
Oh! C’est vrai que Henry Ford II était à la victoire des trois MK II aux 24 Heures de 1966 (et il y pleuvait, pas comme dans le film!) mais Enzo Ferrari? Non! Je pourrais continuer longtemps comme cela mais à la place, puis-je vous suggérer un livre (en anglais) sur la véritable histoire de la victoire de Ford en 1966? C’est «Ford versus Ferrari» de John Starkey que j’ai trouvé chez Chapter’s à Dorval pour la modique somme d’environ 25 $. Il est plus en image qu’en texte. Facile à lire ou à consulter! Sinon, il y a plusieurs autres livres expliquant la victoire de Ford sur le marché dont Go Like Hell. Hélas, je n’ai rien en français sauf le vieux tirage de «Le Duel Ford-Ferrari» des Éditions Marabout des années soixante.
Qu’importe, je trouve triste que l’on ait déformé cette merveilleuse histoire à ce point. Le film est «le fun» à regarder mais si l’on en connaît vraiment l’histoire, on ne s’y reconnaît pas. «Oscarisable»? Non! «Cars» (Bagnoles) en dessin animé y était plus crédible. OK, le film n’était pas destiné à des mordus de l’histoire automobile comme moi. Mais pourquoi ne pas y avoir apporté plus de détails?
Le livre Ford Versus Ferrari de John Starkey (avec plusieurs superbes photos historiques) vous donnera la véritable histoire de la lutte que le constructeur américain a menée contre le légendaire Italien… (Photo Éric Descarries)
Le blog d’Éric Descarries est disponible ici : https://blogueericdescarries.tumblr.com/