Il y a quelques jours, je vous ai parlé du Rallye d’Espagne, qui a vu Ott Tänak remporter son premier championnat dans la série WRC. J’y étais pour assister à mon premier rallye et j’ai envie de vous parler de cette expérience en tant que spectateur d’un tel événement de niveau international.
Un intérêt croissant pour le rallye
Depuis aussi longtemps que je me souvienne, j’ai toujours été fasciné par ces pilotes capables de rouler à fond sur des routes de campagne, sans toutes les mesures de sécurité associées à la course sur circuit routier. Malheureusement, le rallye WRC n’étant pas une discipline très populaire en Amérique du Nord, les réseaux de télévision sportive ne présentent pas beaucoup d’événements. J’ai donc continué à suivre la Formule 1 et d’autres types de courses plus populaires ici, tout en gardant un oeil sur le rallye de temps en temps. Dans les dernières années, avec la diffusion de plus en plus accessible sur le web et les applications mobiles, je me suis mis à suivre plus régulièrement le déroulement du championnat du monde de rallye (WRC).
Il était donc naturel pour moi de planifier un voyage pour voir de plus près ces pilotes et ces voitures, et en devenant un de ceux qui se tiennent le long du parcours, souvent dans une position précaire et pas toujours sécuritaire en cas de sortie de route (!). C’est ainsi qu’avec un groupe d’amis passionnés de course automobile, nous avons planifié un périple dans la région de Barcelone pour assister au rallye d’Espagne, un des plus courus du calendrier.
Pourquoi le Rallye d’Espagne?
La saison 2019 du WRC comporte 14 épreuves et le RallyRACC (le nom commercial du rallye d’Espagne) est le 13e de la saison, augmentant les chances d’y voir le couronnement d’un champion ou au moins une bataille serrée pour le championnat. De plus, c’est également le seul rallye qui se déroule sur des routes de gravier et d’asphalte, permettant ainsi de voir les pilotes sur les deux types de surface. Se rendre en Suède pour assister à un rallye sur la neige était aussi une option, qui était cependant moins attirante que le soleil de l’Espagne. Et la proximité de la ville de Barcelone, à moins de 100 km de Salou, quartier général du rallye, permettait aussi de prolonger le plaisir en visitant cette ville offrant beaucoup aux touristes. La fin d’octobre nous donnait aussi l’occasion de quitter la grisaille du début de l’hiver au Québec et de découvrir Barcelone sans la horde de touristes présents en période estivale.
Déroulement d’un rallye WRC
Pour ceux et celles qui sont moins familiers avec le rallye, il s’agit d’une suite d’étapes spéciales sur des routes de campagne choisies par les organisateurs de l’épreuve. Un rallye comporte généralement entre 15 et 20 étapes, pour un total d’entre 200 et 300 km. Normalement, chaque étape spéciale est utilisée deux fois dans une journée, afin de limiter les déplacements et de permettre aux spectateurs moins mobiles de voir les voitures plus souvent. Entre les étapes spéciales chronométrées se déroulant sur des routes fermées à la circulation, les voitures doivent se déplacer sur les routes publiques, parmi la circulation normale.
Une épreuve du WRC se déroule sur plusieurs jours et débute généralement le mardi et/ou le mercredi, avec les premières reconnaissances, à vitesse réduite dans des voitures de tourisme, dans la circulation habituelle. La journée du jeudi est réservée au «shakedown», une étape spéciale chronométrée de courte distance, qui permet aux équipes de finaliser la préparation des voitures et d’offrir aux spectateurs une première compétition entre les pilotes, avant le départ symbolique du jeudi soir. C’est le vendredi que l’épreuve commence officiellement et que le chronomètre fait foi de tout. Le samedi, les voitures se déplacent dans un nouveau secteur de la région accueillant le rallye pour de nouvelles étapes spéciales et le dimanche matin permet de terminer l’épreuve par quelques étapes spéciales et le «Wolf Power Stage», qui met un terme au rallye et qui permet aux pilotes d’accumuler des points-boni attribués selon le classement de cette étape spéciale particulière.
Les voitures retournent généralement au quartier général («Service Park») sur l’heure du midi. Au total, les mécaniciens peuvent travailler sur les voitures à trois reprises pendant la journée, pour un total de 90 minutes dans la majorité des cas (15 minutes le matin, 30 minutes le midi et 45 minutes en soirée). Au rallye d’Espagne, on donne plus de temps aux mécaniciens le vendredi soir puisque les configurations doivent être complètement modifiées entre le gravier et l’asphalte.
Les déplacements pendant la journée
Dans ma préparation pour le voyage, j’ai appris que d’assister à un rallye demande beaucoup de planification, en plus de l’étude de Google Maps, de Google Earth et des prévisions de circulation. Il faut aussi décider quelles étapes spéciales on veut voir et à quel endroit on veut y voir les voitures. Les trois étapes spéciales peuvent parfois être éloignées de plusieurs dizaines de kilomètres l’une de l’autre, en empruntant souvent de petites routes étroites et en passant dans de petits villages pris d’assaut par les amateurs. Il faut aussi s’assurer d’arriver sur place au moins 90 minutes avant le début de l’étape, pour avoir le temps de marcher jusqu’au point choisi après avoir stationné la voiture où on peut, parmi celles des autres passionnés de rallye. Il faut ensuite se trouver une bonne place et ensuite prendre son mal en patience. Les routes sont fermées à toute circulation piétonne 30 minutes avant le départ de la spéciale.
C’est donc dire qu’il est impossible d’assister à plus de deux spéciales par jour, considérant le temps de transit entre les deux spéciales choisies et les délais associés à la circulation plus intense, aux longues marches requises et il ne faut non plus négliger la difficulté de se trouver un endroit pour stationner sa voiture. Il faut donc prévoir que le réveil ne se fera pas à une heure qu’on considère raisonnable quand on est en vacances, si on veut pouvoir être au poste à temps pour le passage des voitures.
Il faut aussi accepter que l’achalandage sur les routes, entre deux spéciales ou au retour à la maison en fin de journée, peut parfois être plus difficile. Tout dépend de la configuration du rallye et de la région choisir, mais aussi des routes utilisées.
Zones-spectateurs ou secteur non-sécurisé?
On vient de le constater, assister à un rallye n’est pas l’équivalent d’assister à un concert au Centre Vidéotron. Il n’y a pas de siège réservé, pas de placier, et pas de stationnement balisé. Il faut se débrouiller par nos propres moyens. Par contre, ça veut aussi dire qu’il n’y a aucun coût pour être aux premières loges.
Malgré tout, les organisateurs du RallyRACC mettent à notre disposition sur leur site web un guide pratique pour mieux connaître les zones-spectateurs. Ces zones, généralement au nombre de 2 ou 3 par étape spéciale, sont souvent des endroits moins difficiles d’accès, offrant tout de même un bon point de vue sur quelques sections intéressantes du parcours. Détrompez-vous, on ne parle toujours pas de gradins, de toilettes ou de services de restauration. Il s’agit simplement de zones où les spectateurs se rassemblent pour le passage des voitures, et il faut encore stationner sa voiture dans des endroits parfois peu commodes et marcher quelques kilomètres pour atteindre la zone. Il s’agit parfois même de terrains privés, que les propriétaires acceptent de partager le temps d’une journée.
Comme recrue en tant que spectateur, ces zones sont des valeurs sûres. Elles deviennent une sorte de «tailgate», où certains passionnés demeurent toute la journée, avec leurs chaises de camping, leurs repas et leurs breuvages. Il y règne une belle ambiance. Cependant, puisqu’elles sont minimalement sécurisées pour éviter de malheureux accidents, nous sommes un peu plus éloignés de la trajectoire des voitures et notre liberté de mouvement est limitée.
Pour vivre pleinement le passage des voitures en se trouvant à quelques mètres d’elles lorsqu’elles avalent le bitume ou le gravier, il faut plutôt marcher hors de ces zones sécurisées et se trouver un secteur relativement sécuritaire, près d’une portion intéressante du parcours et où on ne se retrouve pas sur un terrain privé ou interdit de passage. Et c’est là que l’expérience des rallyes peut être utile. Lors de la deuxième journée, je me suis aventuré avec quelques amis dans un secteur moins sécurisé (et moins sécuritaire) et je dois dire que le «thrill» est tout à fait différent. Au lieu de simplement assister au rallye, on a un peu l’impression d’y participer. Évidemment, tout ça comporte des risques qu’il faut être capable d’assumer, et de contrôler dans la mesure du possible.
Et les voitures dans tout ça?
C’est bien beau, l’organisation physique mais les voitures dans tout ça? Le Rallye d’Espagne avait 55 voitures inscrites, dans toutes les catégories (WRC, WRC 2, WRC 2 Pro, WRC Junior, etc.). Toutes les voitures font le même parcours, séparées par 2 ou 3 minutes au départ de chaque spéciale. C’est donc dire qu’une spéciale peut être démarrée alors que la précédente n’est pas encore terminée, c’est comme un grand serpent de voitures de rallye sur les routes.
Et justement, il y a quelque chose de grisant lorsqu’on se déplace entre les spéciales sur les routes. Les voitures de rallye utilisent les mêmes routes que nous, empruntent les mêmes rond-point, passent dans les mêmes villages et font même parfois le plein à la même station-service. Se faire dépasser ou suivre Sébastien Loeb dans la campagne espagnole, ç’a quand même un certain quelque chose d’intéressant!
Sur le parcours des étapes spéciales cependant, pas question de se mêler aux voitures de M. Tout-le-Monde. Tout est fermé et les voitures WRC ont le loisir de se déplacer à toute vitesse. Et c’est ce que j’avais hâte d’expérimenter. Je dois cependant dire que j’ai été un peu déçu par l’intensité du spectacle, très différent d’une course sur circuit routier, où on peut voir les mêmes voitures repasser devant nous à tous les tours.
En rallye, le passage de chaque voiture, bien que spectaculaire, dure quelques secondes seulement. Et il faut alors attendre 2 ou 3 minutes pour en voir passer une autre. Et ainsi de suite pendant une heure ou deux. Sans compter la longue attente avant le début de la spéciale et le temps de transit pour se rendre à l’autre spéciale choisie dans l’après-midi.
Assister à un rallye, c’est donc beaucoup d’attente pour somme toute peu d’action. Certains pourraient être tentés de comparer ça à un match de baseball. Et ils auraient raison.
Mais justement, ça tombe bien, j’adore être dans les gradins pour voir un match de baseball. Et j’ai adoré être dans la campagne catalane pour voir passer les voitures de rallye. C’est une expérience que je suis très heureux d’avoir vécu. Ces voitures sont rapides, souples et terriblement robustes. Ces pilotes sont téméraires et talentueux.
Si j’avais à le refaire, ma planification pour le choix des emplacements de spectateur serait différente. J’oserais m’aventurer plus hors des zones-spectateurs «officielles» pour faire mon propre itinéraire et «vivre» le rallye de l’intérieur, malgré les risques un peu plus élevés et l’effort physique sûrement plus important.
En attendant la prochaine fois, je suis heureux d’avoir pu vivre ces moments, d’avoir vu le sacre d’un nouveau champion en Ott Tänak et d’avoir pu entendre ces bolides, autant sur le gravier que sur l’asphalte. Aussi d’avoir été sérieusement aspergé de poussière lors du passage des voitures dans la région de Caseres. La course automobile est une passion très variée. Je suis heureux d’avoir goûté à une nouvelle saveur.