Je dois vous avouer quelque chose : avant de jouer au jeu NASCAR 25 sur ma PS5, je n’avais aucune idée qui était Rita Goulet. Mais une fois que j’ai découvert son histoire, je me suis dit qu’il fallait absolument que je vous en parle. Au début, je croyais qu’il y avait un développeur québécois qui avait utilisé le nom de sa belle-mère parce qu’il manquait de nom de pilotes dans le jeu. Dépassé une voiture avec comme titulaire « Rita Goulet » saisie.
Quand on parle de parcours inspirants dans le monde de la course automobile, il y en a un qui mérite vraiment qu’on s’y attarde : celui de Ritamarie Goulet, mieux connue sous le surnom « The Racing Cop ».
Une policière qui court dans la série ARCA Menards. Si cette combinaison vous semble inhabituelle, attendez de connaître son histoire. Parce que Rita Goulet, c’est la preuve vivante que peu importe d’où tu pars, tu peux te rendre loin.
Un parcours hors du commun
Rita est née en 1983 à Pawtucket, Rhode Island, dans une cellule familiale luttant contre la pauvreté, la maladie mentale et la dépendance. À 11 ans, elle déménage en Alaska avec sa famille. C’est là que les choses se compliquent sérieusement. À 15 ans, ses parents divorcent. À 16 ans, elle est expulsée de chez elle et se retrouve dans un refuge pour sans-abri.
La plupart des jeunes dans cette situation ne s’en sortent jamais. Ils tombent dans la drogue, la criminalité, ou disparaissent simplement dans les statistiques des services sociaux. Mais Rita refuse de perdre. Elle survit, elle travaille, elle économise chaque dollar.
Le 11 septembre 2001 change tout. Cette jeune fille de 18 ans, toujours sans domicile fixe, travaille à temps partiel dans une attraction touristique à Anchorage. Elle voit les tours jumelles s’effondrer à la télévision dans la salle de pause du refuge. Tout ce qu’elle veut, c’est rassembler l’argent qu’elle a et aller là-bas pour aider. Mais elle réalise qu’elle n’a aucune compétence qui pourrait servir. Ce jour-là, elle jure de ne plus jamais être dans une position où elle serait impuissante.
Elle s’inscrit dans une école professionnelle pour devenir assistante médicale, puis complète sa formation paramédicale à Tuscaloosa, Alabama. Elle exerce ce métier pendant cinq ans, répondant aux urgences, sauvant des vies. Mais elle réalise quelque chose de frustrant : elle arrive toujours après le drame. Elle voit les victimes d’accidents causés par des conducteurs ivres, les femmes battues par leur conjoint, les enfants maltraités. Elle veut intervenir avant que le pire ne se produise.
En 2011, elle joint le « Tuscaloosa Police Department » comme sergent. La transition n’est pas facile. Comme policière, elle doit apprendre rapidement qu’il y a des gens qui vont la blesser juste parce qu’elle porte un badge. Elle doit apprendre à passer de la persuasion verbale à l’usage de la force appropriée quand c’est nécessaire.
Pour joindre les deux bouts, Rita cumule cinq emplois : policière sergent, agente de sécurité dans une école le lundi matin, gardienne de sécurité dans un complexe d’appartements les lundis et mardis soir, sécurité à l’hôpital les jeudis soir, et employée dans un bowling les fins de semaine. Cinq emplois. Parce que c’est ce qu’il faut faire pour survivre, rembourser ses dettes, et avancer dans la vie. Aujourd’hui, elle travaille pour le « Gastonia Police Department » en Caroline du Nord, où elle patrouille les rues la nuit.
La liberté à 200 km/h
L’histoire de Rita avec la conduite automobile est intimement liée à sa quête de liberté. Elle n’avait pas beaucoup de liberté quand elle était enfant. Quand elle est devenue sans-abri à 16 ans, elle n’avait pas de permis de conduire. Elle dépendait des autres pour tout : se rendre au travail, aller à l’école professionnelle, même pour aller chercher de la nourriture.
Rita apprend à conduire qu’à 23 ans. Un pas énorme vers la liberté. Elle ne dépend plus de ses amis ou de son conjoint pour faire des choses de base comme aller au magasin ou se rendre au travail. La première voiture de sa famille était une Subaru wagon de 1983 qui était, selon ses propres mots, plus de rouille que de voiture. Sa première voiture personnelle? Une Mazda Miata jaune 1992, à transmission manuelle. Personne ne pensait qu’elle pouvait apprendre à conduire une manuelle. Bien sûr, elle a prouvé qu’ils avaient tort. L’habileté technique pour apprendre à changer de vitesse lui plaît énormément.
En 2018, à 35 ans, elle découvre l’autocross dans un stationnement. Le déclic est immédiat. Elle transforme sa Miata en voiture de course en enlevant tout l’intérieur et commence à courir dans la SCCA (Sports Car Club of America) en 2019, principalement sur des circuits routiers.
En 2020, elle gagne quelques courses. Elle réalise qu’elle est bonne. Vraiment bonne. Après avoir regardé de vieilles courses NASCAR, elle prend une décision audacieuse en 2021 : elle vend sa Miata, sa remorque, tout son équipement, pour acheter un stock-car Chevrolet SS de 2014 d’occasion. Elle va tenter sa chance dans le monde professionnel du NASCAR.
Rise Motorsports : Une équipe née d’une rencontre
En 2022, Rita fait ses débuts dans la série ARCA Menards avec « Clubb Racing Inc ». C’est lors de cette première saison qu’elle rencontre Tim Goulet, membre d’équipe qui travaille dans le monde de la course depuis des années. Ils discutent, partagent leurs expériences, et réalisent qu’ils ont le même rêve fou : posséder une équipe dans la série ARCA.
La plupart des gens diraient que c’est impossible. Ça coûte des centaines de milliers de dollars pour faire rouler une équipe ARCA pendant une saison. Mais Rita et Tim ne sont pas la plupart des gens. Ils décident de foncer.
Ils se marient le 1er janvier 2023 et fondent ensemble « Rise Motorsports », un nom qui résonne profondément avec le parcours de Rita. « Rise » signifie « s’élever » en anglais. Rita s’est élevée de la pauvreté. Elle s’est élevée de l’itinérance. Elle s’est élevée de la violence conjugale. Et maintenant, elle s’élève vers ses rêves sur les circuits NASCAR.
« Rise Motorsports » est une petite équipe qui fonctionne avec le cœur, l’acharnement et la débrouillardise. Rita travaille à temps plein comme policière de nuit à Gastonia. Tim est la force principale derrière l’équipe, gérant la logistique, les réparations, les commandites. Pour financer leurs propres courses, ils louent leur voiture à d’autres pilotes les fins de semaine où Rita ne court pas. Chaque dollar compte. Chaque commanditaire est précieux.
Ils vivent maintenant à Denver, Caroline du Nord, avec les deux enfants de Tim issus d’un mariage précédent. C’est une famille recomposée qui partage une passion commune : les courses automobiles et le service à la communauté.
Une mission : SupportThePolice
Rita ne court pas uniquement pour le plaisir de la compétition ou pour tenter de se frayer un chemin vers les séries supérieures du NASCAR. Elle a une mission. Son bolide numéro 31 arbore fièrement les couleurs de la « National Police Association ». En 2025, elle a couru à temps plein dans la série « ARCA Menards East », huit courses sur différents types de circuits avec un message clair peint sur sa voiture : « Support the Police ».
Pour Rita, chaque tour de piste est une occasion de représenter les forces de l’ordre, de rappeler au public les sacrifices que font les policiers chaque jour. La « National Police Association », sans qui elle ne pourrait pas courir selon ses propres mots, soutient les policiers à travers le pays, finance des gilets pare-balles pour les chiens policiers, et défend les intérêts des agents de la paix.
Chaque course devient aussi une occasion d’éduquer le public sur le travail policier. Rita raconte qu’avant et après les courses, des gens viennent lui raconter leurs histoires avec la police. Certains sont d’anciens policiers ou ont un proche qui l’est. D’autres ont des griefs, des questions sur pourquoi la police a fait ceci ou cela. Rita prend le temps d’expliquer, de manière calme et non conflictuelle, les procédures policières, les raisons derrière certaines interventions. Elle voit dans ces conversations une chance incroyable d’éduquer les gens sur ce qu’est vraiment le travail policier, au-delà des clips vidéo sur les réseaux sociaux.
Au-delà des chiffres
Soyons francs et honnêtes : Rita n’a pas encore remporté de victoire dans la série ARCA. Zéro victoire. Zéro top-10. Zéro pole position. Son meilleur résultat au championnat? Une huitième position dans la série ARCA Menards East en 2024.
Mais Rita est la première à mettre les choses en perspective. La plupart de ses compétiteurs sont de jeunes pilotes dans la vingtaine qui ont derrière eux des équipes avec des centaines de milliers de dollars de financement. Ils ont le meilleur équipement, les meilleurs ingénieurs, les meilleures pièces. Ils tentent de se frayer un chemin vers les trois séries principales du NASCAR et ils n’ont pas beaucoup de patience pour une recrue d’âge mûr qui apprend encore les subtilités du stock-car sur ovale.
Rita s’est perfectionnée dans l’art de rester hors du chemin des pilotes plus rapides, de laisser passer les leaders quand ils rattrapent le peloton. Mais elle rêve du jour où elle pourra être compétitive, où elle pourra suivre leur rythme. En attendant, elle est juste ravie de pouvoir participer, et à chaque course, elle essaie de faire un petit peu mieux que la fois précédente.
Deux carrières, une philosophie
Quand on lui demande ce que la police et la course automobile ont en commun, Rita répond sans hésiter : la confiance en soi. Sur la piste comme dans la rue, tu dois croire en tes capacités. Tu dois prendre des décisions en une fraction de seconde dans des situations incroyablement stressantes. Tourner à gauche ou à droite pour éviter un accident? Utiliser la force ou continuer la négociation verbale?
Il y a aussi un autre point commun moins glorieux : les gens peuvent être assez cruels sur Internet. Quand tu fais une mauvaise course et que tu finis dernière, les commentaires fusent. Quand une intervention policière est filmée et partagée sans contexte, les critiques pleuvent. Apprendre à ignorer les guerriers du clavier qui jugent sans connaître toute l’histoire, à se concentrer sur faire de son mieux dans les deux domaines, ça a été une compétence importante à développer.
En conclusion
De sans-abri à 16 ans à pilote NASCAR et sergent de police. De victime de violence conjugale qui n’avait pas le droit de conduire à propriétaire de sa propre équipe de course. De quelqu’un qui a appris à conduire à 23 ans à quelqu’un qui roule à plus de 200 km/h sur les circuits ARCA en représentant fièrement les forces de l’ordre.
Rita Goulet incarne parfaitement l’idée que le gagnant n’est pas celui qui a la voiture la plus rapide ou qui vient de la famille la plus riche. C’est celui qui refuse de perdre. Celui qui se relève après chaque coup dur. Celui qui transforme chaque obstacle en tremplin.
Voilà comment un jeu vidéo m’a permis de découvrir une histoire qui mérite d’être connue bien au-delà des circuits NASCAR. Une histoire qui nous rappelle que peu importe d’où on vient, on peut décider où on va.
Que les dieux bénissent les rois de la course et Rita Goulet !







