Le point de départ, pour moi, pour la prise de photos des courses sur terre battue va toujours demeurer le Stadiaume de Saint-Guillaume. J’y ai donné mes premiers pas et l’aspect mythique de l’endroit me donnait le goût d’y revenir à chaque dimanche. Je vais toujours garder de très bons souvenirs de la piste en espérant, même si c’est dans mes rêves les plus fous, qu’elle revienne dans le portrait des courses un jour. Comme pour toutes les autres pistes, le «House of Dirt» figurait dans le plan des sorties familiales pour les familles qui carburaient au son des moteurs et qui voulaient passer une belle soirée. Les estrades, la proximité avec les puits et les pilotes rendaient le rendez-vous spécial. Un des pilotes que j’ai appris à connaître au fil du temps est le pilote du Sportsman #20, maintenant depuis quelques années en Lightning Sprint, Étienne Arpin. La fierté de Saint-Guillaume a accepté sans aucune hésitation la collaboration pour nous raconter son histoire. Alors, c’est parti!

Vous avez tous un point de départ différent et le cheminement de chacun l’est tout autant. Étienne a commencé à faire ses premiers tours de piste avec son sportsman et a décidé de faire la transition en 2022 vers un Lighning Sprint. Il aura fallu plusieurs courses pour ce dernier avant de trouver ses repères et avoir une ligne de course gagnante. Cela dit, il n’a pas lâché le morceau et a continué son apprentissage. Après avoir connu une saison 2023 plus que satisfaisante, l’an dernier a été un peu plus difficile avec quelques malchances mais, au final, sa troisième place au championnat est venue mettre un baume sur la saison: «Ça relativement bien été! Moins performante que ma saison 2023, mais tout de même satisfait des résultats. Quelques badlucks pour le moteur et mauvaises décisions de setup, mais tout de même j’ai réussi à trouver une constance et j’ai terminé 3e au championnat de la série et du RPM. Je ne peux pas cracher là-dessus. On s’est bien amusés».
La mécanique peut nous lâcher à tout moment et personne, même les meilleurs de la profession, n’est à l’abri d’une défaillance qui peut venir mettre fin à votre soirée de course. Il faut savoir se retrousser les manches et continuer de se présenter aux courses et de ne pas se décourager. Le fait d’avoir terminé sur le podium au cumulatif me fait dire qu’Étienne n’a jamais baissé les bras.
La progression pour se bâtir une carrière en course automobile peut prendre différentes tangentes et le choix n’est aucunement discutable. À un certain moment, je présume que le pilote fait un examen de conscience pour ainsi évaluer ce qui est de mieux pour lui. Une sorte de projection dans l’avenir. Je crois que d’avoir fait le saut en Lightning Sprint a été plus que bénéfique pour Étienne parce que les bonnes performances se sont mises à s’accumuler. Cependant, au début, Étienne m’a parlé de confiance comme point numéro un à travailler envers sa nouvelle voiture pour devenir confortable derrière le volant: «Je te dirais que c’est vraiment la confiance envers la voiture. Le transfert de poids d’un sportsman est totalement différent d’un LS. La traction se fait également du côté gauche de la voiture dans une courbe et il faut que tu aies confiance au principe de Wing. Tu peux vraiment rentrer dans le coin à toute vitesse sur une piste sèche et l’auto reste bien accrochée si tu es bien ajusté».
Je ne peux pas dire si ses années d’expérience en sportsman lui ont rendu la tâche plus facile, mais force est d’admettre que la chance lui a souri parce qu’il connaît, à mon avis, ses meilleurs moments, présentement.
Quand tu as connu les Sportsmans depuis que tu as mis les pieds sur une piste de terre battue, il va sans dire que lorsque tu décides, une bonne journée, de faire un virage à 360 degrés, les souvenirs vont immédiatement refaire surface. Le mythique endroit a de quoi laisser les gens avec la tête pleine de bons moments quand vient le temps de se remémorer une super course ou encore une belle victoire. Quand j’ai questionné Étienne à savoir s’il s’ennuyait de ses courses en sportsman, ce sont plutôt les souvenirs de l’endroit au lieu ses propres courses qu’il s’ennuit le plus: «C’est sûr que c’était une belle expérience. J’ai vraiment aimé courser avec mon père, mais je crois que ce que je m’ennuie le plus de ces années-là, ce sont les beaux souvenirs que j’ai de l’autodrome à Saint-Guillaume que de réellement courser en sportsman».

C’est fou de voir comment notre mémoire peut classer nos souvenirs. Non seulement le «House of Dirt» marque l’imaginaire des gens, mais prend le dessus sur les courses elles-mêmes. Je ne vois pas d’autres pistes de course au Québec avoir autant d’impact de cette façon-là. C’est le constat que j’en fais à la lumière des propos d’Étienne.
Il y a seulement dans le film Retour vers le futur que l’on peut revenir en arrière parce que je ne sais pas ce que je donnerais pour vivre une course ou simplement faire quelques tours de piste avec mon père. Étienne a eu l’immense plaisir et je pousserais encore plus loin en disant l’honneur d’être sur le même terrain de jeu que son père à chaque dimanche: «Dans ces années-là, j’étais vraiment plus en apprentissage qu’en compétition, mais j’ai pu vivre plus l’expérience de courser contre mon père en LS. Il avait pris le volant à quelques reprises d’une des voitures à Raphael Neiderer. C’est pour nous deux une passion et c’était vraiment plaisant de partager ça avec lui, autant dans le garage que sur la track».
Le fils dans le feu de l’action avec son père ou simplement en train d’échanger sur leur course en déchargeant le stock dans le garage aux petites heures du matin vaut tout l’or du monde. C’est bien souvent ce qui reste le plus imprégné dans notre petite tête.
L’aventure rocambolesque en course automobile a bien dû commencer à quelque part. C’est un parcours en montagne russe parce que le chemin emprunté pour se rendre au sommet, peu importe la classe, est parsemé d’embûches. Pour Étienne, c’est un conte de fée qui n’a pas cessé de grandir: «Les courses et moi, c’est une histoire d’amour depuis longtemps. Je me souviens d’être allé tout jeune aux autodromes avec mon père et finir par m’endormir dans les estrades. Disons que j’ai passé la majorité de mes fins de semaine de ma vie aux courses. Mon père avait commencé à courir en sportsman en 2012 jusqu’à 2020 et je l’ai toujours suivi. Mais la piqûre a pris vraiment quand j’ai fait mes débuts en sportsman à St-Guillaume, de 2018 à 2021. J’ai pu vivre mon rêve d’adolescent dans mon village. Après ça, je n’avais pas les moyens pour acheter une voiture performante en sportsman et aller courir à Drummond par exemple. Donc, je me suis tourné vers les Lightnings Sprint en 2022 et je ne regrette vraiment pas mon choix. Le plus important des courses, pour moi, a toujours été d’avoir du fun à y aller et c’est clairement ce que la « famille » des LS m’apporte».
La piste de Saint-Guillaume a cessé ses activités depuis quelques années déjà. C’est dommage parce qu’il ne peut continuer son rêve de courser dans son patelin, mais les souvenirs qui sont demeurés dans sa mémoire sont beaucoup plus forts que tout le reste.
Pour avoir autant de longévité en course automobile, il faut forcément être attiré vers quelque chose. Il ne suffit pas d’avoir seulement un but en début de saison et d’essayer de l’accomplir en cours de route. Je crois avoir une petite idée: une fois assis derrière le volant, il n’y a plus rien autour. Le pilote est dans son monde et advienne que pourra, une fois rendu sur la piste. Les courses automobiles demandent un effort constant d’apprendre pour améliorer la voiture et c’est une des facettes qui fait en sorte qu’Étienne est toujours sur les pistes: «C’est vraiment un mélange de tout, autant l’adrénaline que ça apporte que le côté mécanique et perfectionnement. Dans le monde de la course, il y a beaucoup à apprendre et de jus de bras pour être performant. J’ai toujours été une personne de défi et le monde des courses englobe beaucoup de choses».
Quand les courses nous tiennent réveillés à ce point-là, il devient difficile de s’endormir. Une fois la soirée terminée, on retourne à la planche à dessin et on recommence pour la prochaine course.
Malgré les longues heures passées dans le garage à réparer la voiture et à la mettre en ordre pour le prochain week-end, la concentration doit être à son maximum pour maximiser la performance. À première vue, le fait de fermer les yeux quelques secondes avant une course peut paraître banal, mais a sa grande importance. De son propre aveu, ce petit moment peut faire toute la différence: «Pour ma part, c’est vraiment un moment de concentration. On ne prend pas vraiment le temps de se concentrer sur soi et de se « minder » avant une finale. On met toute notre énergie sur la voiture pour qu’elle soit performante et ce petit moment fait oublier tous les problèmes et être focus à ne faire qu’un avec la voiture. Par expérience, si vraiment tu n’es pas concentré ou que tu n’as pas de « planning » dans ta tête avant de commencer une course, tu vas juste suivre le trafic et pas être concentré à aller chercher les fractions de seconde de moins au tour».
Je ne dis pas que même concentré à 200%, il ne t’arrivera rien, mais disons que tu mets toutes les chances de ton bord pour minimiser le risque.
Le danger qui guette les pilotes à chaque virage, à chaque coup de pédale est omniprésent. Étienne a été victime d’un grave accident en 2023 qui a laissé passablement de dommages sur la voiture. Il y avait de quoi laissé des traces, pas seulement psychologiques, mais également physiques. À la suite de l’accident, Étienne a réalisé à quel point il a été très chanceux de s’en sortir sur ses deux jambes et que le sport qu’il pratique comporte un risque élevé de danger: «Je ne dirais pas que j’ai peur, mais je suis très conscient que ça peut arriver n’importe quand. Dans les LS, on est plus à risque c’est sûr et tout le monde est conscient et on se respecte sur la piste pour ne pas que ça arrive. Mais c’est sûr que mon accident de 2023 m’a porté à des réflexions. Autant qu’il faut avoir confiance aux autres sur la piste, qu’il faut que tu aies confiance en ta voiture pour ne pas avoir peur. Quand j’ai vu que le frame avait sectionné à la base de mes pieds, j’ai réalisé à quel point notre sport peut être dangereux. On se croit invincible quand on met notre casque, mais c’est loin d’être le cas».
Il aurait pu rester avec un doute constant dans son esprit pour le restant de ses jours, mais il a décidé de continuer d’avancer. Tu as toute mon admiration.
C’est connu que lorsqu’un événement épouvantable nous frappe, il est préférable d’immédiatement remonter en scelle. Quelqu’un qui tombe pendant une balade à cheval doit aussitôt y retourner pour y effacer le doute dans son esprit. Ça relève du domaine de la psychologie. Bien sûr, le temps de laisser guérir les petits bobos, mais dès que le corps nous donne le signe qu’il est ok pour recommencer à courser, il faut sauter sur l’occasion. Pour Étienne, oui, il va toujours rester une certaine méfiance par rapport à ce qui s’est passé, mais jamais au point de l’éloigner des pistes de course: «La crainte n’est pas restée autant longtemps que j’aurais pensé. La cause de mon accident était due à une mauvaise inspection mécanique. J’avais une mousse sur le dessus des bolts de mon steering et elles se sont desserrées progressivement. Je les regarde à chaque course maintenant. (rire) Mais plus sérieusement, oui c’est sûr que j’y pense à chaque course à Drummondville, mais pas de là à avoir une crainte et à me déconcentrer ou nuire à une course».
Il admet, en quelque sorte, sa faute et je sens dans ses propos une touche d’humilité. Il a sauté dans le train dès qu’il a repassé et le voilà reparti pour une autre saison de course.
On est qu’à quelques jours du début de la saison. Comme la journée de pratique à l’autodrome Drummond a été annulée, les équipes vont devoir redoubler d’effort pour faire en sorte que leur voiture soit prête pour les premiers tours de piste. Malheureusement, Étienne me mentionnait que l’on risque de moins le voir en piste durant l’été en raison de la pleine expansion de son entreprise et les sacrifices à faire sont visiblement très nombreux. Le championnat 2025 est alors mis de côté, mais la motivation ne semble pas l’avoir laissé pour autant et le désir de remporter des courses est toujours présent: «Mon envie de gagner reste la même. Alors si mes présences sont moins nombreuses, je suis autant plus motivé à performer lorsque je serai sur la piste. Mais ce serait surtout de me perfectionner sur les ajustements de la voiture pour avoir une bonne constance. Je n’ai pas eu de victoire l’année passée et je vise bien me rattraper cette saison».
On sait qu’il est capable d’amener son bolide en avant et d’y rester. Raison de plus pour venir le voir courser quand il y sera. Ses priorités ont changé et c’est tout en son honneur de vouloir jumeler ses deux passions.
Bonne saison #20x