Steve Dubois: l’homme de la tour.

Crédit photo : Pierre Chamberland

Il est important de ne pas juste me concentrer sur les pilotes et leurs familles. Certes qu’elles ont un rôle primordial dans le succès de leurs préférés, mais il y a tellement plus de gens d’impliqués dans la réussite d’une soirée de course qu’il faut s’y attarder le moindrement. Il y aura toujours des gens à la pensée négative pour critiquer le travail des promoteurs ou encore des signaleurs qui se débattent comme des diables dans l’eau bénite pour que le sport reste bien vivant et qu’il demeure en santé. Dernièrement, on a annulé le programme d’ouverture au RPM Speedway en raison des caprices de Dame-Nature. En espérant que ça ne soit pas encore le même scénario que l’an dernier qui se répète parce que j’en connais plusieurs qui vont se dire: pas encore! On voit à travers les réseaux sociaux que le travail de préparer une piste sur la grosse coche n’est pas une mince tâche. La moindre petite anicroche peut venir anéantir tous les espoirs qu’ils avaient mis dans la présentation d’un programme de course. Non seulement les promoteurs se doivent d’avoir un équipement prêt et en ordre pour que leur «track» le soit également.

Mis à part tout ça, ils se doivent de se bâtir une équipe pour que le fonctionnement d’une soirée de course roule rondement. J’ai consacré du temps avec Julien Bessette qui me parlait du travail que les remorqueurs ont à faire et qui sont au cœur de l’action. Il y en aura d’autres éventuellement sur ceux et celles qui meublent une soirée de course et qui travaillent dans l’ombre. On n’en parle pas assez souvent, mais pourtant, ils ont aussi un travail important à accomplir. Un de ceux-là est le «flagman» en chef. Je comprends que le directeur de course et lui sont en étroite communication, mais il se doit tout de même d’avoir des yeux tout autour de la tête pour être certain de ne rien manquer de l’action.

        

Je connais Steve depuis maintenant quelques années et je dois me rendre à l’évidence qu’il est un véritable passionné. Armé de ses drapeaux et de sa fougue, il ne laisse personne indifférent quand il est dans sa tour. Une fois installé bien confortablement avec le drapeau vert en main, il attend que tous les pilotes soient côte à côte dans la courbe numéro quatre pour lancer les hostilités. Une discussion franche avec celui qui sera le nouveau signaleur en chef à l’autodrome Drummond en 2024 et que l’on surnomme affectueusement: «The Wood». Les gens de Thetford Mines ne seront pas en reste parce qu’il sera également de la partie pour cinq programmes de course durant l’été. 

         Quand on est animé par une passion quelconque, il n’y a rien au monde qui peut nous enlever ce qui nous fait vibrer à chaque fin de semaine. Steve baigne dans le domaine des courses depuis plusieurs années. Malgré une aventure de très courte durée en course de VTT, il a dû emprunter une autre direction s’il voulait rester dans le domaine des courses:

«Moi, je commence cet été, ça va faire ma 24e saison que je suis dans le domaine des courses. Ça remonte à v’la ben des années. J’ai été courseur de VTT. Ça duré trois courses. J’ai eu un accident. Je suis chanceux de marcher. Je suis censé être paralysé. Après ça, je me suis recyclé en officiel. J’ai commencé en 2004-2005. Non, ça remonte à ben des années pis même on pourrait pousser ça. Ça remonte avant même ma naissance. Ma mère était enceinte de moi pis à tous les samedis soirs, elle était dans les estrades à Drummond».

J’en connais plusieurs qui auraient abandonné le projet de rester dans l’entourage des courses automobiles après être passé à deux doigts de la paralysie. Il a trouvé une autre avenue pour y demeurer. Cela démontre une résilience hors du commun et on se doit de lui lever notre chapeau. Tu as toute mon admiration mon chum.

         Je ne peux dire d’où me vient réellement la passion pour la photographie sportive. Un cousin du coté de ma mère en fait, mais ce n’est pas du tout le même style de photo que celui que je pratique. Comme j’avais des amis qui faisaient des courses de motoneige l’hiver et de motocross l’été, j’ai décidé de l’essayer. Visiblement, j’ai adoré l’expérience parce que j’en fais toujours. En continuant la discussion avec Steve, c’est sensiblement le même constat que j’en ai fait parce que, mise à part sa mère qui était une spectatrice assidue des courses le samedi soir à Drummond, aucun autre membre de sa famille a fait de la course ou n’a même jamais touché à des chars de course. Petite parenthèse! Il est très surprenant que mon frère ne soit pas devenu pilote ou mécanicien d’une équipe de course parce que ma mère a déjà coursé enceinte de lui. 

         Le fait de constater qu’il était à toute fin pratique le seul à graviter autour du monde des courses sans avoir un véritable passé dans le domaine, ça m’a donné une raison de plus pour tenter de comprendre qu’est-ce qui explique son attirance envers la course automobile.  Comme la majorité d’entre vous, c’est l’adrénaline qui figure en tête de liste:

«Pour ma part, moi je te dirais l’adrénaline que ça me procure quand j’embarque mettons sur mon quatre-roues l’hiver quand je course. Le sentiment de liberté, le dépassement de soi! La course sur terre battue, je sais pas, c’est un «thrill». C’est le fun à voir. Moi, j’aime ça. C’est de quoi de spécial pareil. T’as des chars… c’est des fous, des fous qui pèsent sur l’gaz pis qui roulent pis rentrent dans l’coin side by side sur le brock side. D’où ce que ça me part cette manie-là, cette passion-là, je ne pourrais pas te le dire. J’ai toujours aimé les bébelles. J’ai toujours aimé ça. La meilleure réponse serait ça. Je pourrais quasiment dire que je suis né là-dedans. Je ne vois pas d’autres choses que ça. C’est une passion. C’est une autre famille aussi que tout le monde se connaît. C’est assez grandiose».

Je confirme que c’est un sentiment assez spécial que d’entendre son nom quand on se présente sur les différents sites de course. De voir les gens te saluer et de prendre la peine de te dire merci pour les photos et le travail que tu fais, c’est très valorisant. Pour revenir à Steve, il est animé par un désir de se surpasser à 200% dans sa tour. Je peux témoigner qu’avec toute l’énergie qu’il dépense à agiter ses drapeaux, c’est un show en soi de le regarder aller. Ce n’est pas le changement de piste ou un environnement différent qui va changer quoi que ce soit dans sa manière de faire.

         À chaque fois que je me présente aux courses, je vois toujours Steve faire sa petite tournée dans les paddocks. Est-ce que c’est une démarche, en tant que signaleur en chef, qu’il s’impose pour faire respecter certains règlements lors de la soirée ? Des pilotes à surveiller ? Pour ce dernier, il est important de faire sa petite promenade pour être certain que tout le monde soit sur la même page:

«Non… ça pas rapport avec ça. C’est sûr que là, cette année, les gars à Drummond ne me connaissent pas. C’est beaucoup plus professionnel de qu’est-ce que l’on avait à Thetford, East Broughton. Saint-Guillaume, c’était professionnel aussi, mais j’avais certaines classes où c’était rock’n’roll. Je vais faire une tournée dans les pits pour dire salut, voir qui est là. Pour me donner une idée… bon, ok lui, va falloir que je le surveille. Faut je dise au directeur, eux je les connais pas mal. Je les ai vus dans le passé. Je fais une run de même dans l’pit, c’est pour dire salut, serrer des mains, comment ça va pis bonne journée pis that’s it».

Je n’ai aucun doute dans mon esprit que, même s’il fait une simple tournée pour dire salut aux équipes présentes pendant un programme de course, sa présence est amplement suffisante pour imposer le respect, sinon il y aura des conséquences. 

         The Wood est maintenant bien assis dans le siège du conducteur pour diriger une soirée de course. Il est les yeux et les oreilles de tous les pilotes qui sont sur la piste et qui ne verront peut-être pas le danger arrivé. On s’entend pour dire qu’une soirée où la piste est très glissante et beaucoup poussiéreuse, il devient primordial d’avertir les pilotes qu’il y a un accident dans la courbe numéro deux et qu’ils doivent lever le pied. Cela dit, pour simplifier sa tâche, il est en constante communication avec son directeur de course. Il faut donc que le courant passe bien entre les deux hommes pour que les bonnes décisions soient prises:

«La relation avec le directeur de course faut que ça soit une relation de confiance, de confiance aveugle. Il prend la décision, tu le suis. Les décisions, ce sont les directeurs de course qui les prennent. Mais, en théorie, le signaleur a son mot à dire. Hey, j’ai vu telle affaire, telle affaire, peux-tu checker un œil là-dessus. Selon moi, ça mériterait qu’on fasse de quoi: soit le placer en arrière, soit le disqualifier. Le directeur de course, c’est lui… Dans la norme, c’est le directeur de course qui a le dernier mot». 

         Je ne sais pas si je peux parler de bonnes décisions ou de décisions controversées aux yeux de certains en général, mais il est impossible de plaire à tout le monde. Surtout si les gens réagissent sur le coup de l’émotion. Ce n’est jamais une bonne chose à faire parce que l’on est aveuglé par ce qui vient de se passer. On n’est aucunement en bonne posture pour faire valoir notre point de vue. Il est mieux de laisser retomber la poussière et d’analyser, à froid, pourquoi on a été remis à l’arrière du peloton ou que l’on doit retourner dans les puits. J’ai demandé à Steve s’il était important pour lui, voire nécessaire, de se construire une sorte de carapace pour combattre les mauvais commentaires et sa réponse a été très claire:

«C’est sûr! Ça, c’est sûr qu’il faut que je me fasse une carapace. Le gars que tu vas jaser en bas de la tour ou pas d’uniforme, c’est Steve Dubois. C’est moi. C’est ma vie. Le gars qui est «low profil», qui est gêné, qui regarde ce qui s’passe pis qui veut pas être le premier vu. Je ne suis pas ce personnage-là. Quand j’embarque dans mon rôle de signaleur avec mon uniforme pis j’embarque dans ma tour en haut, là je suis comme sur le spot light. C’est le personnage. J’ai une job à faire. J’ai pas l’choix de me faire une carapace. Les gars… le monde qui vont chialer sont pas en maudit après Steve. Ils sont en maudit après The Wood, le signaleur. Oui, j’me fais une carapace pis je suis capable de faire la part des choses».

Je voulais lui demander pour quelles raisons précises un pilote avait reçu un drapeau noir et à lui de m’avoir répondu qu’il s’en souvenait plus. Je le comprends de faire un sorte de «reset» pour repartir à zéro à chaque départ.

         Je l’ai mentionné à quelques reprises, mais d’où lui vient le surnom de «The Wood» ? «Nom de famille. Hihhiih traduis en anglais». J’adore! Il n’est pas forcément obligatoire de chercher midi à quatorze heure pour trouver le surnom qui «fit» parfaitement avec sa personnalité.

«Quand tu vas aux courses, tu parles de Steve Dubois, y’a gros du monde qui savent pas c’est qui, mais tu parles de The Wood, là par exemple. Ils savent un ti peu plus. Mon nom est fait! Ma réputation est faite avec le nom The Wood. Les animateurs disent Steve «The Wood» Dubois».

C’est vraiment frappant de voir les deux personnalités, complètement différentes se présenter aux courses. Une personne très expressive et fougueuse dans son cubicule, alors qu’il semble de nature beaucoup plus réservée une fois rendue sur terre.

         Une question, sans dire redondante, mais qui démontre toute l’étendue de vos personnalités parce que vous avez une réponse différente à chaque fois. On ferme les yeux deux secondes et on part la machine. Je ne me suis jamais arrêté à faire l’exercice. Pourtant, je ne suis pas à l’abri qu’une pièce se détache d’une voiture et me frappe et c’est terminé pour Pierre Chamberland, le photographe. Je ne me mets pas volontairement en danger, mais on veut évidemment que tout se passe bien. Pour l’homme originaire d’Arthabaska, ce n’est pas un exercice qui fait partie de son rituel d’avant course:

«Non! Aux courses de chars, là non. Premier départ de la journée, je monte en haut. Un p’tit stress. Tant et aussi longtemps que je n’ai pas brassé le premier vert, y’a un p’tit stress. Sinon, un coup que le premier vert est lancé, le show roule. C’est normal pour moi après 24 saisons. Y’a toujours le premier stress du premier vert de la journée. Pis ça, ça va durer les 16 programmes à Drummond plus les 5 à Thetford, c’est toujours pareil. C’est le premier stress de comment que ça va se passer, mais un coup que le vert est donné, c’est correct. Le seul temps que je me ferme les yeux comme ça, c’est quand que je suis assis sur mon 4 roues l’hiver pis juste avant de partir pour une course, une qualif ou une finale. C’est juste à ce moment-là que je fais ça».

         Depuis le tout début, la famille est revenue très souvent dans les discussions.  La passion des courses habite donc plusieurs d’entre nous et il devient tout à fait normal de développer des amitiés que l’on ne croyait peut-être pas possibles auparavant. En même temps, tout comme moi en tant que photographe, Steve a développé son style au fil des années. Un style, selon ses dires, unique et plusieurs s’amusent à l’appeler le «show man» parce que les drapeaux se font aller dans tous les sens.

«J’ai pas de pilote favori. À part les gros noms qu’on connaît tous. Je n’ai pas de favoritisme à propos de ça, mais pour le signaleur, j’te dirais que mon idole… ben mon idole. Le flagman que je trouve qui est le plus sur la coche, c’est Dave Farney. Le signaleur de la série gros blocs modifié. Un gentlemen pis je vais avoir la chance de travailler avec lui en plus cet été à Drummond les deux soirs des gros blocs aux vacances. C’est WOW! Mon anglais est pas parfait. J’me débrouille. Je vais travailler avec un grand de la terre battue» me racontait Steve sur l’incroyable expérience qu’il s’apprête à vivre en juillet prochain à côté de son «idole».

         Je ne suis pas depuis assez longtemps dans le domaine pour pouvoir vous dire quel photographe est mon préféré et auquel je veux le plus ressembler. J’ai juste pris tous les conseils de ceux et celles qui ont bien voulu m’en donner pour peaufiner mon propre style à moi. Le fait de côtoyer autant de gens qui ont la même passion que toi est juste un cadeau du ciel. Si on avait tous des styles similaires, les photos seraient plates à regarder.

Je crois que c’est ce que Steve a voulu faire au cours des années et c’est très captivant de le regarder agiter ses drapeaux.

       Une conversation ouverte et honnête avec Steve «The Wood» Dubois sur le travail, s’il en est un, de signaleur en chef d’un autodrome de course. Je n’ose pas imaginer jusqu’à quel point il doit revenir à la maison complètement vider de toutes ses énergies. Comme il me l’a dit si bien pendant notre entretien, un coup que le premier vert de la soirée est agité, «the show must go on». Il y a bien sûr un show sur la piste, mais également dans la tour. Je ne voudrais pas être le pilote qui va vouloir oser mettre la patience de Steve et de toute l’équipe à l’épreuve. En dehors de son espace de travail, c’est un très chic type à rencontrer et à jaser de course.

À ma seule présence du côté d’East Broughton pour le spécial sportsman, en juillet 2022, je devais faire plusieurs heures de route pour faire le voyage aller-retour. À la fin du programme, qui avait terminé aux alentours de 10h30, il tenait absolument que je le texte pour lui dire que j’étais arrivé à la maison. C’est le genre de personne qu’il est. Le voyage s’était bien passé, mais après une journée passée au gros soleil à prendre des photos, je ne vous cacherai pas que j’avais cogné quelques clous durant le voyage. Enfin bref, merci mon chum de m’avoir accordé du temps pour répondre à mes questions, c’est ultra apprécié.

On se croise bientôt.

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