Les courses sur terre battue sont devenues mon terrain de jeu

Crédit photo : Pierre Chamberland

Chronique: Au p’tit tour

         Comme je vous l’ai déjà mentionné, la saison hivernale n’est pas tout à fait terminée, que je meure d’impatience pour que la saison estivale commence. Tout comme vous tous, j’attends avec empressement que les différents promoteurs sortent leur calendrier respectif pour pouvoir planifier mon été. Les différentes associations de sports motorisés sortent également leur calendrier comme Challenge Québec ou encore le championnat Super TT National Serie présenté par Shawn Ford Productions. Course pas course, pratique pas pratique, pluie pas pluie, soleil pas soleil, je me déplaçais pour aller prendre des photos dès que j’en avais l’occasion. Si je finissais tôt au travail le vendredi et que les tracks étaient ouvertes, ça faisait un week-end de 3 jours à parcourir les différents sites de sports motorisés. Mon corps m’a envoyé des signes comme quoi je devais ralentir et m’a lancé de très sérieux avertissements. Je les ai ignorés et j’en ai payé le gros prix. Bien que j’aie le «non» beaucoup plus facile qu’il y a quelques années, je tiens à me tenir le plus actif possible pour m’éviter d’autres problèmes de santé. C’est un peu paradoxal d’avoir toujours le pied au plancher et vouloir être présent à chaque fin de semaine et d’avoir la pédale de frein continuellement en pleine face qui me guette en même temps. Que voulez-vous! Je crois que c’est pour mon mental que je fais tout ça. Dans la vie de tous les jours, comme je suis quelqu’un qui a besoin d’être sécurisé à l’occasion, me retrouver à rien faire du tout n’était pas la solution idéale. Il s’agit juste de trouver un bon équilibre pour faire en sorte que mon été se passe bien et sans blessure.

          Les courses sur terre battue sont devenues mon terrain de jeu les samedis. Comme c’était un week-end où quelques classes ne figuraient pas au calendrier, je me suis penché sur le quotidien d’un pilote de course. Même si je me doute que d’éloigner les courses de leurs activités quotidiennes est une tâche presque impensable, je leur ai tout de même poser la question. Autant c’est difficile pour moi de ne pas toucher à mon appareil photo, autant que ça doit être doublement «pénible», pour les pilotes, d’écarter les courses des discussions. Une petite coche de plus à m’introduire dans la vie quotidienne d’un pilote de course pour en apprendre davantage.

         Une des classes qui n’était pas en activité ce week-end est les STR. L’occasion était plus que parfaite pour jaser avec Yoan Nault et Zéphyrin Dupain de leur parcours dans le monde des courses sur terre battue. Pourquoi pas en apprendre un peu plus également sur ce qu’ils font à l’extérieur du garage. Yoan Nault, qui pilote le STR 01 de couleur rouge et noir, est dans le monde des courses depuis plusieurs années et le fait d’avoir appris sa voiture par cœur lors de sa première saison en Slingshot, lui a permis d’avoir du succès dans la catégorie: «J’ai commencé environ à l’âge de 10 ans en Slingshot. Dans ma première saison, c’était une année pour bien apprendre ma voiture. Donc, je roulais lentement et je pouvais me faire passer plusieurs fois par les meneurs, mais tranquillement je prenais confiance en moi et je suivais les autres. Rendu à mes 2 dernières saisons en Slingshot, je connaissais ma voiture par cœur. J’avais une bonne confiance en moi pour aller au large et rentrer assez vite dans les virages. Ça été mes 2 plus belles saisons en Singshot à cause de la très bonne compétition en avant du peloton».

          Ayant suivi mon père pendant très longtemps, on voyait souvent, pour ne pas dire toujours, les mêmes pilotes. C’est certain qu’il y en avait toujours quelques-uns qui se rajoutaient, mais le peloton demeurait essentiellement le même. Ça devenait plus facile pour moi et pour ceux et celles qui suivaient la série à l’époque, de voir la progression des pilotes. Le petit dernier qui arrivait de la classe de soutien et qui montait dans la grosse classe avait déjà une bonne base de ce qu’était une voiture de course. De venir d’un autre monde comme celui du karting, on pourrait penser qu’il faut repartir à zéro complètement au niveau de l’apprentissage, mais en jasant avec le pilote français Zéphyrin Dupain, son univers des 22 dernières années lui a permis de s’adapter assez rapidement: «Complètement différent, mais ça reste la même base. Tu as l’impression d’avoir un gros kart. Il faut rester doux, appuyer doucement sur le gaz, mais le karting m’a permis d’avoir de très bonnes bases pour m’adapter rapidement. Les réflexes et le fait de rouler proche et coller, le karting te donne une bonne école quand t’es en piste sur terre battue. Même chose pour récupérer ton auto quand tu l’échappes! En kart, ça colle! Ici ça glisse mais dans l’ensemble, tu veux le moins possible que ça glisse trop pour chercher le grip dans les deux catégories». Il reste cependant de l’apprentissage pour celui qui a côtoyé l’univers du karting depuis qu’il a l’âge de 7 ans: «Par contre en kart, tu as une ligne et tu cherches à aller le plus vite possible avec cette ligne. Sur la terre battue, il y a plusieurs lignes. À toi de t’adapter pendant les 20 tours et ça, ce n’est pas toujours facile de lire la piste. C’est quelque chose qui me manque en expérience». Je suis persuadé qu’avec son expérience en karting, même si c’est un autre type de course, quoique similaire à plusieurs points de vue, il va très bien sortir son épingle du jeu.

         Pour revenir au parcours de course de Yoan, il me disait qu’à sa dernière année en Slingshot, c’est lui-même qui payait sa voiture ainsi que toutes les dépenses. Le fait d’avoir été en constante discussion avec un autre pilote STR, Carl Labonté, lui a grandement aidé à faire son choix en vue de ses prochaines saisons: «Je voulais monter de classe. Donc, mon père et moi avons regardé la classe qui ne coûtait pas trop cher et qui était dans mes moyens. Nous avons beaucoup parlé avec Carl Labonté qui nous a expliqué la voiture STR et combien ça peut coûter environ par saison et je trouvais que c’était très abordable. Je crois que la classe STR était bien la prochaine étape pour moi». Tous les efforts qui ont été faits commencent à rapporter puisque son meilleur résultat a été une belle 4e place du côté de l’autodrome Drummond le 29 avril dernier lors de la soirée Superstar Sportsman. Je ne connais pas beaucoup les pilotes et la classe STR. À chacune de mes visites, j’apprends à les découvrir et à les connaître encore plus. Je vois en Nault un pilote en pleine confiance qui a appris à connaître sa voiture du bout des doigts. Je le vois entrer dans les courbes sans aucun complexe. La voiture toute croche en pleine vitesse avec la garnotte en arrière du char en prime.

          Mes commentaires sont faits à partir de mes photos ou encore de mes observations quand je décide de laisser tomber le kodak le temps de quelques tours ou pour regarder une course entière. Des suites d’une conversation avec un ami photographe que je côtoie régulièrement, on en est venu à la conclusion que le seul point «négatif» quand on est photographe est que l’on ne voit aucunement les courses. On est tellement focus dans le but de capter le plus beau moment de la course, la plus belle manœuvre, que l’on peut en perdre tout autant. C’est pour ça que, de temps à autre, je laisse tout de côté pour admirer les prouesses des pilotes. Vous me faites capoter littéralement!

         Je m’interrogeais également sur les activités qu’un pilote de course peut faire à l’extérieur du garage, des pistes de courses. Après en avoir discuté avec mes trois pilotes, c’est mission quasi impossible. Ils réussissent à rayer le mot «course» de leur vocabulaire, mais c’est de très très très courte durée. «Tu vas me trouver plate pas mal sur ce sujet-là parce que moi, ma vie c’est les courses. Quand il n’y a pas de course, soit je vais aux courses pour regarder en spectateur ou je suis au garage en train de préparer ma voiture pour prendre de l’avance pour la prochaine course, ou je fais des petits designs de char de course pour m’amuser. Ma copine Cassandre me fait faire des p’tites activités le fun et relaxantes qui me font décrocher de ma vie. Parfois, une p’tite sortie au Shaker avec mes boys mais, encore là, le sujet des courses revient assez vite» me décrit le pilote Sportsman Guyaume Larocque qui a décidé de prendre un week-end de congé.

         De mon côté, c’est beaucoup moins maladif. Enfin, j’pense…lolll J’arrive à ne pas toucher à mon matériel, mais comme la nuit porte régulièrement conseil, je finis souvent par prendre mes clics pis mes clacs pour me retrouver aux abords d’une piste de course à «shooter». Rester tout seul à la maison à me tourner les pouces quand il fait beau soleil, ça devient difficile de résister à la tentation. C’est le même état d’esprit qui habite le pilote STR Yoan Nault: «Quand la voiture est déjà prête, je me cherche des activités à faire: comme aller faire du kayak, aller me promener en voiture avec mes amis, mais la plupart du temps quand je course pas je vais aux courses pour regarder. Quand les courses sont annulées à cause de la pluie, je tourne souvent en rond car je ne sais pas quoi faire…hahaha». Pour Guyaume, c’est le même son de cloche: «Ma vie est centrée sur les courses. Quand je rentre travailler le matin, c’est dans le but de payer mes courses. Je fais du lettrage de 8h à 17h. Ensuite, je vais chez moi souper rapidement et je vais directement au garage généralement de 18h à 23h et ce, tout le temps». Comme ce dernier a déjà joué au hockey pendant plusieurs années à raison de 6 à 8 fois par semaine, c’est une activité qui lui permet de décrocher, temporairement, du monde des courses.

          Pour mon ami le français, le fait d’avoir eu un certain repos avec quelques fins de semaine sans course, lui a permis de faire le vide et d’avoir du temps précieux en famille: «Ça permet de faire un p’tit bout de temps et de profiter avec ma famille parce que c’est quand même assez chargé. Allez voir des courses de kart, s’occuper de la maintenance d’auto et profiter des petits moments en famille: BBQ, terrasse et une bonne bière. Si tu veux garder une bonne harmonie de vie de famille, il faut savoir s’éloigner un peu et aller faire de belles balades en nature ou faire un petit week-end à l’extérieur. Des fois, ça aide de déconnecter. Souvent, je réfléchis à mes courses et je reviens plus fort. Bizarre à dire, mais ça fait le vide…lolll».

         D’ailleurs, pour les amoureux de statistiques, de records, Zéphyrin est devenu le premier français à faire un podium en stock-car sur terre battue au Québec, et ce, à sa troisième course. Ça se passait au RPM Speedway, le 27 mai dernier, lors du programme de la course qualificative du GP3R. En continuant la «jasette» avec le pilote STR, je vois qu’il ne manque clairement pas d’ambition parce qu’il veut devenir le premier français à gagner une course sur terre battue en plus de vouloir faire un podium final au classement général dès l’an prochain. Des objectifs ambitieux certes, mais rendu sur une piste de course, c’est chacun pour soi. Avec un premier podium déjà en poche, tout est permis pour la suite des choses. Pour quelqu’un qui n’avait jamais toucher un volant d’une voiture de course sur terre battue avant cette année, c’est tout un exploit qu’il a réalisé. Tu as toute mon admiration!

         Vous voyez que même en voulant décrocher un peu, c’est très difficile pour les trois pilotes de ne pas aller faire un tour au garage sans toucher à leur voiture. Juste de ne pas graviter autour du monde des courses doit être une tâche colossale. Comme me le mentionnait Zéphyrin, plus tu courses toutes les fins de semaine, plus les petits bobos arrivent et on se doit de les rectifier. C’est sensiblement la même chose pour Yoan et Guyaume. Leur «liste d’épicerie» doit être assez impressionnante quant aux choses à faire ou à réparer sur leur auto respective pour la mettre à leur goût. Même si elle est prête pour la prochaine course, ils passent des heures considérables dans le garage quand même.  C’est à se demander s’ils ne couchent pas dans leur auto un soir ou deux de temps en temps.   

         La pandémie nous a forcés à changer nos habitudes de vie. En fait, notre quotidien, qu’on le veuille ou non, a été bousculé à jamais. Pendant le confinement, on ne pouvait plus faire grand-chose. Mis à part les services essentiels qui continuaient d’opérer, tout était fermé. C’était devenu une province fantôme tellement les activités étaient rendues inexistantes. Comme tous les rassemblements n’étaient plus permis, mes sorties photos se faisaient de plus en plus rares. Quand j’étais plus jeune, j’adorais faire des légos. J’ai vu passer sur mon fil d’actualités une annonce d’un site web où je pouvais en commander. Des légos sur les stéroïdes! Les voitures, une fois assemblées, mesurent presque deux pieds de long et pèsent tout près de quatre livres. Pas des farces! Les maquettes de stade de baseball et de football sont plus petites et moins pesantes, mais tout aussi plaisantes à construire. J’aimais collectionner les cartes de hockey. J’ai recommencé à acheter des paquets de cartes de temps à temps pour pouvoir occuper mes après-midis ainsi que mes soirées habituellement consacrées à la photo. J’ai tout près d’une quinzaine de stades et quatre voitures dans ma collection. Ces deux hobbys se sont ajoutés à mon quotidien quand la pandémie est arrivée dans le portrait. Si j’ai mal à la tête un bon matin ou que ça ne me tente carrément pas de faire de la route pour aller prendre des photos, je peux me rabattre sur autre chose pour vaquer à mes occupations. Ça change le mal de place comme dirait l’autre.

         Dans un sens, je crois que le hasard fait bien les choses parce que de lâcher prise ou de changer de sport à l’occasion me permet, quand je reviens aux courses de dirt, d’avoir de nouvelles idées pour de nouvelles prises. Le contraire est tout aussi vrai. Cette absence est bénéfique, à la limite voulue, parce qu’elle me permet d’être dans le moment présent. Comme chaque samedi de courses est une nouvelle journée avec de nouvelles conditions, je me dois de remettre le compteur à zéro et de recommencer. Quand je reviens des courses, c’est la même chose. À mon retour à la maison, je range le mato dans ma chambre et je laisse retomber la poussière. Ça me permet d’avoir la tête bien reposée et les idées claires le lendemain quand vient le temps de traiter et de trier mes photos.

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