Au p’tit tour: Quand les courses tombent à l’eau.

Crédit photo : Pierre Chamberland

         Mes petites sorties du samedi font partie de mon quotidien depuis quelques années déjà. Comme la plupart d’entre vous, je m’étais préparé à une belle sortie pour voir les courses et prendre d’autres belles photos. Les promoteurs des autodromes de Granby et de Drummondville n’ont pas eu le choix, ils ont dû annuler leurs activités pour la fin de semaine en raison des caprices de Dame-Nature. Je sais que ce n’est que partie remise mais l’ambiance qui y règne me fait passer de très belles soirées du samedi. Quand je n’y suis pas présent, il me semble qu’il manque quelque chose à mon horaire. Pour les gens qui veulent bien se déplacer, c’est une belle sortie à faire en famille pendant une agréable journée d’été.

         Malgré le fait que j’ai un inventaire de photos pas possible et que je risquais de l’augmenter de façon exponentielle, j’aurais sorti tout de même le kodak pour aller me dégourdir les jambes. Pour ne pas dire le «doigt du clic»! Je me suis déjà trouvé des deux côtés de la barrière: soit comme spectateur et bien sûr comme photographe. Je dois vous avouer que de m’être retrouvé dans les estrades en Floride à «regarder» les courses, ça m’a fait un grand bien. On dirait que ça m’a fait apprécier encore plus le fait que je me retrouve, semaine après semaine, à vous côtoyer et à suivre vos péripéties de pilote de dirt. Je me sens extrêmement privilégié d’être avec vous, sur le terrain, à vous prendre en photo à chaque week-end. Une passion qui coûte cher, mais combien gratifiante à plusieurs niveaux. Je ne changerais ça pour rien au monde.

         Bon, laissons les courses proprement dites de côté un instant. Comme le week-end est tombé à l’eau, je me suis penché un peu plus sur le volet planification que les pilotes ont à faire face quand une fin de semaine est annulée en raison du mauvais temps. Une belle température marche main dans la main avec des conditions de piste incroyable et un beau spectacle envisageable. Un des trois éléments fait faux bond et plus rien ne tient. Du moins, des conditions beaucoup moins optimales à un beau programme de course. Les équipes et les pilotes se préparent toute la semaine en prévision d’une belle soirée de course. Comment se sentent les pilotes quand ils doivent «pacter les p’tits» et retourner à la maison ?

Pour ajouter un peu plus de poids à mon topo, j’ai cru bon d’en jaser avec quelques pilotes. «C’est décevant, c’est certain. Mais en même temps, ce n’est pas quelque chose qu’on contrôle. C’est plate les week-ends de pluie mais dans mon cas, ça me permet d’avancer l’auto sans être pénalisé dans les points. J’aime mieux voir le positif. La voiture est propre et prête pour le prochain programme de course» me mentionne le pilote en Lightning Sprint, Benjamin Chouinard, qui a été absent les deux derniers programmes en raison de problèmes mécaniques, bris de moteur, sur sa voiture.

Pour Hélène Gravel et Raphael Neiderer, deux pilotes en Lightning Sprint également, c’est relativement le même sentiment qui les habite: «En réalité, nous suivons beaucoup la météo. Nous travaillons tous les deux à temps plein et même plus donc quand c’est clair qu’il va pleuvoir, nous y allons plus doucement dans le garage. On est déçu, mais en même temps nous avons bien des choses à faire à la maison. C’est un mal pour un bien je dirais. Ça nous permet de souffler un peu et travailler dans le garage sur d’autres projets de course et profiter de la famille».

         On s’entend pour dire que le volet sportif et le côté compétition sur la piste sont écorchés solide quand la saison est parsemée de courses remises ou carrément annulées en raison des mauvaises conditions météorologiques. Ce que le pilote Sportsman, Kaven Poliquin, tente de m’expliquer est que ceux et celles qui tentent de gravir les échelons sont légèrement désavantagés: «Bien, c’est plate pour les points quand tu es plus loin au championnat. Ça laisse moins de course pour réussir à remonter». J’espère que pour ces derniers que l’adrénaline, qu’une situation en pleine course procure, ne laissera pas place au découragement.

         Je reviens avec le film «Days of Thunder». Il est important de finir les courses pour pouvoir en gagner. À un moment donné dans le film, il y a un gros carambolage et Cole Trickle fonce dans le tas en espérant se faufiler et passer au travers. Sa témérité lui coûte cher parce qu’il se retrouve à l’hôpital. La même situation de course, quasi identique, revient vers un peu plus tard dans le film et pourtant le résultat est complètement différent. Ça demeure de la fiction, je vous l’accorde, mais c’est seulement pour illustrer mon propos. Si tu finis toujours tes courses, même si tu es en queue de peloton et que tu tentes de remonter, tu augmentes tes chances de grimper au classement. On ne sait jamais ce qui peut se passer par la suite. Les ténors de ta catégorie respective peuvent connaître un sérieux passage à vide pendant quelques courses, alors… à toi d’en profiter!

         D’aussi loin que je me souvienne, quand j’étais plus jeune, les courses étaient rarement annulées. Souvent reportées au dimanche, mais jamais complètement un week-end était saboté en raison de la météo. Il y avait, à l’occasion, qu’une seule course la fin de semaine, alors le dimanche devenait une porte de sortie intéressante. Quand nos trois jours étaient consacrés uniquement aux courses, le déplacement en valait quand même la peine même si le samedi était rayé du voyage. Quand tu pars de Chibougamau, le cinq, six ou sept heures de route faisait un petit peu moins mal. J’en ai tellement vu et vécu des choses aux courses que, peu importe ce qui arrivait, ça ne me surprenait plus vraiment parce que c’était rendu notre vie au quotidien. Dans un sens, les courses sur asphalte sont moins affectées que celles sur terre battue. Si Granby annule son programme du vendredi soir, il y a de fortes chances que Drummondville fasse de même pour le sien le samedi. Cornwall, qui présente ses courses le dimanche, devient une option intéressante. Encore là, il faut que Dame-Nature collabore. Dans le cas contraire, un week-end complet risque de tomber encore une fois… à l’eau! À ce moment-là, il y a Brockville qui devient une alternative plus qu’attrayante.

         Ce qui m’amène à me poser une question. Si je pars du principe que tout le monde s’attend à ce que des week-ends comme ceux-là peuvent arriver, ça ne devient pas un peu «gossant» de toujours être sur le qui-vive comme ça? Comme me le précise Hélène Gravel, ça fait partie d’la game: «C’est le merveilleux monde des courses ! On dépend de Dame Nature. Ce qui est doublement plate, c’est quand on arrive par exemple à Cornwall, on fait des pratiques et la pluie commence et là c’est annulé. Entrer les chars en panique dans le trailer et avoir fait de la route pour rien… très décevant! Mais ça aussi ça fait partie des courses!». Pour Benjamin, le point de vue diffère légèrement et c’est quelque chose que l’on peut prévoir: «Pour ma part, je ne trouve pas. Des fois, les décisions sont prises la journée même. J’ai la chance d’être proche de Drummond par exemple. Mais ceux qui partent de plus loin, ça peut être plus irritant quand les décisions sont prises à la dernière minute. Mais en prenant cette décision la veille, c’est super pour ceux qui viennent de loin. Mais je ne suis pas prêt à dire que c’est gossant puisque c’est quelque chose qu’on ne contrôle pas et qui ne peut être prévisible». Pour ce qui est de Kaven, c’est très clair: «Pas vraiment!».

         Une autre question qui me trottait dans la tête est en lien avec la préparation de la voiture. Est-ce que le processus est à recommencer à zéro pour la fin de semaine suivante ? Pour Benjamin Chouinard, le fait de ne pas avoir rouler du tout lors du dernier week-end aide beaucoup à ne pas repasser la voiture de A à Z: «Si ce n’est pas la même piste, il y a de petits ajustements à faire pour la préparation versus préparer une auto après une soirée de course. Quand c’est la même piste, je la laisse comme elle est». Pour la pilote du Lightning Sprint #6, il ne fait pas de doute que la vérification est à refaire si l’endroit change: «Oui, c’est à recommencer. En réalité, ce sont les pneus et la gear. La maintenance hebdomadaire reste faite. La vérification va être faite quand même, mais oui elle serait prête pour une prochaine course si c’est la même track». C’est un véritable casse-tête pour toutes les équipes que de jongler avec les ajustements. Surtout quand la pluie s’en mêle. Kaven Poliquin me disait que son set-up va être celui de Drummondville même s’il a été absent depuis quelques années à l’autodrome Granby. Donc, pas de changement en vue pour le moment: «Pas comme c’est là, vu que j’y vais pour la première fois depuis 3 ans à Granby. Je vais essayer le set up que j’ai à Drummondville. D’après moi, ça va prendre des changements, mais je vais commencer avec le même».

                   En prenant mes photos d’un peu partout sur la piste, que ce soit dans les puits ou à l’intérieur du circuit, je vis les courses d’une autre façon. Merci encore à vous trois, Hélène, Benjamin et Kaven, d’avoir accepté mon invitation et d’avoir collaboré à l’écriture de ma chronique, de mon papier. Ce n’est pas tout le monde qui aurait accepté que je m’immisce, en douceur, dans leur quotidien pour me le raconter. Enfin, je pense! J’en suis très reconnaissant. J’en connais un peu plus maintenant sur comment vous devez gérer votre temps, la préparation de votre voiture quand une situation de la sorte survient. Autant que vous aimez mon travail, mon style de photo, autant que j’adore diriger mon kodak vers votre bolide. Vous me faites vivre tellement de beaux moments à chaque soir que je ne regrette aucunement mes déplacements aux différentes pistes de course.              

         En ce début de saison, je n’ai pas vécu une soirée de course avec des estrades pleines à craquer. Oui, il y eu une certaine foule, dépendant des soirées, mais pas comme j’ai déjà entendu parler ou lu sur les réseaux sociaux. L’été est sur le point de commencer officiellement. Malgré tout, les nuits demeurent encore fraîches. On a toujours besoin de revêtir un coton ouaté, et même plus, pour se garder au chaud en raison des soirées un peu plus froides pour la saison. Pour les spectateurs, ce n’est pas très intéressant d’aller voir virer des chars de course emmitouflés dans 15 couvertes de laine parce qu’il fait frette. Le temps se réchauffe tranquillement, pas vite. Ça va certainement aider à ce que les spectateurs soient de plus en plus nombreux pour venir encourager les pilotes et, par conséquent, les promoteurs. De mon côté, à ne pas bouger ou très peu, pour prendre mes photos, n’aide en rien à me réchauffer quand il fait un froid de canard. J’ose espérer, et je me croise les doigts, que les deux dernières semaines du mois de juin vont être ce qu’elles sont habituellement: très chaudes! Je souhaite que les belles températures vont accompagner les gros shows qui s’en viennent. 

         En 2018, j’ai subi une blessure dans le bas du dos qui s’est avérée être une hernie discale. Tout ça en pelletant! Ben oui, aussi bête que ça! J’ai manqué plusieurs semaines, plusieurs mois de travail. J’étais juste incapable de fonctionner normalement. Je boitais et je marchais sur une jambe. Enfin bref, un après-midi, j’ai dû me rendre à l’urgence en ambulance parce que j’ai littéralement écrasé dans le milieu du salon. Plus capable de me relever. J’ai passé 12 heures à l’urgence. Tout ça pour vous dire que, quand j’ai finalement quitté aux petites heures du matin, une des infirmières m’a dit de rester le plus actif possible si je ne voulais pas que ça m’arrive à nouveau. Je n’ai jamais pris un conseil, voire un avertissement, aussi au sérieux que ça. Depuis cette nuit-là, je me tiens occupé le plus possible. Je m’entraîne jusqu’à trois fois par semaine. Je vais prendre des marches régulièrement et les photos occupent mes fins de semaine. Jamais, au grand jamais, je veux retourner à l’hôpital en raison des douleurs tellement intenses que j’ai ressenties pendant les quelques mois où je n’ai pas travaillé. C’est une des principales raisons pourquoi vous me voyez la face à chaque samedi. Ça me tient bien vivant! J’adore les courses! C’est certain que j’ai le «non» un peu plus facile. Disons qu’entre une journée ultra méga chaude et humide à 40 degrés et une bonne bière sur le bord de la piscine, le choix me paraît pas mal plus évident.

Scroll to top