Pour en finir avec la saga de la piste de St-Guillaume.

Crédit photo : Yannick Légaré

TRAIT FINAL SUR LE PASSAGE DE JUNIOR POULIOT ET DE SON GROUPE D’INVESTISSEURS À SAINT-GUILLAUME

Pour débuter, je souhaite clarifier une chose importante. J’ai travaillé dans le passé avec Junior Pouliot, notamment dans les premières années de vie de l’Autodrome BSL. Nous nous connaissons bien et il pourrait être facile de penser que j’écris ce texte avec un œil mal avisé étant donné le fait que nous avons collaboré dans quelques projets. « Il a un parti-pris ! » s’empresseront de clamer certains lecteurs. Dans le domaine des courses, je suis assez peu enclin à la controverse de mon côté et je préfère de loin contribuer à promouvoir le sport qu’à chercher des bibittes. C’est d’ailleurs pour cette raison que je me suis abstenu de commenter les activités de Junior en sport automobile depuis mon retour derrière le clavier.  Dans ce contexte, je m’abstiendrai aussi de l’appeler monsieur Pouliot ou encore Serge.  Vous comprendrez plus tard à quoi réfère cette dernière allusion.

Ayant un temps des fêtes plutôt tranquille, j’ai décidé de me laisser tenter par un autre style de chronique.  Je me suis dit que Junior a peut-être encore suffisamment confiance en moi pour me permettre de clarifier certains éléments qui me questionnaient dans l’histoire de la vente de la piste de Saint-Guillaume.  J’ai eu accès à certains échanges qui alimentaient, encore jusqu’à récemment, des affirmations qui m’apparaissaient un peu tirées par les cheveux.  Au fil de certains échanges survenus et à la redondance, ces informations qui concernaient l’opacité de cette transaction et des allégations au sujet du fait que quelqu’un pourrait servir de prête-nom (son père Serge Pouliot) dans cette histoire, j’ai décidé de l’interpeler afin de voir s’il souhaitait clarifier les choses, et oui, encore une fois. 

Je dois avouer que j’en ai entendu de toutes les couleurs à ce sujet et certaines accusations m’apparaissaient comme étant invraisemblables. Je connais bien les liens d’amitié qui unissent le groupe de partenaires qui entouraient le principal intéressé.  Ces liens datent de plusieurs années et me semblent être pratiquement inébranlables.  Je savais que si Junior Pouliot était celui qui était la cible de commentaires qui parfois pouvaient sembler être désobligeants, c’est en raison du fait qu’il avait accepté le rôle de représentant du groupe tant lors de l’acquisition du complexe que lors de sa revente.  Junior est reconnu pour son aisance en public tant dans les grandes occasions que lorsqu’il faut se porter à la défense d’une personne ou d’un projet.  Certains diront qu’il a une grande gueule.  Moi je dirais qu’il s’assume pleinement même quand la tempête frappe.  À chacun sa façon de voir les choses.

Une des choses que je savais, c’est que Junior en avait déjà plus qu’assez de cette histoire. Il a été interpelé par différents acteurs du monde du stockcar qui cherchaient le potin croustillant ou la faille qui permettrait de dénouer en premier le mystère entourant « La fameuse transaction ». Les derniers soubresauts ont été déclenchés au moment où certains intervenants ont pris connaissance du registre des entreprises du Québec et ont fait une découverte importante qui a été portée à mon attention par un pur hasard. On cherchait probablement à démasquer les personnes qui ont fait l’acquisition du complexe du Centre-du-Québec.  Malgré ma grande hésitation à aborder le sujet avec Junior, j’ai tout de même décidé de lui tendre une perche en lui précisant le contenu de ce que j’avais entendu, des choses pas vraiment bienveillantes, disons-le. Mon offre du moment; lui permettre de réagir à ces informations qui présentaient un certain potentiel corrosif étant donné le grand attachement de plusieurs amateurs pour la piste concernée, et ce avec raison. Personne dans notre monde ne souhaite voir disparaitre une piste alors qu’elles se font de plus en plus rares.

Junior Pouliot n’était pas seul…

Pour bien comprendre les enjeux de cette vente, il faut se rappeler une chose importante. Junior Pouliot n’était pas seul dans cette aventure. Il assumait, je le répète, le rôle de représentant d’un groupe.  La décision qui a été prise l’a été d’un commun accord entre eux. Plusieurs éléments, dont certains imprévisibles, ont amené une remise en question de leur participation dans le projet à un point tel qu’une ou plusieurs personnes ont manifesté le souhait de se retirer de l’aventure. Je vous donnerai un exemple plus loin.

Devant cet état de fait, les options envisagées étaient plutôt limitées.  L’équipe mise en place à l’époque reposait sur la confiance mutuelle des investisseurs et le départ de certains d’entre eux risquait de mettre à mal la poursuite du projet.  Remplacer les membres qui se retiraient par des inconnus est vite apparu comme une option improbable même si celle-ci a été explorée.  Tout était une question d’évaluation des risques.  On ne fait pas des affaires avec n’importe qui.

Maintenant, voici un cas concret…

Je connais un autre des actionnaires qui avait décidé d’investir dans ce projet. Sans le nommer, question d’entretenir un certain mystère, je sais qu’il se trouve dans l’entourage de Junior depuis fort longtemps.  Il était de ceux qui étaient préoccupés par les sommes à investir à nouveau pour l’amélioration des infrastructures qui, nous le savons maintenant, commandaient une intervention rapide pour assurer la poursuite des opérations. L’envergure des travaux à faire, notamment pour sécuriser les estrades, mettre à jour le bâtiment abritant la cuisine et les services sanitaires aurait exigé une mise de fonds supplémentaires que certains actionnaires n’étaient pas prêts à faire faute de revenus pendant la période de la pandémie. Junior évalue que ce sont près de 500 000$ qui auraient été nécessaires afin de reprendre les opérations à l’été 2022. Une fois l’analyse de rentabilité faite, en prenant en considération que les programmes de courses étaient présentés les dimanches, les actionnaires ont décidé de ne pas prendre le risque de faire cet investissement faute de détenir un capital rapidement disponible.  Le seuil de rentabilité attendu au moment de l’achat n’était plus envisageable à moyen terme avec un tel investissement.  De plus, il n’entrait plus d’argent dans les coffres du groupe depuis l’été 2020 et la location de la piste suffisait à peine à payer les frais fixes. 

La raison pour laquelle je vous parle de cet autre investisseur, c’est que celui-ci était aussi inquiet d’ajouter des fonds dans le contexte actuel où plusieurs municipalités au Québec font la vie dure aux pistes de course. Le contexte peu favorable au développement du sport motorisé constituait un risque important surtout si on prenait en considération le niveau des assistances pour les programmes présentés le dimanche. Il avait en tête le conflit important qui a opposé et qui oppose toujours l’Autodrome BSL à un résident de la municipalité Saint-Eugène-de-Ladrière. Même s’il était conscient que la réalité est toute autre du côté de Saint-Guillaume et que le milieu en est favorable au monde des courses, il en venait à la conclusion qu’une seule et unique personne qui décide de s’en prendre à un complexe de sport motorisé peut entrainer des conséquences importantes et des débats juridiques interminables.  Cet entrepreneur possède aussi d’autres entreprises qui ont souffert de la période pandémique et il se voyait dans l’obligation de concentrer ses activités.  Le reste ne me regarde pas. On sort du domaine des courses.

La relation avec les autres promoteurs et propriétaires de pistes…

Junior Pouliot, selon ce qu’il affirme, entretient d’excellentes relations avec Dominique Lussier de l’Autodrome Granby et du RPM Speedway ainsi qu’avec Yan Buissière de l’Autodrome Drummond.  Cependant, les affaires étant les affaires, il ne voyait que très peu d’espoir quant à la possibilité de présenter des courses certains vendredis ou samedis, le calendrier des pistes voisines occupant pratiquement tout l’espace disponible. Le respect entre les trois hommes et le fait que Junior et son groupe connaissaient cette réalité au moment de l’achat l’ont incité à ne pas revoir la stratégie en maintenant les courses les dimanches en fin de journée. « Nous étions conscients que notre place se situait le dimanche et nous avons pris le pari d’y aller même si les amateurs risquaient de laisser leur argent ailleurs plus tôt dans la fin de semaine. Remplir les estrades et les puits dans ce contexte allait être un tour de force.   Notre pari était vraiment risqué », constate Junior.  

La première saison du Rimouskois à la tête de la piste de St-Guillaume n’a pas permis d’atteindre les objectifs fixés notamment en raison des problèmes rencontrés dans la préparation de la piste et quant au nombre d’amateurs présents.  Le doute a alors commencé à s’installer malgré l’éternel optimisme du principal intéressé. La pandémie allait signer l’arrêt de mort du projet.  L’option de changer le jour des courses n’était pas envisageable, car en affaire, « si on veut susciter la collaboration des chefs de file dans un domaine, on commence par leur démontrer du respect », ajoute l’ex-promoteur. 

Un investissement mal calculé?

Il est aussi plausible d’avancer l’hypothèse que l’état de vétusté des installations et les améliorations à y apporter auraient pu avoir été mal évaluées par les investisseurs au point de départ.  Or, Junior précise que c’est plutôt le fait de ne pas avoir pu compter sur une entrée de fonds suffisants pendant la première année de pandémie qui a commencé à ébranler l’équipe.  Ce qui devait au début être une aventure où les fonds rendus disponibles dans le cadre des opérations devaient être réinvestis dans l’amélioration des infrastructures prenait un virage bien différent.  L’estrade principale et l’aire de restauration, visées par un avis de non-conformité par les assureurs, exigent des travaux majeurs voire une potentielle reconstruction avant même que des courses puissent y être présentées à nouveau. « Nous n’allions quand même pas opérer sans les assurances nécessaires et surtout pas en sachant que l’estrade commandait des travaux importants pour assurer la sécurité des amateurs » précise mon interlocuteur.

Les investisseurs connaissaient ce risque au point de départ, selon Junior.  Le fait de ne pas avoir présenté de courses en 2020 aura privé le groupe de sommes qui auraient été nécessaires pour régler, du moins en partie, ces problèmes.  La première année d’opération et l’expérience tentée par Joël Brûlé par la suite en 2021 laissaient planer un doute sérieux quant aux assistances potentielles.  Malgré les efforts déployés et les risques importants assumés par Joël notamment en faisant le choix de présenter quelques programmes en dehors de la plage du dimanche, la saison 2021 aura laissé le promoteur pour seul bénéfice la satisfaction d’avoir tenté le grand coup.  Nous savons qu’il était prêt malgré tout à tenter à nouveau sa chance en 2022, mais les circonstances de la vente n’ont pas rendu possible une nouvelle entente entre Brûlé et les associés menés par Junior.  Je ne commenterai pas davantage ce volet, les médias sociaux et les médias spécialisés en sport motorisé en ont fait un portrait suffisamment détaillé à l’époque.

C’est donc dans ce contexte que la décision a été prise de mettre en vente le Super Speedway.  Junior Pouliot qui avait convaincu ses partenaires de le suivre dans cette aventure devait mettre en place une stratégie de retrait visant à leur permettre de récupérer leurs billes sans trop de dommages et tout ça, dans un délai raisonnable. Une priorité serait accordée à des investisseurs souhaitant maintenir la piste ouverte en autant que ceux-ci mettent sur la table les garanties nécessaires.  Pour le moment, nous ne connaissons pas les intentions des nouveaux acquéreurs.

Mais qui est donc Serge Pouliot?

Venons-en maintenant au fait que nous retrouvons le nom de Serge Pouliot comme étant l’actuel propriétaire de la piste de Saint-Guillaume au registre des entreprises du Québec.  Malgré ce que certains ont avancé comme hypothèse, le « Serge Pouliot » que nous retrouvons au fameux registre n’est pas le défunt père de Junior.  Les morts ne signent pas de documents notariés.  Pour les intimes, Junior porte le même prénom de son père depuis qu’il a vu le jour.  Oui! Oui! Il se nomme « Serge Junior Pouliot ».  Voici un premier mythe étouffé.  Il aurait suffi aux tenants de cette thèse de faire une simple vérification auprès du principal intéressé ou de personnes qui le connaissent bien pour découvrir la réelle identité de l’individu en question. Alors non, le père de Junior n’a pas servi d’intermédiaire dans cette transaction.

Maintenant, posons-nous la question à savoir pourquoi le nom de l’ancien actionnaire se retrouve encore au registre des entreprises du Québec comme étant propriétaire actuel de la piste de Saint-Guillaume. Pour y parvenir, il faut comprendre les modalités de cette transaction. Le ou les nouveaux propriétaires ont conclu avec lui que la prise de possession finale sera faite au moment où ils entreprendront leur propre projet soit, entre le moment de la signature de la transaction et une période approximative de plus ou moins 12 mois.  Ils se sont mutuellement donné une bonne marge de manœuvre pour des raisons administratives propres aux nouveaux investisseurs.

En attendant que débute ce fameux projet, Junior a obtenu au nom du groupe les sommes nécessaires afin de rembourser chaque membre du groupe.  Ils ont récupéré quelle part de leur mise de fonds?  Cette donnée ne m’intéressait pas.  Alors, comme vous pouvez le constater, si ces informations sont véridiques, et je n’ai pas de raison de croire qu’elles ne le sont pas, les nouveaux acquéreurs seront connus dans un avenir assez rapproché.  Cette façon de faire a eu l’avantage de préserver la confidentialité autour de leur identité et leur permet ainsi de structurer le projet qui est le leur en toute quiétude.  De mon côté, je n’ai pas demandé de connaître la nature du projet ni l’identité du ou des nouveaux propriétaires des lieux.  Je ne sais donc pas moi non plus si j’irai un jour aux courses ou aux fraises à Saint-Guillaume tout en avouant que la première option me plaît sincèrement davantage. Inutile de me lancer des pierres; je sais déjà que ma précédente phrase risque d’être perçue comme étant une blague de mauvais goût dans les circonstances.  Malgré tout, j’ai été incapable de lui résister.

L’avenir de l’homme d’affaires dans le monde des courses…

Chose certaine, Junior a été très clair lors de nos échanges. Il n’est absolument pas question pour lui de poursuivre l’aventure et c’est avec regret qu’il raconte que lui et son groupe ont fait le choix de lancer la serviette. Ils souhaitaient réellement donner un second souffle à cette piste légendaire.  Ce qui était avant tout un projet de cœur est devenu, face aux difficultés rencontrées, un projet d’affaires lourd à porter. Il est conscient des engagements pris envers les anciens propriétaires et de la déception des amateurs qui souhaitaient voir revivre cette piste.  « J’ai dû mettre de côté mes convictions et faire face à l’évidence dans ces circonstances. Nous devions passer à autre chose et tenter de revendre la piste », ajoute Junior Pouliot.

Son passage comme promoteur et propriétaire de pistes de course aura duré 15 ans.  Malgré toutes ses bonnes intentions et les difficultés rencontrées tant à l’Autodrome BSL qu’à Saint-Guillaume, il sort de cette aventure avec en tête un mélange de fierté et d’amertume.  Sa décision de passer à autre chose est à ce point bien ancrée qu’il a même décidé de vendre sa voiture de course pour se consacrer à d’autres projets familiaux, chose qu’il a peu faite depuis plusieurs années étant donné le temps investi dans le domaine stockcar et dans ses autres projets.

Il complète nos échanges en précisant que la passion n’y est plus et que la tournure des évènements entourant cette transaction lui a fourni les arguments nécessaires nourrir sa réflexion quant à son avenir dans le domaine.  Il est par conséquent catégorique, il n’a plus le goût ni l’énergie nécessaire pour affronter les critiques soutenues.  La crédibilité des promoteurs est mise à mal dès que survient un changement ou que se présentent des difficultés. Il précise enfin qu’il s’agit pour lui de sa dernière intervention sur le sujet et que si par malheur un jour la tentation lui revenait de s’impliquer en course automobile, il espère sincèrement que ses proches lui rappelleront ces dernières années afin de l’en dissuader.

Le trait final…

« Si je fais le bilan final de ce projet, je peux me réjouir au moins d’une chose.  C’est que nous avons reçu le support de personnes du milieu dans nos efforts et que nous nous y sommes fait des contacts et des amis ».  Il ajoute, « Si tu me poses la question à savoir si je suis satisfait de ce que nous avons livré, ma réponse est non.  J’aurais vraiment souhaité que les choses se passent autrement.  Est-ce que la situation aurait été différente sans la pandémie? Est-ce que les amateurs auraient été au rendez-vous?  Je n’ai pas toutes les réponses à ces questions, mais une chose est certaine, nous n’avions pas la capacité de prendre ce risque mes partenaires et moi », complète Junior.

Je connais suffisamment Junior pour savoir qu’il affirmera toujours que le fait d’avoir été impliqué à l’autodrome BSL lui y aura un permis d’en apprendre beaucoup sur le monde des affaires. Cependant, je demeure convaincu qu’il pense qu’il aurait pu faire ces mêmes apprentissages dans un contexte beaucoup plus favorable.  Je me souviens de nos premières discussions en 2007, au moment de lancer le projet.  Je lui nommais alors que le monde du stockcar en un ou l’erreur est ardemment critiqué et qu’il lui fallait y réfléchir sérieusement avant de s’engager dans cette voie. À mon humble avis, ce commentaire a plutôt eu l’effet de l’allumer que de le dissuader.  Junior Pouliot, au-delà de l’ambition, est un gars animé par les projets ambitieux.  Il ne s’impose généralement que très peu de limites. Même si nous n’avons pas toujours la même vision des choses en sport automobile, force m’est d’admettre que sans sa ténacité et son goût du risque, son séjour dans le monde de la course n’aurait tout simplement pas été aussi long. Malgré les avertissements de l’époque, il a décidé de se lancer dans ce qui allait devenir un tourbillon parsemé d’embuches, de réussites, mais surtout de critiques. Dans le dossier de la piste de Saint-Guillaume, je crois sincèrement qu’avec le recul, Junior et ses amis investisseurs pourront tirer un trait final sur cette histoire qui au fond en était non seulement une de business, mais aussi de passion pour le sport motorisé.

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