Le monde du stockcar sur asphalte a connu des années difficiles notamment avec la disparition de la piste de Saint-Eustache, la tourmente qui a entouré la division LMS, la vie difficile menée à la piste de Sainte-Croix que plusieurs prenaient pour morte il n’y a pas si longtemps et qui a réorienté de façon importante sa vocation. Malgré cette dure réalité, deux pistes continuent de tirer leur épingle du jeu, soit celle de l’Autodrome Chaudière de Vallée-Jonction dirigée par André Poulin et celle de l’Autodrome Montmagny sous la gouverne d’Howard Romanado. Le Circuit ICAR se fait connaitre de plus en plus des amateurs même si à une certaine époque, les liens naturels entre les fans de stockcar et la piste de Mirabel étaient moins naturels.
Le monde de l’asphalte a aussi connu son lot de querelles au fil des ans. C’était le cas entre autres au début des années 2000 alors que le nombre de joueurs était plus élevé et que les promoteurs s’arrachaient les quelques séries disponibles. C’est en 2006 qu’André Poulin a fait son entrée. Il lançait alors la Série Sportsman Québec qui en sera à sa 17e saison en 2023. La première course de cette série a été présentée à Saint-Eustache et le calendrier de la saison 2007 prévoyait des courses partout sur le territoire de la belle province. Une étape était franchie pour André Poulin qui, au fil du temps, aura étendu son influence bien au-delà de cette série.
ACT VS NASCAR
Le temps et les efforts ayant fait leur œuvre, André Poulin a un pied et parfois même deux dans presque tout ce qui se fait sur asphalte au Québec. Son dernier coup de force, relancer une série LMS avec la bénédiction d’ACT (Américan Canadian Tour). Les pistes de Montmagny et de Vallée-Jonction présentaient jusqu’à tout récemment des championnats locaux distincts dans cette division appréciée des amateurs. Celui de Vallée-Jonction était sanctionné par Nascar.
Si les deux promoteurs de la série ACT Québec optent pour la sanction ACT, ce n’est pas par hasard. Cette décision a pour effet de soustraire la division Late Model de la sanction Nascar « Weekly series » en Beauce et d’en faire une série invitée puisqu’elle aura sa propre entité et une gestion indépendante de celle des pistes.
Le fait de passer à la sanction ACT permet à l’Autodrome Montmagny de collaborer à nouveau avec la piste beauceronne. Ces mêmes deux pistes abandonnent leurs courses locales respectives en LMS et remettent leur destinée entre les mains de Poulin et Romanado, responsables de la série. Ceux-ci signent une entente d’exclusivité de deux ans plus une année d’option avec ACT. Une fois cette étape franchie, ils s’entendent pour présenter les courses de la série avec les pistes qu’ils dirigent.
C’est un peu étourdissant comme tour de manège, mais en un mot, les embuches visant à établir une collaboration en LMS entre les deux pistes sont ainsi éliminées. La magie opère sans trop de concessions et le mariage peut être célébré sans que personne ne s’y oppose. Dans cette stratégie, il faut reconnaitre qu’André Poulin joue un peu au funambule en demeurant partenaire de Nascar pour les classes locales présentées à Chaudière tout en épousant la même recette en LMS que celle qu’il a mise au point avec la Série Sportsman Québec.
Quand on y réfléchit bien, le fait de séparer la gestion des pistes de celle de la Série LMS peut paraitre risquée pour les propriétaires de la piste de Vallée-Jonction alors que Nascar voit, au fil du temps, le nombre de ses options grandir au Canada pour présenter des courses de sa série vedette, la Nascar Pinty’s. On le sait maintenant, la puissante organisation lorgne notamment les pistes sur terre battue pour présenter des courses de cette série qui a connu une progression intéressante au cours des dernières années. Est-ce que le plan mis en place pour la série LMS pourrait éventuellement entrainer une réaction des dirigeants de NASCAR? Seul l’avenir saura nous le dire. Néanmoins, Vallée-Jonction demeure une terre d’accueil intéressante pour la série à en juger par la foule qui était présente en 2022 lors de la présentation de cette course.
Les avantages pour les pilotes
L’annonce du retour d’une série unifiée semble être reçue avec enthousiasme dans le milieu. Déjà, il est connu qu’un fond de points au montant de 20k $ appuyés par XPN Canada sera en jeu pour les dix courses de la Série ACT Québec. Ce montant pourrait grimper de façon substantielle puisque d’autres partenaires se disent intéressés par le projet.
La licence vendue aux pilotes québécois par ACT leur donnera accès aux pistes sanctionnées par cette organisation en sol américain. Ceux qui souhaitent courir à la fois au Canada et aux États-Unis en ACT n’auront plus à débourser pour la licence vendue par Nascar au Québec puisque la sanction locale est abandonnée à Chaudière. Une partie du montant amassé par ACT pour la vente des licences sera remise en prix à la Série « made in Québec ».
Ce sont près de 50 voitures qui sont disponibles dans la province dans cette division et la venue de cette série vise à les rassembler dans un projet commun. « Le marché du Québec est trop petit pour continuer à diviser les équipes entre deux pistes » clame André Poulin. Certains pilotes, comme Éric St-Gelais, pourraient même faire un retour avec cette nouvelle formule. La voiture de St-Gelais serait déjà en préparation.
Un règlement permettra aux équipes d’ici de recourir à un pilote de remplacement le temps d’une seule course par saison. Ce changement de pilote pourra se faire sans pénalité. Ces substitutions seront possibles pourvu que le pilote remplaçant provienne d’une classe équivalente (LMS, Modifié…) ou de niveau inférieur (Sporstman, NASCAR Truck, Vintage…). Il sera donc possible pour un coureur québécois de céder son volant à un collègue américain de la série ACT. Les dirigeants du Québec seront aussi plus flexibles sur le droit aux pratiques dans les jours précédents une course.
12 courses sanctionnées par ACT au Québec en 2023
En plus des dix courses de la série québécoise, ACT sera présent chez nous pour le championnat canado-américain. Deux courses s’ajouteront pour les pilotes LMS et celles-ci seront indépendantes du championnat présenté au Québec. Le nombre d’équipes présentes à cette grande messe d’ACT est généralement fort intéressant et le fait de ne pas tenir compte de ces courses au championnat enlèvera de la pression sur les locaux dans les circonstances.
Des dix courses présentées par la série québécoise, six se dérouleront selon la formule déterminée par les dirigeants de la série alors que les 4 autres courses bénéficieront d’une formule décidée par les gestionnaires des pistes visitées. La créativité locale sera alors permise afin de répondre aux attentes et aux coutumes locales. Malheureusement, l’entente avec ACT ne prévoit pas cette année de laissez-passer qui aurait pu être offert à nos locaux en vue des courses vedettes de fin de saison de la série mère en sol américain (« Free pass ou garanty starter »). En ce qui me concerne, cette option aurait pu ajouter du piquant à ces deux événements majeurs.
Dany Mayrand, qui était déjà un collaborateur d’Howard Romanado à Montmagny, assumera le rôle de directeur de courses de la série québécoise. L’équipe d’officiels et des autres intervenants de la série est pratiquement complète au moment d’écrire ces lignes.
Des règlements unifiés en Sportsman
La saison 2023 sera marquée par des changements significatifs en classe Sportsman. André Poulin était particulièrement fier d’annoncer que toutes les pistes qui présentent des courses de cette division ont opté pour la même règlementation. Dans ce contexte, en plus des pistes visitées par la série, les courses locales qui se tiendront au Circuit ICAR à compter de 2023 seront basées sur une règlementation pratiquement identique. L’objectif de cette alliance est de faciliter l’accès à toutes les courses Sportsman présentées au Québec à l’ensemble des propriétaires de voitures. « Ce sont entre 40 et 50 voitures qui sont disponibles au Québec. L’uniformité de la règlementation vise à consolider le nombre de voitures disponibles pour toutes les pistes et à favoriser la mobilité des équipes », ajoute André Poulin.
Stéphan Guay de l’entreprise Transit annonçait à son tour que l’entreprise qu’il dirige sera de retour comme partenaire majeur de la série Sportsman Québec. Le fabricant et distributeur de pièces automobiles présentera sur les voitures Sportsman un nouveau logo mettant en vedette un produit ou une autre division que celle qui y était jusqu’à présent. Une annonce devrait suivre sous peu à ce sujet et la série changera de nom pour s’adapter à cette nouvelle entente d’une durée de 5 ans.
Les pilotes de la Série Sportsman Québec se disputeront un championnat de dix courses. Une attention particulière a été portée afin d’éviter tout conflit d’horaire avec les épreuves locales présentées dans cette même division au Circuit ICAR. La piste de Montmagny sera la piste reine de la série alors que Chaudière présentera trois courses. Une date reste à déterminer pour compléter le calendrier 2023. Déjà sept recrues sont attendues en 2023, soit Éric et Émilie Lepire, Pierre-Luc Côté, Jonathan Guimond, Sylvain Dionne, Denis Lachance et Kharl Landry. Émilie Lepire sera la troisième femme à piloter une voiture Sportsman dans l’histoire de la série après Kim Labbé et Kara Guénette. La classe Mini Sportsman sera aussi de retour avec une plus grande visibilité en 2023.
Pas de circuit routier en vue
On sait que certaines séries et certains promoteurs du Québec ont convolé en justes noces avec la Grand-Prix de Trois-Rivières au fil du temps. Dominic Lussier, actionnaire des pistes sur terre battue de Granby et de St-Marcel est le dernier à s’être lancé dans l’aventure avec la classe Dirt Sportsman dans le cadre du Défi Urbain. À ce chapitre, le stockcar sur terre battue aura sans aucun doute bénéficier d’une certaine visibilité offerte par le GP3R et ce, bien que la finale de 2022 ait laissé certains amateurs sur leur appétit en raison du temps passé sous le drapeau jaune. Néanmoins, les pilotes ont offert quelques remontées spectaculaires principalement lors de la course de consolation qui elle a été enlevante à souhait.
De l’avis d’André Poulin, l’aventure du GP3R présente un défi colossal. « La participation financière exigée aux séries est importante et les efforts qui doivent être déployés par les équipes pour ajuster les voitures pour le circuit routier ne sont pas à la portée de tous. Nous avons tenté l’expérience avec la Série Sportsman Québec il y a quelques années et je crois que nous avons perdu au change » ajoute le promoteur. À son point de vue, ce weekend de courses a grugé de façon importante le budget de plusieurs équipes au point où certains pilotes ont dû mettre fin abruptement à leur saison par la suite par manque du budget. « Le GP3R est un évènement de qualité, mais la structure financière de nos séries ne nous permet pas un tel investissement pour le moment », complète André Poulin.
Au Québec et sur asphalte seulement
Avec l’expansion que pourraient prendre les deux séries vedettes québécoises, il pourrait être possible d’envisager qu’André Poulin et ses collaborateurs puissent avoir des ambitions plus grandes encore. Questionné à savoir s’il envisage dans un avenir rapproché de les présenter en Ontario ou dans les provinces maritimes, son verdict est catégorique. Il n’est pas question de présenter des courses ailleurs qu’au Québec. Dans le même sens, il ne trouve pas non plus d’intérêt à présenter des évènements sur terre battue comme le fait actuellement la Série Nascar Pinty’s à la piste d’Ohsweken Speedway.
Les camionnettes, classe locale depuis 2019
La défunte série Procam Super Truck qui avait été lancée en 1998 par Rhéal Carpentier est devenue la 2e division de NASCAR à l’Autodrome Chaudière. L’année 2019 a été une de transition pour cette classe qui est passée en exclusivité du côté de la piste de la Beauce. André Poulin a profité de la saison morte pour apporter des changements à la règlementation mécanique afin de s’assurer d’une plus grande équité entre les équipes. Certains changements apportés au fil des ans l’avaient été verbalement. Avec la disparition de la sanction Nascar pour la 1ère division (LMS), les pilotes de ces camionnettes deviendront les têtes d’affiche des classes locales présentées sous cette sanction en 2023.
Sur la voie d’une entente en Légendes modifiées
Des discussions vont bon train du côté des légendes modifiées alors qu’un championnat super 9 avec un fond de points unique est envisagé. Le projet d’entente prévoit neuf courses réparties à parts égales entre le Circuit ICAR, l’Autodrome Chaudière et la piste de Montmagny. Les relations entre les pilotes de ce groupe et les responsables de la piste beauceronne n’étaient pas au beau fixe depuis un certain temps. André Poulin espère que cette nouvelle proposition permettra de rétablir un lien durable pour le bien de tous et que les pilotes qui avaient pris l’option de ne plus se présenter à Vallée-Jonction seront enfin de retour l’été prochain.
Un peu de mouvement du côté de l’Autodrome Chaudière
Du côté de la piste beauceronne, toutes les classes locales seront de retour. En Sport compact, les amateurs pourront compter sur deux divisons, une pour les coureurs aguerris, la classe « Sénior », et une autre pour les pilotes ayant moins d’expérience, la classe « Développement ». Les pilotes Nascar Vintage seront aussi de retour alors que la classe invitée Minimod sera laissée de côté faute d’un nombre suffisant de participants en 2022. Deux Enduros seront aussi présentés.
En conclusion
André Poulin l’homme incontournable du stockcar sur asphalte au Québec
Comme vous pouvez le constater, André Poulin a réussi à étendre son influence au fil des ans sur presque tout ce qui se passe sur les pistes ovales asphaltées au Québec. Il précise que ses intentions sont de favoriser des regroupements où tous les acteurs sont gagnants, et ce, dans un contexte où le sport motorisé est scruté à la loupe et dénoncé en raison du bruit et de son impact présumé sur l’environnement. Il fait partie des quelques ambassadeurs du sport qui préconisent la prévention aux disputes. À cet effet, la piste qu’il gère exigera des silencieux dans plusieurs divisions afin de favoriser le bon voisinage. À son avis, il faut trouver un équilibre permettant à tous les adeptes de compétitionner en offrant une règlementation équitable et qui a un impact réel afin de limiter les couts associés à la pratique de ce sport. Toujours selon lui, la structure actuelle des classes au Québec qui débute avec les Mini Sportsman jusqu’à une série Touring LMS permet à des pilotes de tous les horizons d’y trouver leur compte en fonction de leurs connaissances, de leur expérience et de leur budget. Chose certaine, André Poulin a fait beaucoup de chemin depuis 2006 alors que dans le passé, la capacité à conserver une certaine crédibilité dans ce domaine avait tendance à s’évaporer rapidement. De ceux et celles qui dirigeaient les séries et les pistes au milieu des années 2000, rares sont ceux qui sont encore impliqués de façon aussi importante aujourd’hui. Le nombre des acteurs à la tête de la filière québécoise du stockcar sur asphalte a grandement diminué au fil du temps et seuls quelques passionnés persistent. André Poulin est de ceux-là et il semble bien décidé à poursuivre encore longtemps.