Quand Steve Berthiaume m’a contacté pour devenir chroniqueur pour 360Nitro.tv, j’ai été à la fois surpris et flatté. Il disait trouver que j’avais des opinions claires et que je m’exprimais bien. Il m’expliqua vouloir que je participe, à l’occasion, au direct du vendredi soir et que je lui ponde un article de temps en temps. Jaser de courses devant une caméra, je n’ai pas de problème avec ça, même que j’ai adoré le faire avec Steve, Luc et Martin. C’était il y a 6 semaines mais aucune inspiration pour un texte! Zéro, nada! Il a donc dû me faire une suggestion pour m’inspirer un peu! « Parle nous donc de la carrière de ton père vu par un ti-cul! » Ah? Bonne idée mon Steve!
Les histoires que je vais vous partager, m’ont été pour la plupart racontées, alors je ne peux jurer de leur véracité en totalité! Elles peuvent avoir été exagérées ou romancées avec le temps… Vous comprendrez que Réal a coursé de 1964 à 1982 et je suis né en 1973, donc j’avais 9 ans quand il a arrêté d’être pilote, ce qui fait que mes souvenirs d’il y a 40 ans sont un peu flous. Cependant, j’ai souvent entendu les mêmes histoires racontées par différentes personnes, mais souvent aussi par les mêmes. Car voyez-vous, les gens de courses ont tendance à radoter, surtout après quelques bières! Vu que je ne veux pas vous endormir avec un roman, je vais scinder mon histoire en 2-3 chroniques accompagnées de photos de l’époque.
La carrière de Réal Ledoux commence à un tout jeune âge, selon ses sœurs, dans un bois près de la maison familiale à Granby. Une branche d’arbre lui servant de volant, il arpente les sentiers avec un bon ami en faisant des bruits de moteur avec sa bouche… D’où ça vient? Aucune idée! Assurément, jamais vu de courses à cette époque ni à cet âge et mon grand-père Georges-Henri n’était pas un gars de char non plus! Les vrais débuts sur une piste de course se font sur la glace alors qu’un de ses chums lui demande de conduire sa voiture pour l’occasion. Pourquoi? Faut comprendre que mon père était reconnu dans la région comme étant le coq en moto. La plupart des gars voulaient l’essayer au drag dans la rue, souvent sur le chemin Grande-Ligne pas trop loin d’où se situe l’Autodrome Granby aujourd’hui.
En 1963, à l’âge de 21 ans, première course sur la glace. Il capote! Un vrai rêve! Il revient sur terre assez vite car dans la première courbe, il se ramasse à pleine face sur la batterie sur le plancher côté passager… Trop énervé, y’a oublié de s’attacher! Une fois les nerfs passés, il se met à gagner et on lui offre de courir sur un ovale de terre.
C’est donc en 1964, en catégorie Récent modèle, qu’il fait ses débuts à bord du H17 propriété de Jean Drouin de Granby. Dans la même année, il pilotera aussi le #43 de même que pour la saison 1965 où il remporte sa 1ère victoire sur la terre à Granby en plus de 2 à Sherbrooke et 1 à Drummondville.
Sa réputation commence à se faire et un propriétaire de garage de Granby lui offre de piloter sa voiture #240 pour les saisons 1966 et 1967. Il se nomme John Murray et il est le grand-père de Félix, pilote de sportsman aujourd’hui. Ils remporteront 17 victoires sur les pistes de Granby, Drummondville, Sorel, Magog et St-Élie-d ’Orford.
L’année suivante, il pilote la voiture 2 Jr, toujours en récent modèle, aux couleurs de la Boulangerie Racine dont le fils du propriétaire, Jeannot Racine, s’occupe de la préparation du bolide. Le duo Racine-Ledoux cumule 32 victoires en finale cette année-là! On pourrait croire à une domination mais en fait, il y avait une autre équipe redoutable, soit celle du 08 du duo Doc Gatien-Yogi Leclerc. Ces 2 équipes remportaient presque toujours la victoire sur les ovales de Granby, St-Guillaume, Farnham et Sherbrooke. Tellement dominants que Marcel Guillemette, le promoteur du Rebel Speedway de Granby, décida d’organiser une course avec 2 voitures : le 08 et le 2 Jr! 10 tours avec 2 autos, ça semble être une fausse bonne idée! Mais non! 10 tours avec les 2 coqs qui s’échangent la tête, qui se frottent les ailes, les pare-chocs et les roues. 10 tours où les spectateurs sont debout dans l’estrade, où la moitié prend pour Leclerc et l’autre pour Ledoux. Tellement serré, qu’ils ont fini side by side, mais l’histoire ne dit pas qui a gagné! J’ai même appelé ma mère et elle ne s’en souvient pas… On m’a raconté cette course si souvent que je dirais que les gagnants furent les spectateurs! Mon père m’a toujours dit que Yogi était son plus féroce compétiteur tout en étant propre en piste. Ils se touchaient souvent mais sans se cochonner, comme il disait. Au final, c’était 2 bons chums qui donnaient tout un spectacle!
Sans connaitre la raison exacte, il change encore de propriétaire de voiture pour les 2 saisons suivantes. Même si ce n’est pas clair, j’ai ma petite idée quand même. Mon père était un homme très exigeant envers lui-même et il l’était aussi avec les gens de son entourage. S’il sentait que son équipe ne donnait pas le maximum pour gagner, il devait assurément leur laisser savoir. J’imagine que tous n’avaient pas les mêmes ambitions que lui, ce qui explique la fin de ses relations malgré les victoires. Il pilote la voiture #10 en 1969 et la Mach1 #1 en 1970, toutes 2 propriétés d’un garagiste de St-Luc, Réjean Deslandes. 31 victoires la première année et 26 la seconde. La 2e année, l’équipe avait 2 voitures et le #10 était conduit par un certain Lucien Lamoureux, bien connu des amateurs de courses. Lucien se plaignait souvent que sa voiture était moins performante que la Mach1 de Réal car il terminait rarement devant lui. Mon père lui répétait qu’il avait gagné souvent l’année précédente avec cette voiture et qu’il avait un moteur plus fort dans la 10 que dans la 1. Selon Réal, Lucien ne dosait pas bien la pédale à gaz dans les courbes. Afin de prouver son point, ils échangèrent de voiture dans une qualification : finalement Ledoux a gagné à bord du #10, prenant au passage un tour à Lamoureux dans le #1! Un peu arrogant direz-vous! Mais quand les bottines suivent les babines…
En 1971, c’est la dernière et la plus belle année en récent modèle pour Réal Ledoux. Il pilote la voiture #21, la mythique Golden Falcon bleu et or! Cette équipe de course était selon les observateurs en avance sur son époque. Le propriétaire était un super mécanicien, André Colette de Varennes. Il est le père de Raymond Colette qui a, par la suite, fait lui aussi la pluie et le beau temps en récent modèle et en modifié. Il y avait aussi un certain Gaston Salvas, bien connu de tous comme étant le plus grand officiel que le Québec ait connu. Il était en quelque sorte le cerveau de cette équipe. Mon père me disait que Gaston passait beaucoup de temps à lire des revues américaines sur les voitures de course et sur les suspensions. Les gars étaient 5-6 dans l’équipe, tous habillés bien propres aux couleurs bleues et or de la voiture. Même l’autobus bleu transportant la voiture était superbe! Cette année-là, ils remportent 31 victoires sur les pistes de terre de Granby, Drummondville et St-Grégoire, en plus de remporter une course sur asphalte à Sanair.
L’équipe décide en 1972 de faire le saut en modifié mais sans grand succès. Ils remportent seulement 2 victoires dont une course de 100 tours à Drummondville.
C’était donc le 1er chapitre de cette belle carrière. Je vous reviens bientôt avec la suite à partir de la saison 1973. Cette année marquera la vie de mon père, non seulement en raison de ma naissance(!), mais par la réalisation de son plus grand rêve.
Je n’en dis pas plus, à part à suivre dans le prochain épisode!