WRC ou F1: qui sont les meilleurs pilotes?

Crédit photo : WRC - Jaanus Ree/Red Bull Content Pool

La Formule 1 est reconnue presqu’unanimement comme étant le sommet de la pyramide en course automobile, avec les voitures les plus rapides, les budgets (de loin) les plus élevés et l’omniprésence d’une technologie très avancée à tous les niveaux. Tous les jeunes qui débutent en course automobile rêvent tous un jour de piloter en F1, tout comme les jeunes joueurs de hockey rêvaient tous jadis de devenir le prochain Maurice Richard.

Mais quiconque a regardé quelques étapes d’une épreuve du championnat du monde de rallye (WRC) sait qu’il faut être un peu beaucoup fou pour piloter ces petites voitures à toute vitesse à travers les forêts et au bord des falaises, en se fiant presqu’entièrement aux notes de son coéquipier. La question est donc: qui sont les meilleurs pilotes, ceux en F1 ou ceux en WRC? La réponse n’est pas simple et aucun consensus ne semble émerger quand on pose la question autour de nous. Prenons le temps d’en discuter un peu.

Habiletés physiques

La F1 est un sport très physique. La vitesse en courbe et la puissance au freinage et à l’accélération sont phénoménales et font subir des forces G qu’un humain non-entraîné ne pourrait endurer pour une si longue période de temps. Les courses durent généralement entre 80 et 100 minutes et il faut une force physique hors de l’ordinaire pour résister à ces assauts pendant si longtemps. En WRC, les vitesses sont moins grandes, les forces aérodynamiques ne sont pas une part importante de l’équation et les étapes sont beaucoup plus courtes, généralement entre 5 et 15 minutes. Bien que les deux catégories requièrent une concentration de tous les instants, il semble clair que la F1 est un sport plus difficile au niveau physique.

Difficulté de pilotage

On a affaire ici à deux mondes complètement différents. La F1 consiste principalement à refaire exactement la même séquence de mouvements et de gestes à tous les tours, le plus précisément possible, en se maintenant constamment à la limite, sans jamais la dépasser, tout ça à des vitesses qui peuvent parfois atteindre 350 km/h. Les pilotes F1 doivent aussi avoir des réflexes incroyablement aiguisés pour prendre une décision et poser un geste en quelques millièmes de seconde, en sachant que leur monture ultra-perfectionnée pourra reproduire fidèlement ce geste sur la piste. En WRC, le pilotage est beaucoup plus instinctif puisque la route qui se déroule devant la voiture change constamment. Alors que le pilote F1 doit piloter sans dépasser la limite qu’il connaît bien, le pilote WRC doit constamment trouver cette limite, à chaque seconde. Et il doit par conséquent être capable de récupérer tous les moments où il dépasse cette limite. C’est un combat de tous les instants, sans compter que la moitié de l’information nécessaire à ce pilotage lui provient de la voix de son coéquipier dans son oreillette. Pour moi, il ne fait aucun doute que les pilotes WRC font face à un plus grand défi que les pilotes F1 en ce sens.

Risques encourus

Malgré les vitesses très élevées qu’on retrouve en F1 et les roues ouvertes qui sont une invitation directe aux catastrophes en cas d’impact, les pilotes sont tout de même très bien protégés par une cellule de survie quasi-indestructible, des arceaux de sécurité robustes et des équipements (casque, système HANS, etc.) qui sont de plus en plus évolués. Les circuits sont également des terrains de jeux extrêmement contrôlés, avec des zones de dégagement et/ou des dispositifs de sécurité passive qui rendent généralement les conséquences d’un accident acceptables pour tout le monde. En WRC, étant donné la nature même des routes utilisées pour les différentes étapes, le terrain de jeux est entouré d’obstacles dangereux et la sécurité autour de la voiture et des routes est quasi-inexistante. Ceci étant dit, les pilotes et co-pilotes sont eux aussi bien protégés dans la cage de protection de la voiture et les sorties de route spectaculaires sans conséquences fâcheuses sont très nombreuses. Il reste qu’un arbre peut sectionner une voiture en deux beaucoup plus facilement en WRC qu’en F1. De ce côté, on peut affirmer que les risques encourus en WRC sont plus grands qu’en F1, malgré les vitesses (relativement) réduites.

Courbe d’apprentissage

Il est évident que les deux catégories offrent un spectacle complètement différent et exigent des compétences différentes. La précision exigée pour réussir à piloter une F1 au plus haut niveau est hallucinante. De plus en plus, on fait le parallèle entre un jeu vidéo et le pilotage d’une F1. En oubliant tout le côté très physique du pilotage, on pourrait effectivement penser que c’est le cas. Le pilotage en simulateur est d’ailleurs très utilisé par tous les pilotes de F1. En ce sens, la courbe d’apprentissage est peut-être facilitée pour la nouvelle génération de pilotes. Le fait que les pilotes arrivent maintenant en F1 à un âge beaucoup plus bas tire probablement son explication de ce phénomène, en partie. Pour piloter une voiture de rallye et être parmi les meilleurs, il faut une confiance absolue envers le co-pilote, il faut avoir des réflexes innés pour établir rapidement le lien entre le comportement de la voiture et la façon de la contrôler et une capacité d’adaptation hors du commun. Pour y arriver, des heures et des heures de pilotage sont nécessaires, et aucun simulateur ne pourra remplacer l’expérience sur le terrain, ce «feeling» de la route et de sa surface changeante à chaque passage d’une nouvelle voiture.

Connaissances mécaniques

Une des particularités des courses de rallye, c’est que le duo de pilotes doit être en mesure d’effectuer les réparations d’usage sur la voiture si un bris survient entre deux passages au centre de services (accessible seulement trois fois par jour, pour une durée limitée). Différents outils sont à bord de la voiture et ils doivent se débrouiller seuls pour permettre à leur voiture de poursuivre sa route, ce qui demande des talents avancés de mécanicien. En contrepartie, un pilote F1 doit être capable de transmettre de l’information à son ingénieur de façon très précise sur le comportement de son bolide pour chaque courbe, chaque réaccélération, chaque freinage, et bien sûr, de comprendre le lien entre chaque réglage et le comportement en piste. Pour en arriver à une communication efficace qui débouche sur des résultats probants, les connaissances techniques du pilote doivent être à point.

On pourrait continuer encore longtemps à comparer différents aspects du pilotage pour ces deux catégories. Mais la réalité est qu’il n’est peut-être pas souhaitable de comparer des pommes avec des oranges, même si ça peut lancer de belles discussions. Certains pilotes ont fait le passage d’une catégorie à l’autre, Kubica et Raikkonen étant les exemples les plus récents. Kubica a interrompu brusquement sa carrière en F1 à cause d’un sérieux accident en rallye. Raikkonen, un champion du monde F1, n’a pas si mal paru pendant son séjour de quelques années en rallye mais n’a jamais réussi à se hisser parmi les meilleurs. Sébastien Loeb, la légende du WRC avec neuf championnats consécutifs, a fait quelques essais en F1, qui se sont bien déroulés, sans suite. Dans tous les cas, il aurait probablement fallu laisser beaucoup plus de temps à ces pilotes pour qu’ils apprennent leur «nouveau» métier correctement.

Schumacher et Alonso, sans aucun doute les deux meilleurs pilotes F1 des dernières décennies, ont tous les deux mentionné pendant leur carrière qu’ils ne se sentaient pas capables de piloter des voitures de rallye. Je pense personnellement que cette affirmation en dit plus long que n’importe quelle analyse. Je ne me rappelle pas avoir lu ou entendu un pilote de rallye dire l’inverse.

Et ça m’amène à penser que les meilleurs pilotes en sport automobile se retrouvent dans le championnat du monde de rallye.

La discussion reste ouverte…

Chroniqueur / Photographe
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