Chaque histoire est unique en son genre et le chemin que les pilotes empruntent pour tracer leur voie l’est tout autant. Le parcours dans le monde du stock-car, pour se rendre dans la cour des grands et ainsi se bâtir une belle carrière, est différent pour tous et chacun. Ça ne veut aucunement dire que si tu ne commences pas en bas de l’échelle comme tout le monde pour en quelque sorte faire tes classes, tu ne seras pas voué à connaître du succès et remporter des victoires. La famille a un rôle plus que grand dans la réussite de son protégé. Elle doit être présente dans les meilleurs et les moins bons moments du pilote. Je ne connais, à moins que je me trompe, personne qui a connu une ascension vers les sommets de son sport sans avoir eu des embûches en cours de route. En relisant l’historique de ma conversation avec le pilote prostock #38 Justin Chaput, je crois que je suis tombé pile pour vous raconter la meilleure histoire familiale qui soit. Ça été du bonbon pour moi de relire tout ça et je compte bien vous en faire profiter également.
Il faut remonter au début des années 70 pour voir les premiers tours de piste de la famille Chaput:
«Mon histoire! Je suis la 3e génération de Chaput qui fait de la course sur terre battue. Mon grand-père paternel, Bernard, a coursé dans les années 70-80 en modifié/sporstman. Mon père, Steve, a commencé dans les années 90 dans la classe tourisme/recent modèle pour ensuite aller en semi-pro. Il a également fait plusieurs années en Lightning Sprint et a terminé en Prostock de 2015 à 2022. J’ai mon oncle également qui a gravité autour du monde des courses presque toute sa vie. André Cossette, champion 6cyl à quelques reprises, a gradué en semi-pro et, par la suite, en prostock et maintenant, il me suit dans mes périples».
Toutes ces personnes qui se sont impliquées à bâtir les souvenirs depuis tant d’années, ça vaut tout l’or du monde. Ce que Justin peut en retirer de toutes ces soirées passées à réparer la voiture de son grand-père et quelques années plus tard celle de son père, c’est irremplaçable! Je suis persuadé que le simple fait de franchir la porte de son garage éveille en lui des anecdotes croustillantes qu’il pourrait nous raconter et, en même temps, avoir la larme à l’œil parce que tant de souvenirs ressurgissent. Parlant de moments touchants, et je lui souhaite de tout cœur que ça se produise et se concrétise durant le prochain été, ça serait de pouvoir monter sur la première marche du podium:
«Mon grand-père maternel, Denis Paré, a été préparateur de piste pendant plusieurs années. Un éternel passionné de course qui m’amenait tous les vendredis quand j’étais petit. Il était mon plus grand fan. Ma première victoire va lui être dédiée c’est sûr et certain!».
L’histoire familiale est loin de s’arrêter là parce que son oncle, André Cossette, a gravité presque toute sa vie autour des courses. Il a été champion en 6 cylindres à quelques reprises pour, par la suite, graduer en semi-pro et ensuite en pro stock. De ce que Justin me racontait, il le suit partout et est aux premières loges pour assister à ses prouesses. La relation que ce dernier a avec son oncle est une petite mine d’or pour tout ce qui se rattache à la course automobile. Comment voulez-vous critiquer ou ne pas croire quelqu’un qui a baigné dans la course toute sa vie et sait comment fonctionne un «char» de course ? D’avoir autant de vécu dans son équipe peut s’avérer être un gros plus pour l’apprentissage. C’est-à-dire que si le bolide #38 se retrouve à l’avant et se met à enchaîner les victoires, il pourra soulever la tête vers le ciel et dire merci à tout le monde qui a cru en lui.
Je peux tellement comprendre que c’est décevant quand la mécanique nous lâche. Ça été le cas pour mon père à ses débuts. On veut tellement le meilleur pour notre préféré. Quand on commence l’aventure de la course automobile ou que l’on se retrouve dans une nouvelle catégorie, il y a une certaine période d’adaptation. Les choses ne vont pas toujours comme on veut, mais le simple fait d’avoir toujours le feu sacré est amplement suffisant pour Justin afin de garder le focus dans les moments plus difficiles:
«Le plaisir de courir malgré tout ce qui peut arriver en dehors ou sur la piste. Le feeling d’être assis au volant d’une voiture de course est indescriptible. Tu fais le vide dans ta tête et l’adrénaline prend le dessus».
Je ne sais pas si on peut mettre ça sur le dos d’une puissance surnaturelle 00000..dans ces moments-là, mais force est d’admettre que les plus belles performances arrivent bien souvent quand on ne s’y attend le moins. Le sentiment de réussite est alors deux fois plus fort et qui sait ou cela peut nous mener. Chose certaine, avec la perte d’un être cher comme monsieur Paré, je ne voudrais pas être à côté de Justin sur la ligne de départ parce qu’il va avoir un seul et unique objectif: gagner!
Je relisais l’histoire de Justin et je l’imagine très mal être ailleurs que sur une piste de course. C’est vrai! Avec tout le bagage familial et tous les souvenirs que la famille a dans sa mémoire, le choix a sans doute été facile de se diriger vers les pistes de stock-car pour occuper ses fins de semaine. Qu’est-ce qu’il y a de plus spécial que d’être assis derrière le volant ? Plusieurs éléments peuvent venir expliquer le tout, mais assurément qu’une fois assis dans l’habitacle, le fait que toi seul est maître de ta destinée vient renforcer l’idée qu’il est autant aimanté envers la course automobile:
«C’est vraiment le mix entre la vitesse, la précision et le dépassement de soi. D’être seul avec toi même et de devoir te débrouiller à aller le plus vite possible».
J’ai de l’admiration pour les gens qui osent pousser leur limite jusqu’à mettre leur vie en jeu. J’exagère peut-être légèrement en disant ça, mais le fait de les voir frôler le mur de béton à pleine vitesse, il y a de quoi donner des cheveux gris à ben du monde.
Comme j’ai toujours vu Justin courser en ProStock, il allait de soi que je me devais de lui demander pourquoi avoir choisi cette classe plutôt qu’une autre. Encore une fois, l’histoire familiale a penché dans la balance:
«La première voiture que j’ai conduite est un Lightning Sprint en 2010. J’avais 15 ans. Ensuite, en 2017, mon père alors en prostock m’a fait essayer ma voiture et ma première course a été au RPM. Je peux te confirmer que la première fois, ce n’est pas facile. Ensuite, en 2018, il m’a fait faire une course à Granby dans sa voiture, et en 2019, nous avons partagé sa voiture, et en 2020 j’ai acheté ma voiture prostock. Nous avons fait 2 ans avec nos 2 voitures et ça fait 2 ans que c’est moi qui lui prête à l’occasion. Le choix du prostock était vraiment pour suivre les traces de mon père».
La collaboration entre tous les membres de la famille semble avoir été un élément clé pour Justin pour garder la course automobile chez les Chaput bien vivante.
Avec toute la compétition qui existe entre les pilotes pour devenir les meilleurs de la profession, il faut inévitablement avoir les reins assez solides pour se frayer un chemin dans le peloton de tête. Encore plus quand tout cela implique un changement de cap pour améliorer ses chances d’y arriver:
«Mes quelques tours en Lightning n’ont pas été vraiment utiles dans mon adaptation. J’étais jeune et mon père était stressé que j’aille trop vite. Mais commencer dans un prostock n’est pas évident. C’est un gros bolide pesant qui est dur à sentir, alors mon développement personnel a été long, mais je ne voulais pas sauter d’étape. Je crois que c’est ce qui fait de moi un pilote respecté par les vétérans de la catégorie».
J’ai l’impression qu’il va devenir un pilote à battre et un sérieux prétendant au titre dès cette année. Dans mon esprit, c’est une sorte de héros tranquille. C’est-à-dire que l’on ne le voit pas toujours, mais qui est continuellement dans les discussions. Dans un sens, ça revient à dire qu’il ne faudrait pas le réveiller parce que ceux qui s’amuseraient à le chatouiller pourraient le regretter amèrement.
Je n’arrête pas de le mentionner, mais tous les conseils que les plus vieux de la famille peuvent donner aux plus jeunes sont d’une richesse inestimable. Ayant autant de bagage à tous les niveaux pour aider à son apprentissage, Justin m’assure qu’il n’a jamais senti que l’on lui mettait une pression supplémentaire afin de bien «performer» et que leur relation est au beau fixe:
«Je suis quelqu’un qui me met énormément de pression moi-même, mais je n’ai jamais senti de la pression supplémentaire de ma famille. On a une bonne communication et je prends tous les conseils possibles».
Je suis capable de décoder chez lui qu’il est extrêmement reconnaissant envers toutes les personnes qui gravitent autour de lui et qui l’aident à devenir une meilleure personne et un meilleur pilote.
D’avoir le respect des autres compétiteurs est une chose, mais d’être capable «dealer» avec toute cette pression en est une autre. Chose certaine, il ne manque clairement pas d’ambition et de cran quand vient le temps de se donner une note à la fin de l’année:
«Je pense que oui! Je réussis à bien gérer cette pression. Je suis de moins en moins intimidé par le talent des autres. J’ai pleine confiance en mes moyens et je sais que j’ai les capacités à compétitionner avec les meilleurs de la catégorie. Je sais que j’ai encore beaucoup d’expérience à apprendre, mais je sais aussi que j’ai les bons outils pour être considéré».
Je trouve ça très admirable quelqu’un qui affiche autant de modestie envers soi-même et qu’il sait qu’il est à sa place et que personne ne peut lui enlever.
Je sais que je dois poser la question à nouveau, mais comme le sport automobile est un sport qui demande tellement à plusieurs niveaux, les réponses sont variées. J’en apprends sur vous tous en même temps de savoir qui vous êtes. Non pas comme pilote, mais comme être humain. Qu’est-ce que vous faites pendant ce micro deux secondes ou vous êtes seul dans la voiture avant que les hostilités commencent ? Pour Justin, c’est l’occasion parfaite pour se retrouver avec soi-même:
«Non, j’ai pas vraiment de rituel d’avant course. On valide qu’on a mis du gaz, pression d’air ect, mais une fois assis dans la voiture, j’essaie seulement de faire le vide dans ma tête pour être 100% focus sur la course».
Je suis le premier à admettre que j’aime une course où ça brasse un peu. Ça pimente la soirée, mais quand on sent que ça devient un règlement de compte, ce n’est plus très le «fun» à regarder. Le fait d’être dans un mauvais état d’esprit ne peut qu’ajouter un risque à un sport qui en comporte déjà beaucoup.
En 2025, Justin entamera sa troisième saison à titre de président de la série Farnham Ale&Lager. Une série qui, selon ses dires, ne cesse de gagner en popularité et qui a toujours un très bon «carcount», de 20 à 30 pilotes chaque programme. En plus d’être un pilote régulier de la série, le temps libre ne doit pas signifier grand-chose pour ce dernier. Cela dit, les bonnes relations qu’il a avec les commanditaires et les autres pilotes de la série ont fait en sorte qu’il a décidé de renouveler l’expérience:
«Ça demande un peu de rigueur c’est certain. Le gros de l’ouvrage se fait durant l’hiver, et durant l’été, c’est de s’assurer que tout se passe bien. La dernière course de la série d’habitude je course un peu plus, mais j’ai un bel appui des pistes qui me donnent un bon coup de main tout l’été. Également, Jonathan Lévesque et Jonathan Lemay, qui font partie des commanditaires principaux, me donnent aussi un coup de main durant l’été et, bien sûr, mon père qui m’aide énormément aussi».
Avec un horaire passablement chargé en tant que pilote, pourquoi avoir choisi de s’occuper de la série ? Un challenge de plus ?
«Bonne question, j’imagine que oui un challenge de plus. Au départ, j’avais un contact à la brasserie Farnham et quand Dany Voghel a changé de catégorie, je me suis occupé de distribuer la bière que nous vendions pour la série. Mon père donnait déjà un coup de main à Dany avec le fond de points, alors j’ai décidé de prendre le relais pour pas que la série tombe à l’eau».
Pour faire en sorte que la série ne soit pas sur le respirateur artificiel, il fallait quelqu’un avec le cœur à la bonne place pour s’en occuper. Et je présume que Justin a coché toutes les cases.
Toutes les équipes et leurs pilotes ainsi que toutes les pistes de course sont sur le point de présenter au grand public leur horaire pour la saison à venir, si ce n’est pas déjà fait. Pour l’équipe de Justin, aidé de sa copine, ses parents et son ami Fred, plusieurs sorties sont déjà au calendrier. Près d’une trentaine de courses sont prévues à l’horaire. En plus de son souhait de faire la série DirtCar, on le verra comme pilote régulier du côté de l’autodrome Granby. On devrait voir les pilotes de la série aller faire quelques programmes au RPM Speedway ainsi qu’à l’autodrome Drummond.
L’Ontario et les États-Unis sont aussi dans les plans. Le fait qu’il ait une petite équipe ne semble pas le ralentir dans ses intentions et ses objectifs pour la prochaine saison. Son équipe tente de lui donner la voiture la plus compétitive possible du plateau à chaque programme. Pendant notre conversation, j’ai découvert quelqu’un qui est très conscient de ses limites et qui sait où il s’en va. Il vise très haut pour les saisons qui s’en viennent.
Il va très certainement récolter bientôt ce qu’il a semé trois ans passés au sein de la série Farham Ale&Lager. Plus de compétiteurs, une série qui grandit et un pilote qui risque de faire du bruit par ses succès sur la piste. Tous les ingrédients sont là pour que la recette lève pour lui permettre de connaître du succès des deux côtés.
Bonne saison!