Je présume que l’objectif d’atteindre la cour des grands en course automobile, que ce soit en Modifié ou en Lightning Sprint ou tout autre catégorie, est normal. Il faut monter les marches une à une et on se doit de faire nos preuves au fil du temps. L’idée de faire ses premiers tours de piste en Slingshot par exemple est une entrée en matière qui fait du sens pour arriver à ses fins. Il y a évidemment des histoires qui sortent de l’ordinaire et qui empruntent une route très différente des autres. Ce qui fait la beauté de la chose est qu’aucun chemin ne semble être tracé d’avance. Chacun y va avec les options qui s’offrent à eux quand l’occasion se présente et voilà que l’aventure en stock-car est commencée. C’est «ben» temps mieux parce que le matériel pour dénicher les belles histoires est là. Il suffit de gratter un peu et les faire sortir. Une de ces histoires-là est celle de la pilote en Slingshot Sr, Élisabeth Lefebvre. En raison de son âge principalement, elle a fait le saut directement en Slingshot Sr au lieu de commencer en Slingshot Jr. L’enthousiasme contagieux de la pilote du bolide #20 m’a convaincu et je me devais de raconter son histoire.
Le 28 septembre dernier, la saison s’est conclue avec le clash au RPM Speedway. Les championnats n’étaient pas joués dans plusieurs classes et on entrevoyait de belles batailles tellement la lutte était serrée. Les pilotes de la classe Slingshot Sr n’ont pas fait exception parce qu’on a eu droit à de belles bagarres. Je n’imagine pas toute la pression qui a dû s’envoler de ses épaules après la fin de leur finale, mais Élisabeth avait le titre de recrue de l’année en pleine ligne de mire et ça été mission accomplie: «Écoute, on se sent super bien. On voit que le temps et le travail qu’on met sur la voiture a porté fruit. Je la voulais celle-là!». On sait que les courses automobiles ont ce petit quelque chose d’imprévisible. On a beau mettre tous les efforts nécessaires, mais si la mécanique nous lâche, il n’y a plus rien qui tient. Il faut que tous les maillons de la chaîne soient intacts pour pouvoir rallier l’arrivée. Pour Élisabeth, l’objectif n’était pas tant de finir l’année avec une plaque supplémentaire à afficher, haut et fort, dans son garage, mais plutôt de finir chaque programme de course sur ses quatre roues: «Notre objectif cette année pour la première saison était de finir tous les programmes avec une voiture ronde et de sauver les meubles avec la bonne compétition en Slingshot Sr. Ce n’est pas facile de commencer directement dans les SR sans passer par les JR. L’objectif a été pas mal atteint».
Le plan de match risque de changer en cours de saison si l’équipe n’obtient pas les résultats escomptés. Le titre de recrue de l’année s’est ajouté en cours de route parce que les efforts ont fini par apporter de bonnes performances. Non seulement les bons résultats des premières courses s’accumulaient, mais l’énergie est tout d’un coup devenue à son meilleur: «Je me suis personnellement rajoutée d’avoir la recrue au RPM Speedway voyant les beaux résultats des premières courses. Avec le premier podium à l’Autodrome Granby, le 14 septembre dernier, disons que ça nous a donné un petit boost d’énergie à moi et mon équipe».
Élisabeth Lefebvre n’est pas dans le monde des courses depuis très longtemps. En fait, c’est seulement cette année que l’on a vu le bolide #20 faire ses premiers tours de piste. L’idée de commencer les courses était dans les plans depuis quelque temps déjà et quand Jacob Nadeau a mis son slingshot en vente pour faire le saut en Sportsman, tout s’est enchaîné et la voilà maintenant sur la piste: «J’ai commencé au début de la saison 2024. J’ai acheté la voiture de Jacob Nadeau l’hiver passé pour me lancer cette année. Je pensais à m’acheter un slingshot depuis quelques années et l’occasion est venue Noël passé». Avoir un aussi gros projet en tête peut assurément donner des sueurs froides et des maux de tête à quiconque veut s’y lancer. Imaginer que vous ne connaissez personne pour vous épaulez dans la réalisation de votre projet! Vous venez d’augmenter par le facteur dix le stress occasionné. Élisabeth a quand même décidé de prendre son courage à deux mains et de se lancer littéralement dans le «vide»: «C’était notre projet à moi et ma mère. On s’est lancées dans le vide sans rien savoir et connaître. François, mon conjoint, s’est ajouté entre temps. J’ai appris en tant que pilote et on a appris en tant que mécano aussi». Honnêtement, je dois m’incliner devant sa force de caractère pour avoir osé aller de l’avant sans véritablement savoir ce qui l’attendait. Je lui lève mon chapeau pour sa détermination.
De ce que j’ai pu en déduire, malgré le fait qu’elle était toute seule avec sa mère dans la réalisation du projet, l’idée semblait très arrêtée et réfléchie. N’empêche que cela a dû l’effrayer d’aller de l’avant sans pour autant avoir les ressources humaines pour l’aider. Comme si elle avait besoin d’une pression additionnelle, les bonnes personnes avec les connaissances mécaniques nécessaires n’étaient pas à ses côtés. En plus, elle devait apprendre ce que voulait dire piloter une voiture de course. Étant donné que les courses impliquent beaucoup de choses et que c’est un projet de grande envergure, j’en connais plusieurs qui auraient lancé la serviette. Je peux lire entre les lignes que le dépassement de soi a eu le dessus sur tout le reste et qu’elle ne regrette aucunement de s’être lancée dans l’aventure: «Oui! Étant deux personnes très anxieuses et stressées de nature, l’équipe de Stéphane Nadeau nous a épaulées et ensuite des membres de l’équipe se sont rajoutés dans le garage pour nous montrer plein de choses. Keven et Karl Letendre m’ont beaucoup aidée niveau mécanique et «set up». Aussi une bonne majorité des équipes déjà en Slingshot nous ont accueillies à bras ouverts avec Benoît Berubé». J’ai des membres de ma famille qui souffrent de l’anxiété et je ne sais pas comment elle fait pour surmonter ça. Je comprends que d’avoir une activité pour s’occuper l’esprit aide à diminuer de beaucoup le stress, mais n’empêche que c’est un combat de tous les instants.
C’est un rêve plus facile à réaliser que celui d’embarquer dans les courses de stock-car parce qu’un membre de la famille y est depuis des années. On veut suivre les traces de son père ou de son frère et le cheminement se fait de façon plus naturelle. Ça n’a pas semblé ralentir du tout Élisabeth quant à son objectif d’avoir un jour un volant entre les mains même si elle n’avait pas de modèle familial pour l’aider à le réaliser. Cependant, son meilleur ami est vite devenu son modèle parce qu’elle a voulu suivre ses traces: «Nous étions aux courses chaque fin de semaine, mais personne de ma famille en tant que pilote. J’ai été la première et sûrement la seule. J’ai vu mon meilleur ami, Jacob Nadeau, évoluer dans cette classe et dans cette voiture et cela m’a donné encore plus le goût de suivre son parcours». Elle ne manque clairement pas de cran et d’ambition. Si la petite étincelle qui semble l’animer demeure, on devrait la voir encore plusieurs années sur nos pistes.
Élisabeth a donné ses premiers coups de volant directement en Slingshot Sr. Tout est tombé en place assez rapidement qu’elle a dû se mettre au travail tout aussi vite: «J’ai commencé à 17 ans. Donc, ma place était en Senior. Cela me faisait peur au début, mais finalement je me suis intégrée rapidement et c’était mieux comme ça même si j’avais voulu aller en Junior». Il va sans dire que le facteur stress, combiné au fait qu’aucun autre membre de sa famille n’avait fait de course auparavant, a certainement été multiplié par cent. Je ne sais pas si c’était l’entrée en scène parfaite pour Élisabeth et sa toute petite équipe dans le monde des courses automobiles, mais la routine que les courses lui ont apportée dans sa vie a été quelque chose d’ultra bénéfique dans le processus d’adaptation: «Ma plus grande adaptation a été de gérer mon stress avant les courses et de prendre ma place. J’avais toujours peur de gâcher la course des autres et leur championnat étant donné que je n’avais jamais courser, mais je n’étais pas la seule et tout le monde s’est très vite adapté et j’ai pris ma place très rapidement. Le stress avant les courses est toujours présent, mais j’appelle maintenant ça du bon stress. La routine est toujours la même ou presque. Ce qui fait en sorte que le mauvais stress est disparu». Visiblement, les courses sont venues apaiser son petit cœur qui battait sûrement à toute vitesse à l’approche d’une qualification ou d’une finale. Chose certaine, si elle applique le même «modus operandi» dans la vie de tous les jours, elle va être capable d’affronter n’importe quelle situation.
La question de savoir qu’est-ce qui attire autant les pilotes envers la course automobile est devenue un incontournable. Pour Élisabeth, la partie «plaisir» quand elle embarque sur la piste est primordiale et, de son propre aveu, les meilleures performances viennent en s’amusant: «La vitesse! Cela me permet de tout oublier ce qui me passe par la tête et de vivre le moment présent. C’est sûr que les victoires et les podiums c’est le fun, mais s’amuser, embarquer sur la piste et juste se dire qu’on est là pour avoir du fun, c’est là que tes meilleures courses se réalisent». Je doute que tous les pilotes sont dans le même état d’esprit quand une soirée de course est bien entamée. Cela dit, quand les pare-chocs se touchent et que ça devient un règlement de compte plus qu’autre chose, ils/elles devraient prendre exemple sur Élisabeth et être «zen» avant même d’embarquer dans leurs bolides.
La présence féminine dans le sport automobile est de plus en plus grande. Elles ne font pas seulement acte de présence et ont autant le droit que les hommes de se présenter sur la piste. Cependant, certains d’entre eux n’aiment pas être en leur compagnie et n’applaudissent pas quand elles sont présentes. «Moi, personnellement, pas encore. C’est sûr que tout le monde a une vision différente sur ça et que tu sais qu’il y a des gens en désaccord total. Il va toujours y en avoir. Je me sens totalement à ma place en tant que femme dans un monde d’hommes à la base de tout ça. Nous sommes de plus en plus nombreuses et ceci est génial» me renseignait Élisabeth sur sa propre réalité qui l’entoure face aux commentaires désobligeants qui pourraient l’affecter en cours de route. Rendu en 2024, ce genre de comportements déplacés n’a plus vraiment sa place. Élisabeth semble avoir une très bonne tête sur les épaules. Je n’ai aucun doute dans mon esprit qu’elle va être capable de répondre aux gens qui l’insultent et ainsi défendre sa place.
Le fameux deux secondes où les pilotes sont seuls dans leurs pensées, je suis toujours curieux de savoir qu’est-ce qui les habite. Pour Élisabeth, elle ne ferme pas complètement la porte à la conversation parce que le stress qui l’habite depuis toujours tombe quelque peu: «Sur la fausse grille avant d’embarquer sur la piste, c’est le moment le plus stressant. C’est très long et tu as le temps de penser à trop de choses qui pourraient arriver durant ta course. Pour moi, le moment où je ferme les yeux, c’est le temps de respirer, relaxer et décrocher. Penser à des choses heureuses et qu’on est bien évidemment là pour s’amuser même si tu pars premier en finale et que c’est stressant. Plusieurs pilotes veulent avoir leurs bulles, mais moi j’aime quand des gens viennent me parler car cela me fait oublier que c’est long et stressant. Un coup sur la piste, ta concentration prend le dessus et tu oublis tout». C’est très agréable d’avoir des pilotes comme Élisabeth être aussi facile d’approche.
Les courses occupent une grosse partie au niveau planification. Les pilotes doivent être focus à 200% quand vient le temps d’embarquer sur la piste. Pour ne pas dérailler pendant la saison, certains font d’autres choses que des courses. C’est difficile pour certains, mais disons que le simple fait de ne pas être assis dans sa voiture et aller «voir» des courses est amplement suffisant pour Élisabeth pour ainsi décrocher: «Nous essayons le plus possible. C’est sûr que c’est une grosse partie de notre routine et de discussion à la maison, mais décrocher après les courses et la semaine même avec le travail dans le garage, c’est important. Sinon cela peut aussi affecter le niveau de stress. Ça fait du bien des soirées de courses en étant spectateur et non pilote parfois pour décrocher un peu en effet».
Même si c’est une classe de soutien et un peu plus en retrait que les Modifiés ou les Sportsmans, les Slingshots fontquand même partie du paysage d’une soirée de courses. Il ne faut surtout pas les mettre de côté parce qu’ils ou elles sont les pilotes de demain. Les plus grands champions ont commencé au bas de l’échelle comme tout le monde et ont gravit les échelons pour se rendre dans la cour des grands. C’est sûr et certain que l’on va revoir Élisabeth l’an prochain. À sa deuxième année en Slingshot Sr, elle va être une pilote à surveiller dans la course au championnat. Pour la saison 2025, elle compte être présente à Drummondville, Granby et au RPM Speedway. On lui souhaite plein de victoires et un championnat. Bonne saison!