Peter Béliveau: le trip d’une vie.

Crédit photo : Pierre Chamberland

         Je couvre les courses automobiles comme photographe et je suis surpris que chaque saison apporte son lot de surprises. C’est-à-dire que l’on n’est jamais à l’abri d’une nouvelle qui nous tombe en pleine face au beau milieu de la saison. D’une certaine façon, je comprends tout à fait la décision de certains pilotes qui veulent voir où en est leur progression pour pouvoir décider de la suite des choses. Et pour ça, pas besoin d’être en demi-saison. Une ou deux courses et ça semble être amplement suffisant pour mettre tout ça au clair. Pas surprenant de voir la saison suivante avec son lot de changements et des catégories qui offrent d’excellents spectacles grâce aux mouvements personnels. Un exemple tout frais est Sébastien Gougeon qui a fait l’achat d’un gros bloc pour faire quelques courses et se présenter à Charlotte pour les Worlds Finals. Je crois que les gars et les filles s’investissent à fond pour vivre le «trip» d’une vie. Quand les astres s’enlignent pour que le tout se réalise, c’est du bonbon pour les yeux de regarder tout ça.  

         On a vécu un autre bel exemple de ça le 24 août dernier à l’autodrome Drummond alors que l’on a vu passer sur les réseaux sociaux que le pilote Modlite Peter Béliveau allait faire l’essai d’une voiture modifiée. Avec la venue des Empires Super Sprint cette soirée-là, il y avait de quoi rendre l’événement un peu plus spécial. J’ai évidemment sauté sur l’occasion pour avoir ses premières impressions sur ses premiers coups de volant à bord de ce type de voiture. Je peux vous garantir qu’il a vécu de fortes sensations: «C’est vraiment un type de conduite différent du modlite. Par contre, j’ai adoré le body roll de ce char-là et comment ça travaille. Pis le plus surprenant, c’est le power qu’il y a en-dessous du hood, pis quand ça accroche dans le coin, c’est tout un feeling». Je n’ose pas imaginer que la marche de passer d’un modlite à un modifié doit être extrêmement haute. C’est certain qu’il ne suffit pas seulement de peser sur l’accélérateur et de tourner à gauche, mais de devoir apprendre une mécanique complètement différente. Mais une fois rendu dans le cockpit, les réflexes de pilote doivent revenir assez rapidement.

        

Dans la vie, en général, je suis du genre à penser que la vie nous envoie des signes à l’occasion et qu’il faut saisir l’opportunité qui s’offre à nous quand elle se présente. On est peut-être assis dans la bonne chaise au bon moment, mais disons que pour Peter, il n’était pas question de passer à côté. En plus, il était constamment en relation avec M. Clément Henry: «Depuis mon début chez Performance LAP, c’était un client que je côtoyais régulièrement et à force de parler, c’est venu sur le vif du sujet et la porte s’est ouverte et j’ai sauté dedans, haha». En continuant la discussion avec Peter, disons qu’il n’a jamais vu venir la possibilité de conduire une voiture de type modifié pour la première fois : «Oui, et jamais j’aurais pensé que mes deux saisons modlite m’apporteraient l’opportunité de conduire, dans ma vie, un modifié».

         Pour ne pas dire que je n’ai jamais réfléchi avant d’embarquer dans une telle aventure, je me serais certainement pincé à quelques reprises pour voir si c’était bien réel et que je n’étais pas dans un rêve. Je me serais attendu à la vitesse ou encore à la mécanique en général, mais la plus grosse adaptation pour Peter, quand il s’est assis dans la voiture, a été la force que dégage un modifié à l’entrée d’une courbe par rapport à son modlite. Est-ce qu’on va le revoir à bord d’un modifié la saison prochaine ? Même si c’est pour quelques courses durant la saison, on va se croiser les doigts pour qu’il ait l’opportunité à nouveau de le faire et de montrer toute l’étendue de son talent.

         Des histoires qui sortent de l’ordinaire, j’en prendrais des tonnes. Je veux dire que c’est ces histoires-là que je veux écrire parce qu’elles ne sont pas banales. Ça permet de connaître encore plus les pilotes dans leur intimité et de savoir que leur parcours n’est pas tracé d’avance. Ça ajoute un plus à leur accomplissement. Dans le cas qui nous intéresse, c’est exactement ce qui s’est dessiné pour ses débuts en course automobile. Mis à part son père qui était mécanicien, aucun autre membre de la famille n’était dans le monde des courses: «Ma première course a été la saison dernière en modlite. J’e n’ai jamais fait de course sur la terre battue avant ça. Ça commencé quand j’allais aux courses avec La Peste et mon père qui était son mécano». J’imagine que le rêve du petit bonhomme qui veut à tout prix conduire un modifié n’a cessé de grandir au fil du temps. À force de se présenter à chaque fin de semaine aux pistes et de voir ces voitures rouler à toute vitesse, il n’en fallait pas plus pour faire grandir son rêve. Si on ajoute à ça toutes les histoires que son père lui a sans doute racontées, il ne devait plus tenir en place. Raison de plus pour être plus que reconnaissant envers tout ce qu’il lui est arrivé depuis le jour un de son aventure en course sur terre battue: «Depuis ce temps-là, j’en rêvais de conduire un jour un modifié, mais c’était hors budget. Je me suis penché vers la série modlite qui est beaucoup plus abordable. Finalement, Clément m’a fait vivre un rêve de jeunesse et je ne serai jamais assez reconnaissant envers son geste et sa générosité». Les dés sont tombés en place pour lui et il en a amplement profité.

        

Pour être aussi obstiné, il faut immanquablement être attiré envers quelque chose de très précis que la course nous fait vivre. Il me paraît évident que pour Peter, ça en prend pas énormément pour qu’il se sente à sa place: «L’adrénaline et la vitesse, c’est juste satisfaisant».

         Ce n’est pas un secret de polichinelle pour personne que les courses sont une affaire de famille. Je suis en mesure de vous dire que le simple fait d’être là et d’avoir son support vaut tout l’or du monde. Une question que je me pose est de savoir si c’est une bonne chose de travailler aussi étroitement avec elle ou est-ce que cela peut amener toutes sortes de distractions et ainsi limiter le développement du pilote et de la voiture ? Pour le pilote du modlite #31, c’est exactement le contraire qui s’est passé et la relation avec son père s’est solidifiée plus que tout: «J’étais trop jeune à l’époque pour wrencher après ça. Mais, depuis que j’ai mon modlite, mon père ne manque pas une course et je pense que ça rappelle des bons moments qu’on a vécus quand on allait aux courses ensemble étant plus jeune». Autant  les belles victoires que les championnats acquis au fil des années marquent l’imaginaire, mais rien ne peut, en aucun cas, remplacer les moments père-fils. Certainement que d’avoir eu le dessus sur trente pilotes à la fin de la saison peut être considéré comme le summum des souvenirs, mais disons que d’essayer, et je dis bien essayer, de remplacer les discussions avec le paternel pour se remémorer les bons souvenirs est pratiquement chose impossible à réaliser.

         Cela dit, malgré tout le bagage que son père a emmagasiné depuis les années 1990, on ne peut comparer les deux époques parce qu’elles se retrouvent à des années lumières l’une de l’autre. Non seulement la voiture n’est plus du tout comparable à celle d’aujourd’hui, mais la mécanique est beaucoup plus soignée aujourd’hui. J’aurais pensé que Peter aurait eu le plus gros de l’aide du paternel, mais comme tout est différent de l’époque, il a eu l’aide d’une autre équipe qui a connu beaucoup de succès en Modlite, maintenant rendue en Sportsman: «Non, malheureusement! Setuper un modifié pis un modlite, ce n’est pas la même game. Les setups des années 1990, c’est pu trop à jour. Mais j’ai eu l’aide de l’équipe 117 qui m’a aidé avec les setups de la voiture. Ça par contre, je ne  peux pas le nier, leur expertise m’a permis de «performer» à ma première saison qui, d’ailleurs, m’a fait finir recrue de l’année ainsi qu’une 3e position au championnat. C’est quand même très bien». J’en connais plusieurs qui auraient aimé avoir le même scénario écrit pour eux. Ça a tourné dans le bon sens pour Peter et toute son équipe et ils méritent toutes nos félicitations. 

         Autant les histoires que je vous raconte sortent du lot, autant que le petit deux secondes que le pilote passe à se concentrer, seul dans son monde, le sont également. C’est pourquoi je pose la question, à chaque fois, aux pilotes. Ça m’a fait bien rire qu’ils me répondent «scrap pas le char» instinctivement, mais disons que de ramener la voiture en un seul morceau sans trop pousser la machine a toujours été l’ultime but à atteindre rendu à la fin de la soirée: «Pas de farce, ramener le char rond a toujours été mon objectif. J’aurais pu être plus gourmand et plus agressif à toutes mes sorties, mais prendre des risques, ça en valait pas la chandelle. En modlite, on course pour gagner 60$ de bourse. Ça couvre notre entrée et un cheese double. Donc, risquer de briser l’auto, ça ne vaut pas la peine». Je comprends que de ménager la monture quand on ne gagne pas dans les cinq chiffres est très sage comme décision. Cela dit, on voit que ça peut rapporter des dividendes. Il suffit d’être patient.

         Dans le même ordre d’idée, la patience semble être de mise pour l’équipe du #31 quand vient le temps d’embarquer sur la piste. Ce n’est pas nécessaire de passer tout le monde dès le premier tour. Il suffit de laisser aller la course et d’attendre les opportunités. C’est une bonne manière de voir les choses considérant que la course automobile est un sport dangereux. Ça permet également de faire baisser la pression: «J’essaie de ne pas penser à rien et je me réconforte toujours en me disant: prend pas de risques inutiles, un tour à la fois et tout va bien aller». Visiblement, c’est une stratégie qui a fonctionné parce qu’il a obtenu du succès pendant la saison.    

         Plusieurs pilotes sur le plateau ont un surnom. Comme pour le style de pilotage, le surnom définit en quelque sorte la personnalité de quelqu’un. Je crois que cela amène une certaine diversité et c’est un plus à mon avis que d’avoir des pilotes qui se complètent même s’ils sont en compétition une fois rendus sur la piste. Ça n’a rien à voir avec le titre de ma chronique, mais pourquoi Au p’tit tour ? D’où ça vient ce surnom-là ? Disons que Peter est allé à l’encontre de certains conseils qui lui ont été donnés et force est d’admettre qu’il a bien fait de suivre son instinct: «Parce que Keven me dit toujours que c’est plus vite virer au large pis moi je gagne toujours petit tour en bas».

         Maintenant que la saison 2024 est terminée, l’heure est maintenant au bilan. Qu’est-ce qui attend Peter Béliveau pour la saison 2025 ? Malgré le fait que ça fait seulement 2 ans qu’on le voit sur les différents circuits, son modlite est déjà vendu et il est temps pour lui de passer à autre chose: «Pour ma part, la voiture 31 modlite est vendue pour des projets personnels. Pour ce qui est des courses, ça reste à suivre. À la base, c’était un trip, mais Clément a pris goût aux courses et semblerait vouloir me refaire conduire». En terminant notre petite conversation, malgré le fait que ça a duré que quelques saisons, il m’assurait qu’il a vécu son trip à 100% et qu’il ne regrette aucunement sa décision de l’avoir fait. Pour ce qui de son attirance envers la course automobile, disons qu’il ne la met pas de côté et on risque peut-être de le revoir éventuellement sur la piste: «L’étincelle est en pleine expansion». 

          Je continue d’aimer l’écriture autant que vous continuez d’aimer les courses. Des histoires comme celle de Peter méritent que l’on s’y attarde et qu’on la raconte. C’est divertissant de voir par quel chemin les gens ont passé pour se rendre dans l’univers du stock car sur terre battue. Pas un chemin tracé n’est pareil. Si tel est le cas, Peter semble avoir une super équipe qui l’entoure et qui est prête à ce que l’aventure ne se termine pas ainsi et le fasse changer d’idée. On va se croiser les doigts pour qu’il revienne la saison prochaine.

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