Aryane Imbeault: la pédale au plancher.

Crédit photo : Pierre Chamberland

         Une autre pilote que j’ai appris à connaître durant la saison est la pilote du sportsman #29A, Aryane Imbeault. Elle course dans la même catégorie que son frère. À la voir manier le volant comme elle le fait, elle n’a aucunement à justifier sa présence dans le peloton. Son sourire contagieux et sa fougue sur la piste font en sorte que ça été une super belle découverte pour moi. Malgré le fait que c’est une classe ultra compétitive, elle n’a pas peur de peser sur le champignon et fait sa place parmi les meilleurs de la profession. Elle met son nom sur la «map» de la plus belle des façons. Je me serais attendu à la rengaine habituelle pour ce qui est du début de son aventure en course automobile, mais disons que son histoire sort légèrement des sentiers battus:

«Ça fait 6 ans cette année que je course. J’aimerais bien ça te dire que j’ai grandi aux courses bla bla bla, l’histoire parfaite. Mais pour ma part, l’histoire a commencé sur le bateau au chalet, 2,3,4 bières dans le corps. hahahah Mon père a lancé: toi, tu veux-tu courser?J’ai dit oui! Mon père est un homme de parole, fac la semaine qui a suivi, y’a acheté ça pis on est parti aux courses sans trop savoir comment ça marchait. Keven, mon mécano en Slingshot, est resté des soirées pis des soirées dans le garage à perfectionner ce petit char-là qui a l’air ben simple, mais qui est sincèrement plus complexe qu’on le pense haha!».

Je me suis laissée dire effectivement que la mécanique d’un slingshot peut donner de bons maux de tête à ses mécaniciens. Les longues nuits passées dans le garage à peaufiner la voiture ont visiblement porté fruits, parce qu’il était temps pour elle de faire le saut en sportsman:

«Pis un jour, yé venu le temps de faire le saut en Sportsman. Fred, mon crew chef, m’a prise sous son aile. On travaille fort, semaine après semaine, pour essayer d’apporter ça en avant. Pis un jour, je suis sûre que tous ces efforts-là paieront».

         Avec le coté imprévisible de la course automobile, les équipes ne peuvent pas se permettre une soirée de relâche. Je suis persuadé, qu’avec de la persévérance, comme elle semble le démontrer, que ça va mener à quelque chose et le devant du peloton qu’elle souhaite va être accessible à chacune de ses présences. Il faut savoir créer sa propre chance et la camaraderie qui existe avec son frère Sean, le succès de l’équipe ne peut qu’en bénéficier. Je ne suis pas inquiet du tout que le tour d’Aryane va venir et qu’elle pourra en profiter. La très belle saison que Sean a connue ne peut qu’apporter des dividendes, du positif, à tout le monde dans l’équipe.  

        

Comme tous les pilotes, Aryane fait son petit bonhomme de chemin pour atteindre le sommet. Elle fait, comme la majorité, ses classes et quand le moment est venu de monter à un autre niveau, elle gradue dans une classe supérieure. Certainement que cela a dû lui demander une certaine période d’adaptation une fois rendue en Sportsman, mais la relation avec son mécano en chef est très solide. Le reste est juste venu tout seul:

«Ça s’est vraiment bien fait. Comme dirait Fred, mon crew chef, je n’ai pas peur de peser sur le gaz. Le plus dur, ça été de m’apprendre à braker hahah! Après, ça été de l’adaptation. On a cherché longtemps notre set up parfait. On a fini par le trouver, pis ben ça été d’apprendre à virer au large. Mais ça n’a pas été trop compliqué parce que c’est ça que j’aime des courses. Moi, faire le petit rond en bas, ça ne me fait pas trop vibrer. Ma place est au large, dans mon bureau, comme dirait Fred».

Certaines personnes pourraient penser que c’est peut-être avec une petite dose d’arrogance qu’elle dit ça mais, personnellement, j’adore ça quelqu’un qui ne manque pas de confiance et qui fait sa place. Et comme elle me l’a si bien dit pendant notre conversation, avec un sourire en coin, en étant une fille de course, elle finit par jouer dans la tête des autres. À mon avis, c’est l’attitude à avoir pour pouvoir garder sa place. Comme elle semble ne pas savoir où se trouve la pédale de frein, il ne faut pas chercher midi à quatorze heures la raison pourquoi elle est toujours présente.

         Je ne devrais même plus poser la question parce qu’il y a de plus en plus de femmes dans le sport de la course automobile et qui ne font pas juste acte de présence. Mais ma petite voix intérieure me dit que je dois le faire. Pourquoi? J’en ai aucune idée. Probablement qu’il y a encore des gens de la vieille école qui pensent que leur place est ailleurs que sur une piste de course. Un désir continu de vouloir apprendre a été la clé pour Aryane afin de faire sa place et ainsi la garder:

«Oui! Je pense que j’ai su faire ma place. J’ai un bon caractère pis je pense que ça m’a aidée à faire ma place dans ce monde-là.  Malgré ce que les gens pensent, je travaille sur ma voiture à chaque semaine avec mon mécano. J’ai le désir d’apprendre pis s’il y a quelque chose que je ne suis pas capable de faire, je n’ai pas peur de le dire et demander de l’aide pour l’apprendre. Travailler sur sa voiture, ça l’aide à comprendre comment elle agit. Mon mécano et moi, on a une bonne communication pis on travaille en équipe pis ça, c’est réellement la clé. Parce que même si ça l’air d’un sport individuel, la course automobile est un sport d’équipe pis de collaboration. Je pense que j’ai toujours su faire ma place dans ce monde-là à ma façon». Elle n’a rien à prouver à personne, elle sait comment conduire une voiture de course. 

        

La méchanceté de certaines personnes peut certainement affecter le moral des troupes. De toutes les conversations que j’ai eues avec les femmes qui sont présentes dans ce monde-là, il n’y en a aucune qui serait encore présente aujourd’hui si elles n’avaient pas su faire face à l’adversité.

«Je ne sais pas si c’est parce que le monde sait que j’ai un fort caractère, mais pour être honnête, non je n’ai jamais eu des commentaires parce que j’étais une fille» me disait Aryane sur la réalité qui l’entoure envers les mauvais commentaires. N’empêche qu’elle doit avoir une méchante bonne carapace pour éviter que cela ne l’affecte trop personnellement. Au contraire, sa motivation est dans le tapis et son désir d’apprendre est encore plus grand:

«Non! Je pense juste que dans la vie ça prend des bons pis des moins bons commentaires pour évoluer et s’améliorer. Des fois, des moins bons commentaires ça «mind» à prouver le contraire aux gens. Pis, dans vie, on dit souvent parlez-en en bien ou parlez-en en mal mais parlez-en! Faut parler des filles aux courses. Depuis quelques années, les filles deviennent de plus en plus nombreuses aux courses. Je prends l’exemple des filles Lauzière! Pour moi, ça c’est beau à voir». Disons que les langues sales ont de moins en moins d’arguments pour défendre leur point de vue. Elles y sont nombreuses et elles ne sont pas là seulement pour leurs beaux yeux. Elles tournent au large pour défendre leur position et font leur place comme tout le monde.

         Pour être aussi captivé envers la mécanique et la course automobile, il faut forcément avoir une attirance démesurée envers ce qui occupe nos fins de semaine. Pour la pilote du bolide #29A, les courses ont mis sur son passage la rencontre de nouvelles personnes qui sont devenues, au fil du temps, des relations très précieuses que jamais elle ne va oublier: «Y’a plein de raisons. Je dirais l’adrénaline que ça procure. La sensation, la fierté, mais y’a aussi le côté familial. Les courses ont mis des gens précieux sur mon chemin qui sont devenus la famille pour moi. J’ai hâte de gagner ça avec eux à mes côtés».  La famille des courses automobiles crée des liens très forts que personne ne peut venir interférer et ainsi briser tout ça. La confiance devient inébranlable et, même si elle n’est pas dans les premières positions immédiatement, ce n’est qu’une question de temps avant qu’elle y soit. Comme elle bâtit quelque chose de solide depuis le tout début, c’est simplement une fichue de belle histoire qu’elle est en train de nous écrire. À nous de la rapporter et de la raconter!

         La famille est au cœur de l’aventure en course automobile. Tout le monde, sans exception, m’en parle. C’est important d’avoir son soutien en cas de mauvaises soirées ou d’une bonne journée. C’est un peu comme une bouée de sauvetage. Elle va toujours être présente quoiqu’il advienne pour écouter. Est-ce que de courser avec et contre son frère dans la même catégorie amène son lot de distractions ? Pour reprendre ses propres mots, disons que le paternel est bien fier de ce qu’ils deviennent et la relation qu’ils ont développée au fil du temps: «Pour être honnête, les courses ont soudé notre relation encore plus. On s’aime vraiment beaucoup, pis aller ensemble aux courses, on a vraiment du fun. Le monde pense qu’on est en rivalité, mais loin de là. On est fiers un de l’autre pis on s’aide quand on a besoin un de l’autre. Mon père est bien fier de ça, je pense».  J’aurais pensé que ça aurait amené de la bisbille dans la famille, mais force est d’admettre que tous les membres de la famille travaillent dans la même direction. L’esprit de compétition existe quand même parce qu’une fois rendu sur la «track», c’est chacun pour soi: «Oui une belle! Quand on est un à côté de l’autre sur la piste, c’est sûr qu’on fait attention parce qu’on sait que c’est des heures dans le garage, mais on fait notre course».

         Je pourrais mettre ça sur le dos du soleil dans les yeux ou encore juste le fait de cligner des yeux, mais toujours est-il que les pilotes sont seuls au monde dans leur voiture à l’approche de leur finale respective. Ils se concentrent à faire ce qu’ils font de mieux: piloter! Pour Aryane, elle ne pense pas à cinquante mille choses: «Je visualise ma course. J’essaie de penser à rien d’autre». Pourquoi faire compliqué quand les trois principales choses à faire sont de peser sur l’accélérateur, de tourner à gauche et virer au large ?

         Le sport comme tel est dangereux et comporte son lot de risques. Cela doit engendrer un stress énorme sur son quotidien en plus de devoir ramener la voiture en un seul morceau à la fin de la soirée. Je perçois chez elle qu’elle a une très bonne tête sur les épaules et qu’elle a une bonne philosophie de vie: «Des accidents, ça peut arriver n’importe quand, pis à n’importe qui. Donc, t’es mieux de ne pas penser à ça parce que sinon tu courses avec une peur pis la peur, ça ne fait pas avancer». On est en droit de penser que ce n’est pas tout le monde qui a cette manière de penser. Certains soirs, il y a tellement de drapeaux jaunes et le fait qu’ils finissent leur course à 15, 16 voitures après être partis à 25 ou 30 «chars» me fait penser que certains n’étaient peut-être pas dans un bon état d’esprit quand ils ont amorcé la soirée. Pas forcément en sportsman, mais de façon générale.

          Je me doutais de sa réponse, mais j’ai tout de même lancé la perche dans le but d’en avoir une différente. Comment le fait d’être toujours assis sur un banc avec la clé anglaise dans le garage à réparer la voiture, soir après soir, peut laisser le temps aux pilotes de faire autre chose ? S’évader semble être mission impossible, mais Aryane garde toujours une petite place pour ses amies dans son horaire et ainsi ne pas penser aux courses: «Pour vrai, oui je finis par décrocher un peu pis y faut. Je travaille, je vais à l’école, j’ai mes amies, mon chum, ma famille. Je finis par réussir à décrocher un peu c’est sûr».                  Une autre belle découverte pour moi cet été. Je tente de diriger mon kodak dans de nouvelles directions à chaque week-end de course. Évidemment que d’avoir un beau sourire comme Aryane aide grandement ma tâche de la connaître davantage. J’espère vous avoir fait découvrir l’athlète sous un nouveau jour, mais aussi l’humaine qui se cache derrière. S’il y a trente sportsmans un soir, ça veut dire qu’il y a potentiellement trente histoires différentes à raconter. J’ai pigé le numéro #29A pour ce 25e texte et j’espère que vous allez avoir autant de plaisir à lire mon texte que j’en ai eu à engager la conversation avec elle. 

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