Benjamin Chouinard: une détermination hors du commun.

Crédit photo : Pierre Chamberland

La saison 2024 a été marquée par la satanée pluie qui n’a cessé de faire annuler la programmation des différents promoteurs. On a eu des courses au compte-gouttes. Pour moi, c’est l’occasion parfaite pour faire le plein de matériel afin de ne pas me retrouver devant rien et attendre que les gens me répondent. Je ferais mes petites entrevues de toute façon, mais disons que la réception de tous et chacun est beaucoup moindre quand une semaine est bien remplie que si j’essaie d’entretenir la conversation pendant une fin de semaine où la pluie est la grande gagnante. Si le ou la pilote a connu une fin de semaine de misère, on n’en parle même pas.  Ça serait un véritable «long shot» de faire la tentative. Remarquez bien que cela ferait probablement un des plus beaux textes au monde, mais vraiment pas certain que c’est une bonne idée d’avoir le témoignage à chaud du principal intéressé. Du moins, pas toujours!

         Ce n’est pas un secret de polichinelle pour personne que j’aime le côté imprévisible de la course automobile. Le fait qu’un pilote part de l’arrière du peloton un soir et gagne la course, il peut connaître une soirée de misère le lendemain. La chance peut coller à un pilote qui n’en a pas très souvent et lui permettre de commencer à prendre goût aux courses. Je suis persuadé que certains aiment aussi le visage inattendu des courses. Au final, ce sont tous ceux et celles qui assistent au spectacle qui vont en bénéficier.

         On ne sait jamais vraiment ce que l’avenir nous réserve. Pour ma part, je passe un été formidable à prendre des photos, et pour les pilotes, courser le plus de week-ends quand les prévisions météorologiques le permettent. Le fait d’avoir quelques fins de semaine loin de l’action, même des mois, peut très certainement nous forcer à se poser des questions sur la suite des choses. Peu importe où la vie nous dirige, on est confronté parfois à faire des choix déchirants à savoir: est-ce que je continue ou pas ? J’ose imaginer que ça fait partie des courses et que l’on n’y peut rien.

        

Je me suis entretenu avec un gars qui ne manque clairement pas de courage, d’ambition et qui a une détermination hors du commun. Benjamin Chouinard, pilote la voiture #21B en Lightning Sprint, fait partie de l’état-major de leur association, étant leur président. Pour ceux qui se souviennent, l’an dernier, il avait dû entrer aux puits en raison de boucane qui s’échappait de sa voiture. Il savait très bien qu’une «job» de moteur l’attendait. Au cours de cette saison 2024, il a eu un gros accident qui l’a forcé à rester hors des courses pour un bon moment. Malgré une voiture bien endommagée et un physique hypothéqué, il est sur la bonne voie pour un retour en piste. Peut-être même dès cette saison. On a chapeauté les deux volets, celui de pilote de course et celui de président.

         Quand on prend les rênes d’une association, il faut forcément avoir les reins assez solides pour la diriger. En étant de nature à vouloir continuellement améliorer les choses, il n’a pas hésité une seule seconde avant d’embarquer dans l’aventure: «J’étais déjà impliqué dans l’association. On est une belle gang. Donc, m’impliquer était logique. J’ai accepté le poste de président, mais je voulais être entouré. Parce que selon moi, c’est en étant entouré qu’on prend de meilleures décisions dans des situations plus difficiles». Avec autant de personnes autour et plusieurs choses à gérer en même temps, je ne sais pas comment il trouve toute l’énergie nécessaire pour arriver à jouer sur les deux fronts. En plus, ayant été victime d’un accident assez sérieux, il doit complètement reconstruire sa voiture. Je m’interrogeais sur les motivations qui le poussent à vouloir aller de l’avant et quels étaient ses objectifs pour mener la série.

Pour Benjamin, l’aspect familial est un élément très important à garder en tête pour amener la série ailleurs: «De conserver ce qu’elle a toujours été. Une série où les membres s’entraident, esprit de famille et d’avoir des courses propres tout en donnant un bon spectacle. Je sais que depuis le début de l’année, on n’a pas eu des soirées avec beaucoup de voitures. On a été plus de 20, mais pas souvent. Mais on reste une classe de soutien. On a toujours les mêmes réguliers, mais les autres viennent quand ils veulent et c’est correct aussi».    

         Avec un programme chargé qui peut comporter jusqu’à sept classes, il doit devenir difficile de sortir du lot et d’attirer les gens vers la série. Malgré le fait que le nombre de voitures est en dents de scie depuis le début de la saison, les efforts ne sont pas ménagés pour l’augmenter à chaque soir et la rendre un peu plus attrayante: «De mon souvenir, les LS, ça toujours été en montagne russe les car counts. Je ne m’en fais pas trop avec ça. La plupart des gens qui ne viennent pas, c’est parce qu’ils ont autres choses de planifiées. Donc, c’est hors de notre contrôle. Comme à Cornwall, on bonifiait les bourses à 200$ pour prendre le vert. On fait tirer des barils de VP. Donc, oui on essaie, mais comme je te dis, ceux qui ne sont pas là, c’est parce qu’ils ont des empêchements familiaux ou budget (si moteur brisé ou accident). On est une classe de soutien, pas des mods avec des budgets dans les 5 chiffres». Effectivement, c’est un beau défi à relever que d’amener la série à un autre niveau. Comme il est également pilote à temps plein, c’est une raison de plus pour admirer son travail. Seul l’avenir va nous le dire s’il poursuivra l’aventure ou non quand il reviendra en piste, mais je n’ai aucun doute dans mon esprit que la série est entre bonnes mains.

        

N’ayant pas d’auto pour le moment, le temps lui est accordé pour se concentrer un peu plus à la série comme président. N’empêche que d’avoir deux chapeaux à mettre durant la présente saison ne doit pas lui laisser beaucoup de repos. De là l’importance d’avoir de bonnes personnes autour de lui pour l’aider quand il doit embarquer sur la piste: «Ça va assez bien! C’est sûr que là, n’ayant pas d’auto, j’accorde plus de temps lors des soirées pour faire le tour des pilotes, aider ceux qui ont des problèmes avec leur voiture. Sinon, quand j’ai mon auto, je suis un peu plus détaché. Annie-Claude me donne un bon coup de main pour ce qui est de gérer la pige et les inscriptions. Quand je disais que je voulais m’entourer, c’était justement pour avoir des gens sur qui compter pour s’assurer que la roue tourne même si je course». Il me mentionnait avoir eu peur du défi qui l’attendait parce que ce n’est pas écrit nulle part la réalité à laquelle tu dois faire face en prenant ce rôle-là. Comme je disais, je n’ai même pas peur pour lui, il va amener la série où il le veut et relever le défi haut la main.

         Une de ses tâches est de communiquer le plus d’informations possibles aux membres de l’association en ce qui a trait à toute la réglementation pour que ça soit clair et compris par tout le monde. Il y aura toujours des mécontents qui vont tenter de tirer leur bout de couverture pour avoir le maximum, mais la collaboration avec un nouveau président semble bien se passer: «Tout va bien! Les membres sont impliqués. J’ai le titre de président, mais on est une association. Donc, les membres sont aussi importants. C’est sûr qu’il y a certains règlements ou décisions qui ne plaisent pas à certains, mais c’est tout le temps voté par les membres. J’essaie de donner le plus d’informations possibles pour que les gens puissent voter en connaissance de cause aussi». Il y a 25 membres avec carte, mais en tout, c’est un total de 37 membres qui ont pris part aux courses cette saison.

         La prise de décision, qu’elle soit facile ou non, va nous suivre pour le reste de nos jours. Il est pratiquement impossible d’avoir tous les arguments en notre possession pour avoir la décision la plus éclairée possible. Seul le temps va finir par nous dire si on a fait un bon choix. Le chemin pour se rendre à destination est très souvent parsemé d’embûches. Pour Benjamin, il est encore trop tôt pour dire s’il va revenir la saison prochaine comme président, mais il est plus que content d’avoir saisi l’opportunité qui s’offrait à lui: «Ce n’est pas toujours facile, mais d’avoir des gens dans le comité d’administration, ça aide beaucoup. Je ne regrette pas, non. Pour ce qui est des prochaines années, je verrai en temps et lieu. Une saison à la fois». Pendant mon cheminement académique, surtout à ProMédia, école de radio et télévision, on nous a vanté pendant les six mois qu’a duré la session l’utilité de pouvoir remplir son coffre à outils. Je peux vous garantir que je n’étais pas du tout la même personne à la rentrée qu’à la sortie. Ce n’est pas obligé d’être du matériel, mais disons qu’une confiance en soi nettement améliorée ou encore une assurance renouvelée devant un auditoire est amplement suffisant. Je crois que c’est dans cette optique-là que Benjamin a pris le poste de président.

         Les courses sont mises de côté depuis quelques semaines déjà en raison de son accident. Je pensais qu’il pouvait complètement écarter les courses de l’équation, mais la reconstruction de la voiture ne se fera pas toute seule. Comment fait-il pour joindre les deux bouts ? C’est surtout pendant l’entre saison que le gros du travail se fait: «Je dirais que c’est l’hiver que ça demande plus de temps. Planifier le calendrier. J’ai révisé beaucoup de règlements l’hiver dernier. C’est sûr que c’est plus de temps que de juste préparer une auto».

         Considérant qu’un accident, dépendant du budget accordé pour les courses, peut hypothéquer lourdement la saison et certainement en affecter le moral du principal intéressé. Les commanditaires peuvent soutenir, monétairement ou en pièces, l’équipe et son pilote, mais les dépenses sont tellement plus que ça. J’ai voulu également prendre des nouvelles de sa santé physique et mentale. Je ne pense pas qu’il est du genre à abdiquer facilement, mais l’accident a laissé un trou béant dans la planification du futur: «C’était mon premier accident. Je n’ai pas pensé abandonner. Mais ça été un coup dur. Je vais aux courses avec mon portefeuille. Donc, quand j’ai vu le devant de l’auto tout brisé, je savais que ça allait coûter cher revenir aux courses. Sans farce, quand j’ai vu l’auto toute brisée en avant de ma remorque, je savais que j’avais affaire à un gros projet. Sans savoir si je la remontais. Ma première pensée était, ça va coûter combien»? Plusieurs auraient lancé la serviette mais, dans son cas, c’est avec une volonté de fer qu’il a décidé de regarder vers l’avant. On l’a vu à travers les réseaux sociaux tout le processus qu’il a dû faire pour remettre le châssis de sa voiture bien droit. Cela a demandé une collaboration élargie de bien des gens impliqués dans le milieu des courses pour que le bolide 21B soit sur la bonne voie pour un retour en piste.

         Pour ce qui est de sa santé physique, ça cogné quand même assez dur puisqu’il est à l’écart depuis. Une bonne réhabilitation, suite aux graves blessures subies lors de son accident, fait partie de son quotidien: «Ça pris 5 semaines avant de revenir correct. J’ai eu le ok après 6 semaines. Ça cogné fort, oui; 3 côtes de déplacées, une fêlée et le disque et le sacrum et coccyx écrasés». Le médecin a donné son approbation pour un retour éventuel en piste et, en juillet dernier, au RPM Speedway, il a pris le volant de la voiture de Raphaël Neiderer. J’ai sauté sur l’occasion pour lui demander s’il avait eu de bonnes sensations derrière le volant et il m’a répondu qu’il avait super hâte de rembarquer et que la flamme était ravivée. C’est vraiment de bonnes nouvelles à entendre de sa part étant donné son inactivité depuis plusieurs semaines.

         De ce que l’on raconte, peu importe ce qui nous arrive, on veut immédiatement remonter en selle pour dissiper les doutes dans notre esprit à savoir si on est correct ou non. C’est du domaine du psychologique, mais on veut tout faire pour revenir comme c’était avant même si ce n’est plus réellement le cas. Donc, craintif de revenir en piste?: «Un peu oui. Je ne pensais pas aux accidents jusqu’à temps que ça m’arrive. Ça fait partie du risque des courses. Mais oui, il y a une petite crainte loin dans ma tête». Je suis vraiment content qu’il soit revenu en pleine forme et maintenant prêt à attaquer le reste de la saison s’il est capable de rebâtir sa voiture à temps.

         Pour alléger tout ça, j’ai pensé lui demander s’il allait changer quelque chose sur la voiture, histoire d’éloigner le mauvais sort qui s’acharne sur lui depuis deux ans. Aussi niaiseux que cela puisse paraître, la couleur va demeurer telle quelle: «Oui! Je trouve que le match de couleurs est parfait! Jusqu’à temps que j’aie une autre illumination de mixte de couleurs, haha! Mais j’aime le mauve! Ça fait partie un peu de mes racines».

            On en sait un peu plus sur son rôle de président. Une discussion franche également sur la réalité qui habite un pilote automobile pour qui le portefeuille personnel est le centre des décisions. Comme je le mentionnais, les commanditaires apportent un certain soutien financier, mais ne comblent pas tous les trous que peuvent laisser les courses dans un budget. Je ne sais pas si j’ai découvert un pilote avec une volonté de fer, mais force est d’admettre que son courage et sa détermination font de lui une personne exceptionnelle et qu’il fait bon de discuter avec lui. C’est toujours un réel plaisir de jaser avec toi mon ami et de te serrer la main pendant une journée de course.

Bonne chance pour la suite en espérant que la pluie ne vienne pas trop contrecarrer tes plans de revenir dès cette saison.   

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