Alan Therrien: les valeurs aux bonnes places.

Crédit photo : Pierre Chamberland

Quand j’ai commencé en 2014 à suivre le sport motorisé en général, que ce soit le snocross l’hiver, les courses de motocross et de VTT l’été, je n’avais évidemment aucune référence. Je partais complètement de zéro et je devais tracer mon propre chemin. Je me présentais sur les différents sites d’événements et je me suis très vite rendu compte que si je ne faisais pas un certain travail de «reconnaissance» avant que la compétition ne commence, j’allais perdre mon temps. Comme j’étais le petit nouveau, je me devais de trouver mes repères et de montrer de quoi j’étais capable. Quand je me présentais pour une première fois à une piste, c’est certain que je demandais aux autres photographes quels étaient les «spots» pour avoir de bonnes photos et quels étaient les pilotes à surveiller pour arriver à mes fins. Par la suite, il n’en tenait qu’à moi de faire le tour et prendre les photos que je devais prendre.

À force d’en faire et d’être régulièrement présent aux courses des différentes associations, j’ai fini par connaître tout le monde. Au fil du temps, des affinités se sont créées et de nouvelles amitiés ont vu le jour. Je dois l’avouer: j’ai mes préférés. Un gars comme Michel Caplette en VTT va très souvent, pour ne pas dire toujours, se retrouver dans mes albums parce qu’il est ultra réceptif quand il croise le viseur de mon kodak. Simon Pageau y va avec de très belles manœuvres également avec son motocross. À moi de faire le reste pour embellir tout ça et de montrer tout mon talent. C’est exactement le même scénario pour les courses sur terre battue.

           Le même travail de «reconnaissance» se devait d’être fait lors de mes premiers dimanches passés au Stadiaume de Saint-Guillaume. Par la suite, ça été le même refrain pour mes visites au RPM Speedway à Saint-Marcel-de-Richelieu ainsi qu’à l’autodrome de Drummondville. Plus le temps passe, plus j’admire non seulement le talent de chacun et chacune d’entre vous, mais toutes les prouesses que vous devez faire derrière le volant afin de garder la voiture sur la piste malgré toutes les subtilités d’une piste de terre battue. Un de ceux dont j’aime bien le style est le pilote du 39A en classe Modifié, Alan Therrien. Je ne sais pas s’il y va tout en délicatesse quand il décide de mettre le pied au plancher, mais c’est de toute beauté le regarder aller sur la piste. On dirait que la voiture est toute douce même si le bolide est tout croche dans les virages, alors qu’en réalité, ça doit brasser sur un méchant temps. La connexion s’est faite naturellement et on le retrouve régulièrement dans mes albums photos. Entre deux périodes de hockey probablement, ça été une conversation simple et franche sur l’emploi du temps d’Alan pour la saison 2024.

         J’avais des interrogations à savoir si on allait le voir à temps plein cette année étant donné que la saison 2023 avait été consacrée un peu plus à la famille. Pour la saison à venir, il n’y aura pas vraiment de changement de garde. Pour préserver l’intérêt et le goût des courses, on le verra quand ça lui tentera tout simplement: «J’ai pas vraiment d’objectif. C’est d’y aller quand ça me tente. Sinon, j’y va de reculons et ça marche pas. Mon but c’est de partir l’année à Granby temps plein et si je suis dans le top 5, j’y vais à chaque semaine. Sinon, quand l’envie y sera. Et RPM à chaque programme». Je le comprends de ne pas écarter complètement le RPM de son planning parce qu’il y est toujours très performant. On assiste à un excellent spectacle de sa part et s’il est dans les meneurs, vous pouvez être sûr qu’il va donner des sueurs froides à ceux devant lui. Pour revenir à l’objectif de départ concernant Granby, c’est maintenant un dossier clos: «Maintenant que la saison est commencée, à ma réponse que je vais suivre le championnat de Granby, et si tout va bien je vais le continuer haha, on a déjà enlevé cette option (rire)». Je vois quelqu’un qui ne s’entête pas à essayer que ça marche. Je parlais de conserver le sujet des courses dans le portrait, c’est exactement ça. De ce que j’en déduis, je ne crois pas que s’il avait continué à pousser même si ça n’allait pas comme il veut, qu’on le verrait toujours dans le paysage aujourd’hui. À tout le moins sur la piste!

        

De ne pas avoir l’esprit à cent pour cent pour préparer sa voiture pour la fin de semaine qui s’en vient doit effectivement peser dans la balance, à savoir s’il sera présent ou non. Sans nécessairement dire qu’il a moins le goût d’être aux courses, disons que les activités familiales prennent le dessus quand vient le temps de prendre les décisions: «Les coûts reliés à ça avec la famille. Ça revient cher aller aux courses, mais surtout les activités de mes 2 enfants. Emma et Zack jouent au hockey et les saisons s’étirent au printemps. On joue au dek hockey aussi. On est très occupés et faut je prépare mon auto à travers ça». Dans le monde d’aujourd’hui où les courses sont rendues un peu plus qu’un loisir, la moindre petite erreur peut coûter très chère. Le standard de performance est tellement élevé que pour rester dans les meneurs, on ne peut pas être présent qu’à cinquante pour cent. À ce moment-là, le choix de passer du temps de qualité avec la famille et ses enfants devient logique et facile à faire.

         Je présume que pour gravir les échelons, il faut en quelque sorte faire ses preuves. Du moins, c’est ce que je pensais! Je ne dirais pas que c’est l’exception qui confirme la règle, mais pour le pilote du bolide #39A, le tremplin s’est fait directement chez les modifiés: «J’ai commencé avec la 2e voiture de mon père en 2007 directement en modifié avec 5-6 programmes avant de commencer temps plein en 2008. J’avais 17 ans en 2007». Avec le nom de la famille Therrien, ça a peut-être facilité son apprentissage et un début aussi rapide dans la grosse classe, mais pour quelqu’un qui n’avait jamais fait de course auparavant, seulement du karting de location en raison d’une à deux fois par année seulement, c’est drôlement impressionnant.

             

De commencer en Slingshot pour passer par la suite en STR ou en Modlite est un cheminement, sans dire tracé d’avance, mais normal. Des histoires comme celle d’Alan, il devrait en avoir à tous les jours. Non seulement par leur côté «curieux», mais parce qu’elle sort du lot. À bien y penser, c’est ben correct de même qu’il en ait une de temps en temps. Ça permet d’alimenter les discussions. Enfin bref, son début chez les modifiés n’a pas été le début espéré: «1ère fois à Drummond aux pratiques, lors de la 1ère séance, j’ai eu le drapeau noir. (rire) J’allais pas assez vite. Kayle Robidoux et mon père ont passé chaque côté de moi dans la courbe #1. J’ai figé! Je me suis dit que jamais j’allais être capable de tourner avec eux. En sortant dans le pit, mon père m’a dit: là tu rembarques pis tu pèses. Ça tourne tout seul quand tu pèses». Les séances de pratique ont visiblement changé depuis, mais auparavant c’était chacun son tour et dès que celui sur la piste finissait son dernier tour, le suivant embarquait et ainsi de suite. C’est un feu roulant et pas de place pour les peureux. Pour Alan, c’est à partir de ce moment-là que le déclic s’est fait: «2e séance de pratique, il nous embarquait sur le fly, façon de parler. Une auto débarquait et il en embarquait une autre sans arrêter et il a fallu que je pèse immédiatement comme mon père m’avait dit. Les gars s’en venaient vite et c’est à partir de là que tout est rentré dans l’ordre. Lors de la 3e séance, j’ai fait le 12e temps sur 26 modifiés». Il était tout à fait normal, même prévisible, qu’Alan allait remettre les pendules à l’heure suite aux prodigieux conseils de son père. Il a dû cependant avoir un très léger moment de panique quand il lui a dit que ça tournait tout seul avec la pédale au plancher, mais force est d’admettre que ça prenait ça pour fouetter le pilote du bolide #39A pour y faire sa place.

        

Quand tu dois supporter un nom aussi prestigieux dans le monde de la terre battue que celui de la famille Therrien, ça doit inévitablement venir avec une pression supplémentaire de bien «performer». «Non jamais ! Mon père a été champion plusieurs fois dans les années où l’argent n’était pas le besoin premier. C’était le pilote et la débrouillardise dans le garage qui faisaient sa force avec son équipe et son mécano. Aujourd’hui, le développement s’achète! Tandis qu’anciennement, ça se passait dans le garage. C’est pour ça qu’on n’a pas de pression parce qu’on ne peut pas comparer ses bonnes années de performance versus nos performances d’aujourd’hui. L’argent est le nerf de la guerre aujourd’hui» renchérissait Alan sur la réalité à laquelle les pilotes doivent faire face aujourd’hui s’ils veulent à tout prix «gagner». Le parcours d’un pilote un peu moins fortuné risque d’être ponctué d’un peu plus d’embûches, mais disons que les standards de performance ont considérablement changé depuis.

         Alex et Alan sont deux pilotes dont j’admire les exploits sur la piste. Leur style de pilotage va de pair avec le style de photo que j’aime faire. Certainement qu’elles finissent toutes par se ressembler, mais en y ajoutant ma petite touche personnelle, avec les couleurs des voitures, le rose en particulier, ça donne un beau résultat. Pour Alan, plus la course est longue, plus il se sent dans son élément: «Alex est plus agressif comme mon père l’était. Moi, je suis plus patient et j’essaie de faire attention pour pas briser. Et des fois, ça me nui. Sur une course « sprint » comme un petit 40 tours exemple. Mais une course de 60-75 tours, c’est plus mon genre de course». J’avoue effectivement que ça l’air de brasser beaucoup plus dans la voiture d’Alex quand il se pointe dans un tournant que dans celle d’Alan. Ce dernier y va tout en finesse, mais ça ne change pas le fait qu’il demeure un compétiteur féroce quand il est derrière le volant et qu’il embarque sur la piste.

         J’ai la chance d’avoir un frère dans ma vie. On se chicane et on s’obstine et c’est tout à fait normal, mais comme on ne partage pas tout à fait les mêmes passions, on n’a pas vraiment de compétition entre nous. Mais de partager la même passion que son frère doit indubitablement ajouter un peu de piquant dans la vie de tous les jours. Comme Alan me l’expliquait, les frères partagent tout ensemble, alors il ne faut pas qu’ils se nuisent un l’autre: «Non du tout. C’est le même argent, les mêmes commanditaires, les mêmes membres d’équipe. Donc, il ne faut pas se nuire l’un et l’autre sur la track ni au garage. Et notre équipe de course, ça forme comme une famille. On est toujours ensemble! Les soirs de semaine et les samedis soir où il n’y a pas de course, on s’organise toujours de quoi et ça finit qu’on est tous ensemble quand même». Je ne dis pas que les frictions sont tout simplement absentes entre eux dans le garage, sur la piste ou dans les puits, mais disons qu’ils ne laissent rien paraître. Les liens familiaux semblent être plus forts que tout et de les voir «collaborer» ensemble est juste magnifique.

         La multitude de réponses que vous me donnez me force à reposer la question à chaque fois. Cela dresse un beau portrait de ce qui habite les pilotes à quelques instants avant que le drapeau vert ne soit agité. Quand vous fermez les yeux, à quoi vous pensez? C’est un moment que vous seul chérissez pour mettre votre concentration à point. Pour le pilote du modifié #39A, tout revient à ce que le paternel lui a toujours dit, soit de ramener la voiture en un seul morceau: «Ça m’arrive de fermer les yeux, mais moi c’est pour me reposer (haha). Mais honnêtement, c’est toujours la même chose et ça provient de mon père: ramène ça sur les 4 roues pis ça va bien aller. J’analyse aussi qui sont les pilotes alentour de moi parce qu’il en a qui pensent qu’une course se gagne sur le 1er départ et c’est là que les accidents arrivent». Il faudrait être complètement à côté de la plaque pour ignorer les conseils de quelqu’un qui a coursé pendant des années et qui a connu beaucoup de succès. Venant de Clément, tu écoutes pis tu suis!

         Pour une deuxième année consécutive, j’ai passé mes deux semaines de vacances dans le comté de Orange, à Daytona Beach, en Floride. Comme je vais rejoindre mon père, je lui ai fait mention encore une fois que j’aimerais retourner un soir voir les courses sur terre battue à Volusia. La série Dirt était présente et la présence de Félix Roy et d’Alan Therrien était une raison supplémentaire, malgré la température très frisquette, de se rendre sur place. Je suis toujours émerveillé de voir les québécois qui décident d’aller de l’autre côté de la frontière pour aller se frotter aux ténors de la série tels Matt Shepard et Mat Williamson. Pour Therrien, ça été l’occasion parfaite pour aller parfaire son apprentissage et, par la force des choses, devenir un meilleur pilote: «L’expérience à Volusia avec la série Dirt était quelque chose de trippant même si ça n’a pas été à mon goût. On me l’avait dit que ça serait tough parce que la compétition est ultra forte là-bas et c’était le cas. Mais on a appris beaucoup! Ça nous a permis de prendre des notes». Je me croise les doigts pour Alan que l’occasion va se représenter à lui. En raison de l’accident dont il été victime, son aventure s’est arrêtée prématurément et il n’a pas pu montrer toute l’étendue de son talent.

         Évidemment, les courses sont un sport risqué et personne n’est à l’abri d’une défaillance mécanique pouvant mettre fin à la soirée. La malchance peut frapper les meilleurs de la discipline et quand elle te frappe, on dirait qu’elle ne te lâche plus. Je disais à Alan, à la blague, que j’allais faire tout en mon possible pour me rendre à mes cinq pages. Il m’a sorti tous les problèmes rencontrés depuis le début de sa saison. C’est incroyable! Il est parti d’un box steering brisé, d’une boite MSD défectueuse, d’un bris au niveau d’un joint du drive shaft en passant par une crevaison pendant son tour de chauffe juste avant le départ de sa course lors de sa dernière sortie à Granby le 14 juin. Ce dernier obstacle ne l’a pas empêché de ramener son bolide à la 13e position après être parti de la 31e place. J’en connais plusieurs qui auraient carrément lancer la serviette, mais connaissant le caractère du paternel, le fiston s’est sûrement dit qu’il fallait qu’il la ramène sur ses quatre roues et qu’il donne tout ce qu’il a dans le ventre pour rallier le fil d’arrivée. WELL DONE! 

                Un texte additionnel derrière la cravate. Une histoire de plus de racontée. À chaque présence sur la piste, il sait comment se démarquer et comment se frayer un chemin parmi le peloton de tête. Je crois que c’est le genre de pilote qu’il ne faut jamais écarter de l’équation quand vient le temps des prédictions. À travers notre conversation, j’ai compris que c’était quelqu’un de méthodique et qui attend simplement la bonne occasion pour faire un dépassement. Si le tirage au sort lui est favorable, bonne chance à celui qui va vouloir le rattraper. Dans le cas contraire, ben…bonne chance à ceux devant…loll 

Scroll to top