Julien Bessette: au cœur de l’action.

Crédit photo : Pierre Chamberland

On poursuit l’aventure de l’écriture avec un deuxième texte en ce début d’année 2024. Histoire de garder l’idée bien vivante et ne pas perdre l’attrait que vous avez tous en me lisant à chaque occasion, la pause que je me suis accordée a été salutaire. Toutefois, je me devais de ne pas abandonner. C’est un nouveau chapitre que j’ai commencé l’été dernier et je dois admettre que je ne pensais pas aimer ça autant. Comme je fais les choses différemment, que ce soit mes questions ou la façon que j’aborde chaque sujet, je me mets, sans le vouloir, une petite pression supplémentaire parce que je veux justement tirer mon épingle du jeu. Et c’est le même constat que j’en fais en ce qui concerne mes photos. Je reçois souvent des commentaires sur mes textes précédents et je ne vois pas pourquoi je changerais ma manière de faire les choses. D’ailleurs, n’hésitez pas à m’écrire pour me faire part de vos suggestions d’idées pour de futurs textes. Je garde mon livre ouvert le plus longtemps possible afin de ne pas me rendre au dernier chapitre trop rapidement. Mes portes ne sont jamais complètement fermées afin que j’aie toujours des options sur la table. La façon que j’ai de construire mes textes dans ma tête est bien personnelle. Je suis conscient qu’il y en a certainement qui n’aime sans doute pas ça. On ne peut pas plaire à tout le monde. J’avais eu vent, quelques années passées, par un confrère photographe, que certains pilotes de motocross n’aimaient pas mon style de photo en 45 ou mon style tout court. Je veux me démarquer! Je veux être différent des autres! Évidemment, je suis capable de m’ajuster et de modifier mon tir, mais le fond va rester le même parce que je veux, et vais demeurer Pierre Chamberland et non pas devenir quelqu’un d’autre. C’est ça la beauté d’être un passionné. Je sors peut-être du chemin déjà tracé d’avance, mais puisque je ne veux pas m’endormir en m’assoyant devant l’ordinateur pour écrire ou pour traiter des photos, ma démarche créative va rester intacte. Mes vacances ont tombé à point parce que j’avais besoin de recharger les batteries. Malgré tout, les démarches pour mon quinzième texte étaient déjà commencées. À mon retour, il suffisait seulement de mettre le tout bout à bout afin d’obtenir une histoire pleine de sens. Êtes-vous toujours prêts? On continue!

         On parle, bien sûr, des pilotes de course parce qu’ils sont l’attraction principale pendant une soirée, mais qu’en est-il de ceux et celles qui gravitent autour et qui meublent également la veillée? On n’en parle pas assez souvent et pourtant, ils ont un travail important et crucial à accomplir. Julien Bessette, pilote Sportsman du bolide J7, fait de la course depuis très longtemps. Sans négliger son statut de pilote de course, je voulais également discuter avec lui de son autre travail quand il est aux différents autodromes: celui de remorqueur. 

         Je connais Julien depuis que j’ai recommencé à aller voir des courses sur terre battue à Saint-Guillaume. Il était responsable de la fausse grille, juste avant que les pilotes embarquent sur la piste. Pour moi, le fait d’avoir pu retrouver les souvenirs d’enfance qui sont rattachés à la course en général, qui avaient été égarés avec le temps, a été l’élément déclencheur pour être en constant contact avec la terre battue. J’en fais le même constat pour Julien. Le fait d’avoir commencé à s’occuper de la fausse grille à Saint-Guillaume a simplement été le commencement d’une belle aventure: «Mon frère commençait à courser en sportsman et il a parlé aux responsables (Mario et André) que je serais dispo pour une job là-bas. Et ils ont voulu de moi. J’ai gardé ce poste à travers les changements de proprio et de promoteur. Pour les remorques, j’avais fait un essai avec Max Lajoie (que j’ai connu à St-Guillaume) et j’avais beaucoup aimé ça. J’ai fait quelques programmes en 2020 à Granby et la saison 2021 complète en plus de prendre le volant pour 5 courses à Drummond. J’ai ensuite embarqué dans l’équipe de Drummond en 2022 avec la fin de l’été à Saint-Marcel. J’ai fait la saison complète à Saint-Marcel en 2023 en plus de courser à Drummond».

        

Je me rappelle vaguement comment le tout fonctionnait quand un accident survenait à l’époque de mon père, mais on se disait tous que la soirée allait être très très longue quand le drapeau jaune était agité. De 1, le nombre de tours sur le jaune n’était pas comptabilisé. Enfin, très rarement! Ça rallongeait drôlement la soirée et, de 2, ça prenait un temps fou pour déplacer toutes les voitures impliquées. Comme ça jouait du coude de façon solide, il fallait avoir des nerfs d’acier pour «tuffer» la soirée entière, assis dans les estrades. Aujourd’hui, c’est visiblement plus coordonné parce qu’il y a plusieurs équipes qui entrent en jeu quand un accrochage survient. «On travaille habituellement en équipe de deux. Un chauffeur et un accrocheur. Boissonneault, tout le monde sort, premier arrivé, il accroche pis on (clear la track). À Drummond, c’est plus par section, et ça sort quand le char ne repart pas. Sauf qu’il y a le side by side qui sort toujours aussitôt qu’il y a un jaune» me renseignait Julien sur la marche à suivre quand les différents services sont demandés sur la piste. Le travail comporte son lot de risques étant donné le trafic qu’il peut y avoir pendant une finale de 75 tours chez les modifiés où une trentaine de voitures peuvent y prendre part. Si vous ajoutez à ça cinq ou six véhicules d’intervention, il ne reste plus grand espace. De là l’importance, comme me le mentionnait Julien, d’apprendre le métier pour une recrue en tant qu’accrocheur et, par la suite, dès que l’occasion se présente comme chauffeur, de sauter sur l’occasion.

         Je n’imagine pas le stress constant que les différents corps de métier peuvent subir pendant une soirée de course. Le fait qu’un ou une pilote n’ait pas vu le danger imminent, ça doit occuper l’esprit de pas mal tout le monde continuellement. Pour limiter le risque, il faut nécessairement bien faire les choses. Avec les précautions prises par les équipes, si un événement malheureux survient et que le remorqueur se blesse, c’est qu’il n’a peut-être pas été assez prudent: «Quand tu travailles bien, c’est pas un danger. Mettons en tant que chauffeur, moi je dois faire attention de ne pas frapper un char. Disons qu’ils ne laissent pas la «coussin» de sécurité comme l’autoroute (rire). Mais quand on se place pour remorquer, on s’arrange pour mettre un truck en retrait qui «protège» et tasse le trafic en étant décalé. Donc, si un remorqueur se blesse, c’est qu’il n’a pas été prudent… vraiment pas. À Granby, Jean gère les trucks. À Drummond, c’est Gilles. (dans le side by side) Et Saint-Marcel, on est seulement 2 qui peuvent accrocher et un qui pousse».

        

Juste le fait d’espérer qu’il ne se passe rien de majeur pendant une soirée doit rendre la tension, l’angoisse palpable dans le camion. C’est certain que l’on ne veut pas qu’il y arrive un accrochage, aussi minime qu’il soit, pendant une soirée. Pour ma part, j’aime bien ça quand ça brasse un peu. Pas que sans accident ça rend une course plate, mais disons que ça pimente un peu plus la soirée. Les sujets de discussion ne manquent pas quand le drapeau jaune est agité plus d’une fois. Les manœuvres douteuses de l’un, combinées à un tempérament bouillant d’un autre, rehaussent de beaucoup le spectacle. Pour Julien et toutes les autres équipes, quand le temps s’arrête, c’est l’occasion de se dégourdir les jambes et d’aller prêter main forte aux pilotes sur la piste: «La vérité est qu’une soirée où on ne sort pas, c’est plate. Pour nous, pas pour les pilotes. Tsé tant qu’à être là, on veut participer. (rire) Et quand ça tombe rouge pour un accident majeur, on veut être là le plus vite possible pour porter assistance aux pilotes mal pris».

         Maintenant que vous en savez un peu plus sur son travail de remorqueur, je me dirige vers le pilote. Si on ajoute le fait qu’il accorde de l’importance aussi à l’idée de conduire sa voiture de course pendant la saison estivale, son emploi du temps est somme toute très bien rempli. Je me suis quand même demandé quels étaient ses intentions et ses objectifs pour la saison 2024 qui approche à grand pas. Comme dit le vieil adage: on peut sortir le gars des courses, mais pas les courses du gars. «J’ai l’intention de faire la saison complète à Drummond si le budget le permet. Et j’ai l’intention de retourner sur les remorques à Saint-Marcel s’ils ont encore besoin. J’aimerais réussir à faire 100% de la saison à Drummond. (budget oblige) Et finir top 20 au championnat». Avec un peloton aussi compétitif et un championnat très relevé, la catégorie Sportsman s’annonce pour être très captivante à suivre. En plus, avec des pelotons de départ qui ont frisé la trentaine de voitures pour les différentes finales l’an dernier, un top 20 envisagé est plus que respectable.

         «Je suis fier d’avoir fait la saison. Évidemment, on veut toujours être meilleur. Mes bons résultats sont une 2e place en qualif et de percer le top 15 durant la course de 60 tours à la fin de l’année. Même, si au final, c’est pas là que j’ai fini» me racontait Julien sur le niveau de satisfaction de sa saison malgré le peu de courses au compteur au profit du remorquage qui rapporte un peu plus. Je suis en droit de penser qu’il pourrait  strictement se contenter que de ça, mais l’adrénaline est l’un des ingrédients primordiaux qui le tient bien réveiller quand vient le temps de parler de course automobile: «La vitesse, l’adrénaline et d’en apprendre plus sur la mécanique. J’adore les courses depuis que j’ai environ 6 ans je dirais. La vie étant ce qu’elle est, j’avais décidé de jouer au hockey au lieu de ça, mais ça toujours été un rêve d’être pilote».

         Comme les courses automobiles, sous toutes ses formes, ont ce petit quelque chose d’imprévu, il est normal de penser qu’un pilote peut être déçu de ses résultats une fois la saison terminée. Personnellement, c’est ce que j’aime du sport automobile. Les projections faites pour la saison qui s’en vient ne sont que des chiffres que l’on met sur une feuille de papier. C’est-à-dire que l’on n’est aucunement à l’abri d’une surprise ou encore d’un ou d’une pilote que l’on n’avait pas vu venir et qui connaît la saison de ses rêves. Les accidents majeurs et les bris mécaniques font partie intégrante du déroulement d’une soirée de course. Personne n’est réellement en mesure de dire avec certitude comment la soirée va se terminer. Le danger guette les pilotes à chaque coup de volant. Ces derniers connaissent les limites de leur voiture ainsi que leur propre limite par cœur. La crème finit toujours par remonter à la surface, mais ajouter à ça de jeunes pilotes fringants qui ont soif de victoire, on risque d’avoir des flammèches pendant toute la saison. Si le tout est fait dans les règles de l’art, les spectateurs seront aux premières loges pour assister à un grand spectacle. Je vous ramène à la bataille de tous les instants de William Racine et Raphaël Gougeon un soir à Drummondville. C’était du bonbon les regarder aller.  

         Dans la vie de tous les jours, je crois qu’il est important, voire primordial, d’avoir un but précis pour nous permettre d’évoluer en tant qu’individu. Cela dit, il faut appliquer cette manière de penser à notre passion également afin qu’elle puisse évoluer tout autant que la personne qui tient le kodak à chaque fin de semaine de course. De mon côté, il y avait des membres de ma famille qui faisaient de la photo depuis assez longtemps pour que je puisse prendre exemple sur eux advenant le cas où je décidais d’en faire. Comme de fait, en 2014, j’ai acheté mon premier boîtier et décidé d’aller, tout bonnement comme ça sans aucun bagage photographique, à ICAR pour prendre des photos de la série Pinty’s et des camionnettes. De fil en aiguille, j’ai développé mon propre style et me voilà rendu où j’en suis aujourd’hui. Je n’ai suivi aucun cours et j’ai appris sur le tas. Au fil du temps, les gens ont été quelques peu surpris de ce que j’étais capable de créer comme souvenir parce que j’allais contre certains principes de base en photographie. Pour la famille Bessette, c’est la même chose. La passion pour la course a commencé à l’Avenir, à la piste de karting familiale et tout s’est enchaîné par la suite: «En résumé, il y a une piste un peu en dehors du village. C’est à notre oncle. Depuis qu’on est enfant qu’on en fait. Et Charlo a commencé en minimod, alors qu’il avait juste 12 ans. Les courses ont toujours été dans la famille. Mon oncle Étienne coursait. Mon père, nos cousins Gilles et Éric». Le hasard fait bien les choses parce que Julien m’avouait que le but premier, lorsqu’il a acheté son sportsman, était de courser contre son frère, mais ce dernier a décidé de se diriger vers la catégorie ModLite. Durant l’été, le duel entre les deux frangins a finalement eu lieu grâce à François Bellemare qui lui a loué une voiture pour leur permettre enfin de s’affronter.

         Quand je suis derrière la caméra, je me fixe souvent de petits objectifs comme d’avoir le père et le fils sur la même photo, d’avoir le meilleur «filé» possible de Stewart Friesen ou d’être prêt quand David Hébert sort de la courbe numéro deux sur une roue. Je ne cherche pas LE cliché que tout photographe voudrait bien avoir dans sa collection, mais disons que je mets toutes les chances de mon bord. Une fois assis derrière son volant, le pilote du bolide J7 ne pense qu’à une chose: avoir du plaisir à conduire: «Être constant, limiter les erreurs, limiter les bris. Et le plus important, avoir du fun». Je vois souvent les pilotes sur la fausse grille fermer les yeux un instant et aller sur la piste après. J’aime bien être présent quand cela arrive pour capturer le moment. Même quand ils font une petite sieste…lolll Désolé Julien, il fallait que ça sorte…haha Je lui ai dit que l’on allait mettre ça sur le dos de la visualisation et que le dossier allait être clos. Mais blague à part, chacun a sa façon de voir les choses. «Avant les qualifs, je vais calculer le nombre de dépassements pour me qualifier».

         J’ai posé la question à la majorité d’entre vous, même si je doutais que vous alliez me répondre non. Cela dit, comme tous les goûts sont dans la nature, je trouve toujours intéressant de voir vos réponses parce que ça me permet, en quelque sorte, de vous connaître un peu plus et de savoir votre quotidien à travers une saison de course qui occupe toutes vos fins de semaine. Ça me dresse un portrait bien diversifié sur ce qui occupe un pilote et son entourage. Un calendrier complet peut accaparer la majorité des fins de semaine durant l’été. Au début, j’étais quelque peu surpris de vous entendre me dire que la famille résistait tant bien que mal à tout ce chamboulement qu’implique une sortie aux courses. En fait, vous réussissez tous et toutes à trouver le bon équilibre pour que le ménage tienne le coup. Tout le monde embarque dans l’aventure. Quand la barrière ouvre et que les pilotes peuvent commencer à remplir les puits en vue de la soirée, je suis étonné à chaque fois de voir que même les tous petits mettent l’épaule à la roue pour aider le papa ou la maman. La maman s’occupe souvent du volet «réseaux sociaux», alors que les petits chérissent l’idée de conduire une voiture de course dans quelques années. En plus du papa qui pilote, toute la famille baigne dans l’industrie et chaque membre y trouve son compte. Donc, difficile de sortir littéralement les courses de son quotidien et de faire autre chose. Est-ce que c’est différent pour Julien et toute son équipe vous pensez ? «Je réussis rarement. On est toujours à la recherche de commanditaires ou de moyens de s’améliorer Et sinon, y’a Iracing. Vu que toute la famille est impliquée (mon père va recourser et mon frère qui course depuis 14 ans), c’est pas mal le sujet de nos discussion familiales». Le hockey, le volleyball, le baseball, le golf et le tennis sont quelques sports que Julien pratique dans ses temps libres.

         J’ai bien hâte de voir ce que la catégorie sportsman va nous réserver pour 2024. Avec le départ de William Racine pour les modifiés, plusieurs pilotes pourront, et devront, prendre la pole pour palier à la perte de Racine. J’ai l’impression que l’on va assister à une belle saison. Je parlais de surprise, mais je ne serais pas surpris du tout que l’on voit un Keven Boucher Carrier ou un Samuel Lajoie se faufiler et venir chercher quelques podiums. Peut-être même quelques victoires! Qui sait! Julien Bessette a joué également le jeu des prédictions: «Ça dépend des bris, je pense. On va voir Gougeon, Parent, peut-être Lajoie, Poliquin à l’avant-plan».          Voilà, mon deuxième texte pour cette nouvelle saison est complété. Comme d’habitude, j’espère vous avoir fait découvrir un autre pilote du plateau. En plus de porter le chapeau de pilote, il est également sur les remorques. Je trouvais intéressant d’avoir son témoignage sur ses deux occupations. Les pilotes sont en première ligne pendant une soirée de course, mais je me dois de diriger mon attention, à l’occasion, sur ceux et celles qui font en sorte qu’une soirée de course peut avoir lieu. Avec tous les mouvements de pilote qui montent et qui changent de catégorie, on est en droit de penser que ça promet d’en être une bonne. Si les caprices de Dame-Nature sont mis de côté et que le beau temps est des nôtres, on aura des courses mur à mur et je serai, bien sûr, présent aux abords de la piste pour vous prendre en photo. Pour ma part, on part le bal le 27 avril prochain pour la soirée d’essais libres à l’autodrome Drummond. Bien hâte que la saison commence pour faire le plein d’histoires à vous raconter. 

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