Finalement, le beau temps a coopéré pour la présentation d’un programme de courses à l’autodrome Drummond samedi dernier. L’autodrome reprenait du service après un arrêt forcé de cinq semaines. Pour l’occasion, la série canadienne Side Panel était en vedette. Il y avait également sept autres classes à l’affiche et les pilotes ont répondu présents dans chacune d’entre elles. Les spectateurs ont également répondu à l’appel parce que les estrades semblaient plus bondées qu’à l’habitude. J’ai levé les yeux à quelques reprises vers le ciel parce qu’il était parsemé de nuages, mais aucune menace sérieuse pour empêcher la présentation du programme de courses. La soirée s’est, somme toute, bien déroulée. Il y a eu quelques drapeaux jaunes et plusieurs drapeaux rouges qui ont forcément donné des sueurs froides à Yan Bussière et à toute son équipe parce que l’heure du couvre-feu approchait dangereusement. Comme la soirée ne semblait pas vouloir se terminer, les pilotes sportsman devaient sacrer comme ce n’est pas possible. La première finale de la soirée était justement une reprise de la finale du 10 juin dernier, arrêtée en raison de la pluie. S’il fallait qu’ils ne complètent pas la soirée encore une fois. Comme on dit, tout est bien qui finit bien! Mis à part les dommages considérables sur les différentes voitures impliquées dans les accidents nécessitant la sortie du drapeau rouge, les pilotes sont sortis sans grosse blessure apparente.
J’aimerais vous faire un petit feed-back de mes deux textes précédents sur les femmes derrière le volant. D’abord, un gros gros merci d’avoir pris le temps de me lire. Quelques personnes m’ont croisé samedi et m’ont signalé avoir grandement aimé les deux parties. Comme vous avez été nombreux à lire et partager mes textes, j’en ai conclu que la lecture a été agréable. Vous semblez aimer mon phrasé et la façon que j’ai de raconter, alors raison de plus pour moi de continuer. C’est d’autant plus valorisant pour quelqu’un qui n’a jamais été une «bolle» en français et qui n’a jamais été attiré par l’écriture avant le 25 mai dernier quand on m’a proposé de faire des chroniques. Mon coffre à outils commence étrangement à se remplir et ce n’est plus gênant du tout de le traîner avec moi et de me servir des outils qui le remplissent quand bon me semble. Même si mon passage à ProMédia en 2009 n’a pas donné les résultats escomptés, personne ne va pouvoir m’enlever les six des plus beaux mois de toute ma vie. Ça n’a pas été facile, mais tu apprends à te faire confiance, dans l’adversité, et les résultats peuvent être des plus surprenants. D’où l’importance de remplir son coffre le plus possible quoiqu’il se passe. Enfin, tout plein de beaux sujets de discussion qui s’en viennent pour les prochains textes. Du moins, je l’espère! Sinon, on va en trouver…hihi
L’un est tout jeune et commence à faire sa marque en Sportsman cette année et le second sillonne les circuits de course québécois depuis qu’il a l’âge de sept ans. Raphaël et Sébastien Gougeon connaissent une saison du tonnerre et les ennuis mécaniques semblent très loin derrière eux. Ils sont régulièrement aux avant-postes et donnent une féroce opposition à leurs adversaires. C’est beau rêver, mais je crois que c’est dans un avenir pas si loin que ça que de voir les deux remporter une course lors de la même soirée. Encore mieux; finir un et deux dans une des trois courses. Imaginez le scénario!
C’est pour faire suite à l’annonce de l’achat d’un moteur sportsman flambant neuf par Sébastien pour courser contre son garçon que j’ai décidé de m’entretenir avec le père et le fiston. On va avoir le plaisir de les voir courser un contre l’autre pour les trois courses de la série Superstar Sportsman qui vont précéder le GP3R. Ça m’a fait beaucoup rire quand Raphaël a dit pendant son entrevue, suite à sa deuxième position, qu’il allait essayer de le battre. C’est clair que ça va être tout un spectacle et les gens risquent d’être sur le bout de leur siège quand les Sportsman vont embarquer sur la piste. Je ne sais pas dans quel état d’esprit Sébastien va être quand le drapeau vert va tomber, mais c’est quelque chose qu’il voulait vivre au moins une fois: «J’avais le goût de vivre ça au moins une fois et cette année tout s’est placé pour que ça puisse se réaliser. Avoir la chance de courser contre son garçon dans une catégorie ultra compétitive comme les Sportsman, ça va être un beau défi. J’aurais toujours aimé pouvoir courser contre mon père à l’époque et je n’ai pu le réaliser, mais j’aurai la chance de le faire avec Raphaël». C’est certain qu’une fois rendus sur la piste, ils ne se feront pas de cadeau. Un va sortir le meilleur de l’autre et vice versa. Ça promet! Si les deux pigent bien et qu’ils sont dans les premiers, ça va être toute une course. J’ai juste trop hâte d’être là. Je crois que je vais laisser tomber le kodak, pour quelques tours assurément, pour juste apprécier le moment et le spectacle. Pour Raphaël, il est certain qu’ils ne se laisseront pas de chance, mais il croit en ses chances de pouvoir avoir le dessus sur son père: «Ça va être une première expérience excitante. Il ne fait qu’une seule course par année dans un sportsman et c’est sur l’asphalte. Donc, je crois avoir mes chances contre lui si j’ai un bon début de soirée et que je suis capable de piger une bonne position. Ce sera la première fois que nous allons nous affronter en piste donc bien sûr, nous n’allons pas nous laisser de chance et nous allons nous amuser avant tout». Ce sont des rendez-vous à ne pas manquer.
Comme les trois programmes de la série Superstar Sportsman, auxquels Sébastien va participer, précèdent le Grand-Prix de Trois-Rivières, je n’avais pas vraiment le choix de lui en glisser un mot. Ce dernier a remporté l’édition 2022 du GP3R. Une victoire particulière pour lui et toute son équipe et à en croire ses propos, c’est un fichu de beau cadeau qu’ils se sont offert: «Le Grand Prix de Trois-Rivières est un grand prix avec beaucoup d’histoires. Mon père y a déjà couru, mon oncle aussi et je considère qu’on est très chanceux d’avoir la chance d’y courir une fois par année. De pouvoir dire qu’on a déjà gagné au GP3R est une belle fierté. On met tellement d’efforts pour être le plus performant tout au long de l’année. C’est une belle récompense d’avoir remporté cette course».
J’ai voulu en apprendre davantage aussi sur leurs parcours et depuis quand la piqûre des courses s’est installée. «Première expérience aux courses quand mon père coursait en circuit routier à Mont-Tremblant, Sanair et Grand-Prix de Trois-Rivières. Il avait même terminé 3e au Grand-Prix de Montréal. Il coursait en série Production GT-2 avec un Rabbit et un scirocco, et par la suite en série Honda Michelin» me racontait Sébastien. En poursuivant la conversation, Sébastien me disait que son père leur a laissé toute la place à lui et son frère pour qu’ils fassent leur début en karting en 1993. Sébastien avait onze ans à ce moment-là. Pour ce qui est de la terre battue, les premiers tours de piste se sont faits en 2002, mais c’est l’essai d’un sportsman en 2001 à Granby qui a tout déclenché: «À l’âge de 20 ans en 2002. On avait fait l’essai d’un sportsman l’année précédente à Granby (une voiture de René Clair) et c’est là qu’on a attrapé la piqûre de la terre battue. L’année 2002 fut notre première sur terre battue en sportsman».
Du côté de son garçon Raphaël, dès l’âge de trois mois, il a vu courser son père à Syracuse. Ce n’est que plusieurs années plus tard qu’il a goûté, pour la première fois, à la terre battue: «À l’âge de 7 ans, mon père décide de rire un peu en me faisant essayer un slingshot au RPM Speedway. Très grosse erreur de sa part. (rire) J’ai donc essayé mon premier slingshot à l’âge de 7 ans et fait ma première course à l’autodrome Granby à l’âge de 8 ans. Mon père et mon grand-père sont ceux qui s’occupaient de mon auto la semaine et j’avais des amis motivés pour m’aider la fin de semaine. J’ai évolué en classe slingshot jusqu’à l’âge de 14 ans et commencé en classe sportman à l’âge de 15 ans». Très grosse erreur de sa part. J’adore la réponse…loll Il a entamé sa dixième année en course automobile et je suis persuadé qu’on va le voir pendant encore très longtemps.
À l’époque de mon père, je ne saurais vous dire avec certitude si, sans rancune papa…hihi, on nous a demandé la permission de le suivre dans son aventure. La réponse d’un petit bonhomme de cinq ans risquait d’être un oui catégorique. Pour ma mère, j’imagine qu’elle n’avait pas le choix. Dans le cas d’une réponse dans la négative, j’imagine une vie plus plate que mouvementée que peut apporter les courses. Je vais vous faire une confidence; dans le temps de l’autodrome Chibougamau, ma mère a déjà coursé lorsqu’elle était enceinte de plusieurs semaines de mon frère. Quand on y pense, il a déjà fait ses premiers tours de piste, alors que moi, je n’ai jamais touché à un volant d’une voiture de course. Va falloir que je remédie à ça…lolll On s’entend que les courses te bousculent une vie solide. Une fin de semaine de trois jours pendant presque quinze ans. Les hôtels, les voyages, les repas dans les restaurants, le cinéma les samedis soirs ont composé mes fins de semaine pendant fort longtemps. Forcément, si mon père avait un gros crash ou une mauvaise soirée dans le corps, on le vivait avec lui parce que l’on passait nos journées ensemble aux courses. Certainement pas au même stade, mais on le vivait pareil. Un brin nerveux la fin de semaine suivant un accident!
J’ai également engagé la conversation avec la mère de Raphaël, Caroline Leclerc. Qu’en est-il de cette nervosité qui doit l’habiter quand Sébastien et Raphaël partent tous les deux pour les courses ? «Je m’y suis habituée je pense. Avant que Raphaël course, tout mon stress était pour Sébas. Maintenant que Raph course, on dirait que Sébas me stress beaucoup moins, mais Raph me prend plus d’énergie. Faut dire qu’il est beaucoup plus téméraire que son père peut l’être». C’est tout un contraste avec l’homme qu’elle côtoie à tous les jours à la maison parce qu’elle me disait que c’est quelqu’un de timide et réservé de nature. Chose certaine, dès qu’il met son casque sur la tête et enfile sa combinaison de course, il devient Raph le pilote. L’avant-dernier programme à Drummond, celui de la série canadienne des Gros Blocs, Sébastien a connu le meilleur résultat avec un petit bloc avec une quatrième place. Je vais, à l’occasion, dans les puits pour aller féliciter les pilotes. En m’approchant de Sébastien, je vois que Raphaël taponne sur sa voiture avec un air très déçu. Visiblement, il se questionne sur ce qui n’a pas fonctionné parce qu’il a connu une soirée assez difficile. Je trouvais intéressant d’avoir un point de vue de l’extérieur, celui de la mère. Je me questionnais sur le rôle du père dans une telle situation et selon Caroline, il est important de le laisser tranquille pendant quelques minutes avant d’aller lui parler: «Oui, je me souviens de ce soir-là. Il n’a pas connu beaucoup de soirées difficiles jusqu’à date et ce soir-là, il avait pas bien dormi depuis 3-4 jours et ça se ressentait sur sa course. Il n’était pas comme d’habitude. Dans ce temps-là, son père lui parle mais on le laisse décompresser un petit 20 minutes. Son expérience lui apprendra que ça ne peut pas toujours bien aller. Il est encore jeune et a beaucoup à apprendre».
J’ai questionné Mini-Spiderman pour savoir si Sébastien lui donnait tous les trucs possibles ou s’il était laissé un peu à lui-même quand venait le temps d’embarquer sur la piste: «Quand j’étais en slingshot, mon père me donnait tous les petits trucs qu’il connaissait. Tout ce qui pouvait m’aider à m’améliorer et être plus rapide sur la piste, mon père me le disait. Quand je suis monté en Sportsman, ça été plus facile pour lui car c’est une classe dans laquelle il avait été très dominant donc il en connaissait beaucoup plus. Où j’en suis rendu aujourd’hui, mon père vient me voir avant la course pour me dire où les autres pilotes sont les plus rapides et le reste, il me laisse faire. Il a confiance en moi».
Je m’accroche toujours à ce qui peut allumer tant les pilotes dans l’exercice de leur fonction. Je serais curieux de savoir quelle vitesse les bolides peuvent atteindre. J’ai des frissons, juste à les voir entrer dans les courbes à pleine vitesse et frôler le mur à la sortie des virages. C’est très impressionnant. Pour Raphaël, la saine rivalité que les courses ont créée entre lui et son père y ait pour beaucoup dans le fait d’aimer autant les courses: «J’ai commencé les courses grâce à mon père et c’est grâce à lui aussi si j’ai la chance de pouvoir encore réaliser ma passion aujourd’hui. La rivalité, que nous avons depuis toutes ces années est ce qui me fait autant aimer ce sport. C’est une passion père-fils que nous prenons très au sérieux, mais nous avons aussi beaucoup de plaisir à le faire». Il me disait aussi que le fait d’être de plus en plus rapide sur la piste est une source de motivation supplémentaire pour mettre autant d’effort et d’énergie dans son sport. Avec cette belle attitude, je ne suis pas inquiet du tout quant à son avenir dans le monde des courses sur terre battue.
En jasant l’autre soir avec le pilote du bolide #44 modifié, il me racontait qu’il ne faisait pas tous les voyages étant donné les heures tardives où il arrive à la maison. Pourtant, on le voit régulièrement faire les samedis et quelques autres sorties. Qu’est-ce qui fait que l’on peut sortir le gars des courses, mais pas les courses du gars: «C’est vraiment le trip de gang. On fait les vendredis avec Raph. Donc le samedi, on a juste une voiture à préparer. Je préfère toujours arriver aux courses avec la voiture la mieux préparée possible. Le nombre d’heures requises pour préparer 2 voitures pour 2 soirs de courses par semaine est trop. On veut courser le plus possible, mais on se doit d’y aller avec le nombre d’heures disponibles pour préparer tout ça. Avec Raph, 2 soirs semaine, ça lui donne l’expérience dont il a besoin vu son jeune âge, et moi je me concentre sur le samedi. Chacun y trouve son compte».
Je sais, je m’agrippe peut-être un peu trop, mais que veux-tu. Je pose la question même si je me doute de ce que les trois quarts des pilotes vont me répondre. Cependant, je trouve intéressant d’en savoir un peu plus sur le quotidien d’un ou d’une pilote et de savoir ce qui l’occupe dans ses temps libres, même si les courses risquent d’occuper 95% de leur temps. Dans le cas de Sébastien, il n’est pas question d’écarter les courses de l’équation: «De mai à début octobre, je passe la majorité de mon temps sur les voitures en préparation et aux courses. La préparation de 2 voitures qui coursent 2 fois par semaine demande environ entre 40 et 50 heures de travail (si on n’a pas eu de bris ou accident majeur) si on compte le nombre d’heures travaillées par tous les membres d’équipe, que ce soit la maintenance des voitures, le lavage des autos, des remorques la préparation des pneus, préparer les breuvages, s’assurer que les génératrices et autres équipements sont fonctionnels etc… Il y a beaucoup d’éléments qui entourent une soirée de courses complète. On fait la majorité des travaux le week-end quand tous les membres d’équipe sont là mais, à partir du lundi, tous retournent au travail. Je complète ce qui reste avec l’aide de Raphaël et André qui est à la retraite. Donc, c’est pas mal du 7 jours sur 7 pour la saison estivale». En continuant la «jasette» avec Sébastien, même pendant la saison hivernale, ils sont constamment dans le garage à peaufiner les réglages de la voiture en vue de la prochaine saison. Cela dit, il trouve quand même le moyen de recharger les batteries en allant faire du ski et de la motoneige avec les enfants.
Pour ce qui est du garçon, rien n’est plus fort que la passion: «Même quand il n’y a pas de course, je peux pas m’empêcher d’y penser quand même. Je repense à la dernière course que j’ai faite, celle qui s’en vient, je pense à comment la soirée va se dérouler et j’essaie de visualiser ma course le mieux possible. Peu importe ce que je vais faire en dehors des courses, je ne vais jamais avoir une plus grande préoccupation que ma passion».
En jasant avec vous trois, j’ai découvert une famille tissée serrée. La relation entre tous les membres de la famille et le lien de confiance qui les unis semblent être inébranlable. C’est vrai que les courses occupent une place prédominante mais, selon Caroline, ça a rapproché Sébastien et Raphaël comme jamais: «Oui, c’est certain que chez nous le sujet des courses est omniprésent, mais on sait quand même parler d’autres choses. Sébas et Raph sont en train de bâtir une belle relation comme celle que Sébastien avait avec son père. Tous les soirs ensemble dans la shop de course, ça rapproche un père et son fils. Moi et Laurence, notre fille, on sait où les trouver, si on s’ennuie».
Je vous ai tous posé la question à savoir si vous réussissiez à décrocher complètement des courses au détriment d’activités quotidiennes pour faire le vide, évacuer la pression, La réponse a été sans équivoque: non! En fait, oui, mais pas complètement. À la suite de mon texte, je me rends compte que j’ai peut-être négligé un point dans mon approche en ne mentionnant pas la famille dans l’équation. Je veux dire ceux et celles qui ne sont pas nécessairement dans les courses, mais qui suivent quand même. Un prochain sujet dans un texte éventuel pour savoir comment elles vivent tout ça. Est-ce qu’elles se sentent à l’écart ou elles finissent par s’y habituer ? Comme Caroline me le mentionnait, dans le cas des Gougeon, il y a un bel équilibre entre tout le monde et personne n’est mis à l’écart: «Laurence est très occupée. Elle travaille. Elle fait beaucoup de danse. Elle a ses amies. L’hiver, on est très présent pour elle et ses spectacles. L’été, c’est plus Raph et papa aux courses. Mais oui, plus jeune elle trouvait ça plus difficile de ne pas avoir beaucoup de temps avec son père».
De mon côté, je n’étais pas très doué pour jouer au baseball ou au tennis durant l’été. Je n’avais pas beaucoup d’amis à l’école, alors quand venait le temps de partir aux courses les fins de semaine, c’était en quelque sorte une délivrance pour moi. J’allais voir mon père faire des courses, j’allais au cinéma le samedi soir et on allait magasiner le dimanche après-midi. Quand le temps le permettait bien sûr. J’étais juste aux anges parce que les problèmes que j’avais à l’école disparaissaient momentanément. En vieillissant, on finissait par choisir nos fins de semaine mais, encore là, jusqu’à sa dernière course, j’étais présent dans les puits à côté de son mécano pour aller voir des courses.