Au p’tit tour: Les femmes derrière le volant (partie 2)

Crédit photo : Pierre Chamberland

À chaque semaine, j’essaie de vous faire part de mes observations de mes fins de semaine de course du mieux que je le peux. C’est une empreinte bien personnelle que je laisse sur la table et je commence à m’y habituer d’écrire. À travers mes entrevues, je tente aussi de vous en dévoiler un peu plus sur nos pilotes ainsi que sur leur quotidien, sur leur cheminement. Le but est également de vous dresser un portrait des courses sur terre battue bien senti. Je tire le bouchon peut-être un peu loin, mais le côté mystérieux de l’écriture m’attire de plus en plus.

Il y a un phénomène étrange qui se passe, qui me fait dire des choses sur ma vie privée où les autres personnes qui lisent mes textes doivent se dire que je ne suis pas gêné de dire tout ça, alors que dans la vie de tous les jours, je suis tout le contraire. Je suis le gars le plus timide et tranquille qui existe. Vous voyez qu’il y un méchant beau contraste entre la personne qui se présente à chaque samedi et la personne qui s’assoit devant son écran d’ordinateur pour écrire. D’ailleurs, je tiens à vous remercier d’avoir pris un dix minutes de votre temps afin de répondre à mes questions. C’est super apprécié.

J’avais tendu la perche à six d’entre vous et j’ai obtenu des réponses de tout le monde. D’où le pourquoi de faire une deuxième partie aux femmes derrière le volant. Je ne pouvais pas laisser en plan les réponses de Sabrina, de Daphné et de Charlotte. Il n’en était pas question! Je me répète probablement, mais je suis impressionné à chaque fois que je vous vois rouler avec les gars. À mon humble avis, au point où vous êtes rendues, les résultats sont secondaires et se doivent de l’être. Je veux dire que de faire sa place parmi les hommes est un exploit en soi. De faire des podiums et même de gagner des courses est comme la cerise sur le «sunday». C’est du bonus. Si le succès se poursuit et que vous faites la barbe aux autres, c’est ben tant mieux et le spectacle ne peut qu’en bénéficier.

         J’ai posé les quatre mêmes questions à tout le monde. Je pouvais me diriger dans une direction totalement inattendue dépendant des réponses que vous me donniez. C’est ce que j’aime d’une entrevue. Le plan initial peut prendre la direction de la poubelle et c’est ben correct de même. Je dirais même nécessaire pour pouvoir réussir une bonne entrevue. En ayant une formation en animation radio, je sais comment bâtir une entrevue. Que ce soit au niveau universitaire ou dans le cadre d’un emploi, j’ai eu à en faire plusieurs. J’ai animé l’émission du matin lors de mon passage à l’Ile d’Anticosti. Comme c’était un emploi rémunéré, j’avais des paramètres à respecter. Un maximum de dix minutes m’était alloué pour la réalisation de mes entrevues. J’avais bien souvent de cinq à sept questions de préparées et, la plupart du temps, quelques-unes n’étaient pas posées parce que mes interlocuteurs/trices y répondaient pendant la conversation. Il faut que tu sois à l’écoute de la personne que tu interviews parce qu’elle peut te donner, bien malgré elle, des pistes intéressantes à explorer pour la suite de l’entrevue. Si tu ne veux pas que ça soit plate, monotone et sans vie, il faut ouvrir grand tes oreilles.

         Pour revenir aux femmes derrière le volant, je trouvais bon d’aller dans toutes les directions. C’est-à-dire que je ne pouvais pas me concentrer uniquement sur une classe en particulier. Dans le cas contraire, je me priverais de belles histoires à raconter. Tout comme la première partie, j’ai cru bon de solliciter l’avis de deux pilotes recrues, Charlotte Morin et Daphné Hébert qui coursent toutes les deux en classe Sportsman. Charlotte, qui en est à sa quatrième année de compétition, baigne dans les courses depuis son tout jeune âge: «J’ai toujours été aux courses. Depuis que je suis jeune, que ce soit avec les Roy ou avec les Boisvert, j’ai toujours suivi la famille. Il y a cinq ans, j’ai voulu avoir un slingshot en ne sachant même pas si j’étais douée. (rire) J’ai travaillé pendant un an pour amasser assez d’argent afin d’acheter ma voiture et mon trailer. J’ai ensuite fait trois ans dans cette catégorie». L’année dernière, elle a décidé de tout vendre ça pour acheter, avec l’aide de Martin Roy, son premier sportsman. Avec l’apprentissage qu’elle doit faire pour ses premiers tours de piste dans la grande classe, elle se déplace régulièrement en prenant part aux différentes épreuves de Novice Sportsman. Même après un accident assez sérieux à l’autodrome Drummond le 4 juin dernier, qui a laissé passablement de dommages sur sa voiture, elle était de retour en piste une semaine plus tard. Si ce n’est pas montrer de la résilience, je ne sais pas c’est quoi. Bravo mon amie!

        

Une autre pilote qui a connu du succès en slingshot avant de graduer en Sportsman, est Daphné Hébert. De ce que j’ai pu comprendre en discutant avec vous tous, les courses sont une affaire de famille. Le cas de Daphné ne fait pas exception: «Mon père est pilote depuis vraiment longtemps, donc je suis né là-dedans. J’ai été élevée là-dedans. Bref, j’ai passé toute mon enfance assise dans bouette à regarder des courses ah ha». J’en ai profité également pour demander à celle qui en est à sa troisième saison dans les courses sur terre battue, comment se passait sa première saison en Sportsman.  Comme David lui dit, l’expérience vient en faisant des tours de piste: «Mon adaptation se passe assez bien je crois. Comme mon père dit : «Le secret est de faire beaucoup de tours et c’est comme ça que je vais prendre de l’expérience» Je pense que je commence à prendre de plus en plus confiance, et que je m’améliore énormément». Le fait de faire des tours et des tours commence à rapporter des dividendes parce que, comme me le racontait Daphné, depuis un mois, elle n’a plus besoin de passer par le B-main pour aller en finale et se tient régulièrement en milieu de peloton avec des pilotes d’expérience. C’est tout en son honneur les bonnes performances qui lui arrivent présentement. C’est amplement mérité!

        

Maintenant que la fin de semaine de course soit maintenant derrière nous, force est de constater que le travail, week-end après week-end, course après course, commence à avoir des effets plus que positifs du côté de nos deux pilotes. Charlotte et Daphné y mettent les efforts pour pouvoir progresser et ça été une fin de semaine productive. Charlotte se déplace régulièrement pour courser avec les «rookies» au Airborne Speedway. Elle vient, d’ailleurs, de signer sa première victoire dans la classe. Malgré le fait qu’elle doit passer par la consolation, que ce soit à Granby ou Drummondville, à l’occasion, en raison du nombre élevé de bolides inscrits, elle se retrousse toujours les manches et s’en va chez nos voisins du sud pour courser et prendre de l’expérience. Pour Daphné, j’étais sur place au RPM Speedway pour le Summer Festival et c’était vachement impressionnant de la regarder rouler. Aucunement intimidée par quiconque sur la piste. Elle a roulé dans le peloton de tête pendant une bonne partie de la course jusqu’à ce qu’un accident vienne anéantir ses chances de top cinq à quelques tours de la fin. J’étais tellement déçu pour elle que ça se termine ainsi, mais je me suis… pas grave, elle a donné tout un show.

        

On la connaît depuis plusieurs années parce qu’elle connaît du succès sur les pistes de motoneige sur ovale aux États-Unis. La «Super Girl» évolue également sur les pistes de terre battue et d’asphalte depuis bientôt huit ans. Celle qui a débuté son parcours en course automobile sur asphalte admet que l’adaptation a été pénible pour ce qui est de la terre battue: «J’ai commencé directement en STR. Le début a été très difficile puisque je n’avais jamais fait de terre battue. Après 2 ans environ, ça commencé à bien aller. J’ai gagné mes premières courses sur l’asphalte à Sainte-Croix et à Vallée-Jonction. Ensuite, avec ces victoires-là, ça m’a donné confiance et j’ai remporté plusieurs victoires sur la terre». Est-ce que j’ai réellement besoin de vous donner la suite des événements. Elle me dressait la liste de toutes ses victoires et de tous ses championnats et c’est hallucinant ce qu’elle a réussi à accomplir. Le championnat au RPM Speedway en 2017, recrue de l’année en 2016 à sa première saison en Lightning Sprint et le championnat STR en 2019 à l’autodrome Drummond ne sont que quelques réalisations obtenues depuis le début de sa carrière.

         Pour ne pas déroger de mon plan de match, j’ai voulu continuer dans la même veine que mes trois collaboratrices précédentes. Je voulais avoir leurs commentaires suite à leur venue dans un sport essentiellement masculin. «En STR, les gens ont bien réagi. La gang était assez nice et m’ont toujours acceptée. Je n’ai jamais été une pilote qui touchait aux gens. Je suis assez clean sur la piste donc ça bien été je crois» me racontait Sabrina. Pour les personnes qui ont des commentaires désobligeants à son endroit ou qui peuvent continuer d’en avoir, elles vont devoir se lever de bonne heure pour réussir à l’ébranler: «Personnellement, j’ai une bonne carapace et ça m’affecte pas tant. J’essaye de me dire que je suis une pilote comme les autres, à la même égalité que les hommes puisque depuis que j’ai 7 ans que je compétitionne seulement avec des garçons. Quand ça arrive, il faut juste pas se laisser atteindre, se relever et foncer encore plus et mettre les efforts». Visiblement, cela ne semble pas avoir affecté son parcours, son cheminement, puisqu’elle continue de rouler sa bosse sur terre battue et c’est tout en son honneur.

         Pour la pilote du bolide sportsman 09, le fait d’être bien entourée l’aide grandement à devenir meilleure: «Honnêtement, je crois que ça ne change rien que je sois une fille. Ils nous (les autres pilotes féminines) considèrent comme des compétiteurs normaux qui ont autant leur place que les autres. Et j’ai beaucoup de chance d’être dans l’équipe que je suis. Félix, Jeremy et Martin m’aident beaucoup à m’améliorer et à acquérir d’autres compétences afin d’être meilleure». Les mauvaises langues vont toujours prendre beaucoup trop de place et contaminer les belles histoires que l’on peut raconter. Évidemment, les commentaires plats qui sont faits à son endroit n’ont pas leur place et ne méritent aucunement qu’on leur accorde la moindre importance. Charlotte a la meilleure des réponses: «C’est sûr que c’est difficile pour moi de ne pas réagir. Je suis assez impulsive dans la vie mais souvent, je m’en sers sur la piste pour me motiver à mieux performer».

         Pour ce qui est de la pilote du ONE, ce n’est pas tant de voir une fille courser avec eux qui les dérange, mais plutôt leur orgueil qui en prend un coup: «J’ai eu quelques commentaires sexistes, mais toujours dit à la blague, comme «attention femme au volant mort au tournant», «ça reste que c’est une fille, ça prend plus de temps à apprendre». Bref, je pense pas que de voir une fille courser les dérange, mais ça vient plutôt jouer sur leur orgueil lorsqu’on les dépasse ou qu’on termine en avant d’eux». Personnellement, je ne penserais pas être capable, du moins ça prendrait du temps, pour répondre poliment. Ça finirait probablement par me taper sur les nerfs. Si j’étais pilote, ça affecterait sans l’ombre d’un doute mes performances. Daphné a fini par répondre à ses détracteurs de façon à leur fermer le clapet une fois pour de bon: «Personnellement, au départ, sans le vouloir, ça me jouait un peu dans la tête. Après, j’ai commencé à faire semblant de ne rien entendre, mais j’ai réalisé que j’ai des oreilles et une voix et il faut qu’elles servent à quelque chose. Donc, maintenant, je réponds souvent aux commentaires en faisant une blague tout comme eux, ce qui souvent les fait taire…ha ha».

         Je ne pourrais pas vous dire avec certitude la façon que ça se passait sur la piste à l’époque pour mon père et les autres pilotes, mais ça ne devait pas être rose à certains moments. Pour faire sa place, et c’est peut-être encore le cas aujourd’hui, est-ce qu’il fallait littéralement tasser quelqu’un sur la piste ou fallait régler ça entre hommes une fois la course terminée? Chose certaine, du côté des pilotes, ce n’était pas tous des enfants de chœur. En fait, je crois que c’était plus l’équipe de mécano et l’entourage qui causaient des problèmes que le pilote lui-même. Comme certains d’entre eux étaient des gens peu recommandables ou en fréquentaient, il était dans ton propre intérêt de te tenir loin d’un groupe quand ça commençait à brasser parce que tu risquais de recevoir une «crowbar» par la tête. Imaginez à la fin de la soirée, à deux heures du matin, avec une bière dans le nez. On parle de respect et qu’il est important de faire sa place dans les règles, mais trente, trente-cinq ans passés, c’était comme dirait l’autre «une autre game». Comme le mentionnait le directeur de course samedi dernier au RPM, il est interdit de consommer sur le site de course sous peine que la soirée, pour l’équipe au complet, soit terminée. Je ne connais pas le livre des règlements par cœur mais, encore une fois, force est de constater que le milieu a évolué au fil du temps et que celui qui s’entête à contourner les règles n’est juste plus à sa place.

         J’ai retenté ma chance à savoir si Daphné, Sabrina ou encore Charlotte réussissaient à décrocher littéralement des courses quand elles avaient une pause. On ne peut pas dire que j’ai eu 100% de réussite avec cette question-là, mais c’est toujours intéressant d’en savoir plus sur le quotidien des pilotes. Pour Daphné, c’est clair, net et précis: «Je ne décroche pas, c’est tu une bonne réponse…lolll». J’adore! En poursuivant notre discussion, elle me disait aimer l’adrénaline que les courses lui procurent. Le stress de faire une erreur fait partie également des choses qu’elle adore lorsqu’elle est sur la piste derrière son volant. En plus d’avoir un père, qui a connu tant de succès au fil des années, et qui continue d’en avoir, toujours à ses côtés, aide grandement à son apprentissage. Pour ce qui en est de son adversaire sur la piste, c’est un peu plus facile de mettre les courses de côté, mais le garage n’est jamais très loin: «Je joue au dek hockey et je m’entraîne deux à trois fois semaine, mais j’y pense tout le temps quand même…ah ah Pour faire le vide, je vais dans le garage et je travaille sur ma voiture. Il y a rien qui calme plus que le silence d’un garage de course». En continuant le dialogue, Charlotte me mentionnait qu’elle prévoyait faire des études dans le but de faire un métier qui va lui permettre d’aller aux courses. «Pour vrai, je vis pour les courses. Je vais au travail pour pouvoir aller aux courses. J’aime vraiment ça. C’est plus qu’un simple loisir pour moi, c’est vraiment un mode de vie» a renchérit Charlotte. 

         C’est un peu différent dans le cas de Sabrina. En se tenant active, autant en été qu’en hiver, son horaire ne doit pas lui laisser grand-place pour des activités quotidiennes lui permettant de faire le vide. Cela dit, plus le temps passe, plus les activités «dites» quotidiennes qu’elle mettait peut-être à l’écart auparavant deviennent soudainement un peu plus importantes: «Oui! Avant, non! Maintenant en vieillissant, j’essaye de faire autre chose un peu. Voyager, camping et profiter avec la famille aussi». 

         Je comprends, enfin je pense, pourquoi elles gardent les courses tellement proche d’elles. Ça permet de garder la flamme et l’étincelle bien vivante aussi longtemps que possible. Dès que le désir de courser n’y sera plus, je suis persuadé qu’elles vont arrêter tout simplement. C’est un peu la même chose pour moi. Tant que la santé va me le permettre et que le désir de «shooter» va y être, mon matériel photo va toujours rester à côté de ma porte de chambre et non rangé dans le placard pour y passer la fin de ses jours. 

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