Rencontrés en début de semaine, Georges Samson et Gisèle Guy en avaient long à dire au sujet de l‘avenir de l’Autodrome BSL, alors que le calme revient lentement après la tempête qui a secoué cette piste située au Bas-St-Laurent. Le message était clair. Il y aura des courses en 2023, mais pas dans les mêmes conditions qu’en 2022.
La qualité du circuit
Les défis ont été nombreux l’été dernier, à commencer par la préparation de la piste qui a suscité nombreuses discussions parmi les équipes et les amateurs. Georges Samson a dû apprendre « sur le tas » son nouveau métier après que celui qui effectuait cette tâche depuis de nombreuses années ait quitté l’organisation pour se consacrer à sa nouvelle entreprise.
Les premières expériences à ce chapitre pour le propriétaire auront été douloureuses. Georges Samson admet avoir eu de la difficulté à trouver sa propre recette. « Je suis conscient que la piste n’a pas toujours été à la hauteur, mais j’ai appris par moi-même et j’ai eu besoin de quelques programmes pour trouver mes repères » ajoute l’apprenti sorcier qui doit composer avec une glaise un peu capricieuse. « Si la tendance se maintient, la qualité du circuit devrait continuer de s’améliorer en 2023 » ajoute ce dernier en arborant son plus large sourire.
Le bassin d’équipes
Un enjeu important est le nombre de voitures qui a atteint un seuil critique en 2022. N’eut été de la division Enduro, le nombre de compétiteurs présents était très préoccupant certains soirs. Le marché de l’est du Québec en est un où la tradition du sport automobile s’était un peu perdue avec le temps, soit avant que Junior Pouliot relance un projet de piste dans cette région. Créer un nouveau bassin d’équipes repose sur effort constant depuis l’ouverture du circuit. Ils ont été nombreux comme à tenter leur chance, mais qui ont quitté le domaine des courses par la suite.
Depuis quelques années, les nouveaux arrivants suffisent à peine à combler les départs d’une année à l’autre. Certes, il y a eu de meilleures années que d’autres, mais la saison 2022 aura été vraiment éprouvante à ce chapitre principalement du côté de la classe SuperPro qui a déjà fait la pluie et le beau temps à une certaine époque dans ce coin de pays.
Pour m’être entretenu cet été avec certains des pilotes de cette division, trouver un compromis à la satisfaction de tous pour que reviennent certains d’entre eux qui possèdent toujours leur voiture relevait presque du tour de magie tellement les écarts sont importants entre les équipes quant à leurs souhaits. Vous le verrez plus tard dans ce texte, Georges Samson a abdiqué et n’appliquera plus le règlement mécanique local en 2023.
Les bolides disponibles dans la région du BSL se situent, selon les cas, quelque part entre les classes Semi-Pro et Prostock si on les compare aux règlements d’autres pistes. Cette réalité commande une prise de position rapide de la part des dirigeants de la piste s’ils souhaitent réussir à augmenter le nombre de voitures de façon durable tout en tentant de conserver les équipes déjà actives dans cette classe, mais aussi dans les autres divisions.
Un autre indice qui devrait être pris en compte est celui que très peu de pilotes graduent d’une classe à une autre. La tendance est généralement de se lancer dans l’aventure dans une classe pour ensuite lancer la serviette après un certain temps. Hormis quelques cas comme Yvan Beaulieu qui est passé de la classe Sport Compact à la division Sportsman et Nicholas Dubé qui a opté pour l’achat d’un SuperPro en fin de saison, le nombre de gradués se font rares dans les cinq dernières années. Si on se fie aux rumeurs de fin de saison et au mécontentement qui déferlait sur l’endroit dans les derniers mois, la tendance observée semblait vouloir se répéter en vue de 2023. Le travail sera donc colossal pour l’équipe de l’Autodrome afin de convaincre ces équipes de revenir en 2023.
S’arrimer avec ce qui se fait ailleurs
L’incompatibilité du calendrier avec la piste d’East-Broughton et l’écart qui existe entre la règlementation mécanique locale et celle existant sur les autres pistes du Québec en aura sans doute découragé plus d’un à visiter la piste bas-laurentienne à tout le moins, de façon occasionnelle. Certaines mésententes survenues au sujet des inspections dans les dernières années auront probablement contribué à laisser croire, à tort, que les locaux ont une approche protectionniste et que les visiteurs occasionnels n’étaient plus les bienvenus.
Les premières années de l’Autodrome BSL ont été marquées par un engouement pour la qualité de l’accueil des gens de l’endroit. La recette de Junior Pouliot était de miser sur cet accueil chaleureux et d’aborder la compétition sous l’angle du plaisir. Les équipes locales contribuaient grandement à créer un esprit de fête autour des courses. Cette approche qui avait fait la marque de commerce de l’Autodrome BSL a laissé place à un esprit de plus en plus compétitif qui, en certaines occasions, a pu laisser un goût amer pour certaines équipes de passage ou régulières. Plusieurs pilotes qui visitaient occasionnellement BSL ont, petit à petit, délaissé le circuit, ce qui a eu un effet important sur le nombre de voitures présentes cette saison. L’arrimage du calendrier 2023 avec East-Broughton pourrait peut-être aussi permettre à des pilotes qui se produisent sur la piste beauceronne de revenir se mesurer aux équipes locales, comme c’était le cas dans le passé.
Georges Samson a annoncé en entrevue que tous les volets de la règlementation qui pouvaient décourager les pilotes visiteurs seront retirés en vue de la saison 2023. En ce sens, la règlementation mécanique sera alignée sur celle d’autres pistes au Québec; reste à déterminer lesquelles. Des discussions se tiendront dans les prochaines semaines à ce chapitre. Une chose apparait certaine du côté des dirigeants de l’Autodrome, la division SuperPro basée sur des règlements locaux sera chose du passé. « On étudie actuellement la possibilité de passer en Prostock » précise le propriétaire de l’endroit. La décision devrait être connue d’ici la fin du mois de novembre.
L’autre enjeu est de trouver une solution au fait que la règlementation prévoit dans certaines classes que les moteurs soient scellés localement pour participer à plus de deux programmes. Cet aspect handicape grandement la piste bas-laurentienne. Une solution doit aussi être trouvée à ce sujet. C’était le cas en SuperPro et en Sportsman. Samson veut s’assurer de trouver une formule qui permettra une certaine uniformité afin de favoriser la libre circulation des équipes entre les pistes impliquées si un terrain d’entente peut être trouvé avec d’autres promoteurs.
Sport Compact et Enduro
La classe Sport Compact compte aussi sur une règlementation maison et les coûts associés à la préparation d’un bolide sont sans cesse à la hausse. Le fait de ne pas avoir pu compter sur un inspecteur technique au fil du temps a laissé place à une certaine créativité, ce qui est source de suspicion entre les équipes. Là aussi on retrouve un règlement local incompatible avec d’autres pistes. Cette classe est devenue trop complexe pour les pilotes qui débutent et n’est pas à la portée de gens avec peu de connaissances en course automobile. Certes, il y a la division Enduro, mais celle-ci mérite qu’une révision soit faite afin de la rendre plus sécuritaire et uniforme.
L’enjeu en 4 cylindres, incluant les voitures Enduro, est de réussir à trouver la meilleure formule pour les adapter aux classes disponibles ailleurs en limitant les coûts nécessaires pour transformer les voitures déjà disponibles sur le territoire. Pour y parvenir, l’Autodrome BSL devra pouvoir compter sur des inspections mécaniques rigoureuses alors que les candidates et les candidats pour occuper ces fonctions ne se pressent par aux portes pour offrir leurs services. Il faudra que Georges Samson et son équipe trouve une solution à ce problème qui se répète d’une saison à une autre depuis déjà un bon moment. L’époque où la confiance entre les équipes suffisait à assurer une certaine uniformité des voitures est révolue.
La classe Slingshot implantée par le nouveau propriétaire a connu quant à elle une meilleure progression depuis son instauration. Il va sans dire que le fait que Georges Samson a rendu l’accès à ces voitures assez facile a grandement aidé au développement d’un groupe significatif de pilotes. Cependant, cette classe qui se veut être une classe d’entrée ne semble pas être à la portée de toutes les bourses comme pourrait l’être éventuellement une division quatre cylindres plus économique.
Conquérir à nouveau le cœur des amateurs
L’Autodrome BSL se doit de ramener plus de spectateurs dans ses estrades. On le sait, chaque pilote attire généralement son lot de supporteurs, ce qui suffit généralement à assurer un certain roulement. La réalité est assez brutale à ce chapitre en ce moment. Bien que plusieurs milliers de personnes suivent ce qui se passe à BSL dans les médias sociaux, de moins en moins d’amateurs de courses passent les guichets de la piste les soirs de courses. La situation est à ce point préoccupante que les dirigeants de l’endroit ont senti nécessaire de faire une pause en 2022 pour tenter de redresser la situation. Bien que des améliorations importantes aient été apportées dans les deniers programmes de la saison, le mal semblait être fait et les amateurs ont délaissé le circuit au profit d’autres activités. Certains pilotes qui attiraient de grands groupes d’amateurs semblent n’y parvenir maintenant que très difficilement.
L’analyse des motifs entourant cet état de fait pourrait prendre encore plusieurs lignes, mais chose certaine, les luttes intestines entre certaines équipes, les débats houleux entourant certains comportements et les difficultés rencontrées dans le déroulement des programmes en juillet et en août auront certainement contribué au déclin des assistances. La situation est-elle réversible? Probablement; mais pourvu que les acteurs se concentrent à promouvoir leur sport plutôt qu’à entretenir des différends sans fin.
Et pour l’avenir…
À mon avis, pour favoriser le retour en force de l’Autodrome BSL en 2023, plusieurs décisions courageuses doivent être prises et à en juger par mes dernières discussions avec les dirigeants de l’endroit, l’intention de redresser la situation semble être ferme. Gisèle Guy et Georges Samson sont engagés à poursuivre l’aventure malgré les difficultés rencontrées en 2022 et les risques financiers rattachés au fait de présenter une autre saison. Certains ajustements ont été apportés aux règlements généraux qui devront être appliqués avec constance par la jeune équipe d’officiels qui poursuit son développement. Gisèle Guy a sous sa responsabilité de mettre en place un nouveau programme de reconnaissance et de consolidation de son équipe qui, à mon humble avis, pourrait porter ses fruits, et ce, très rapidement. Il est probablement l’un des plus généreux au Québec.
Les dirigeants de l’endroit souhaitent revenir à un modèle d’affaires basé sur des ambitions modestes, mais visant la survie à long terme du complexe de sport motorisé qui compte bien diversifier ses activités en 2023 avec le maintien des courses de démolition et l’arrivée probable de nouvelles disciplines. Il est grand temps que le monde du stockcar local reprenne de la vigueur si les amateurs souhaitent revivre la belle époque des courses sur terre battue au Bas-St-Laurent. Le stockcar a maintenant de la concurrence pour l’utilisation de la piste et des infrastructures de l’Autodrome. J’ose espérer que la rentabilité des courses de stockcar et le plaisir seront à nouveau au rendez-vous en 2023 afin d’en assurer la pérennité à long terme.